Ils s’adaptent déjà au changement climatique

La journée technique organisée dans le cadre du projet Climatveg s'est tenue le 6 juillet au Domaine des deux moulins à Juigné-sur-Loire.  Photos : O.Lévêque/Pixel6TM

Comment agir face aux conséquences de gel printanier, de fortes chaleurs estivales et plus largement de perte de vigueur ? Quatre vignerons du Maine-et-Loire accompagnés par l’ATV49 témoignent sur le sujet de l’adaptation du vignoble au changement climatique en lien avec le projet Climatveg1.

Amaury Chartier, chef de culture (Anjou) : repenser ses plantations face au gel

Amaury Chartier, chef de culture (Anjou)
Après le gel de 2021, le Domaine Belargus – créé en 2018 à partir des vignes du Domaine Pithon-Paillé et établi sur les 24 ha de chenin – s’est beaucoup questionné. « Beaucoup de nos vignes plantées il y a 20-30 ans sont précoces, greffées sur riparia, et parfois peu vigoureuses. Avec le gel de 2021, nous n'avons récolté que 200 l/ha sur certaines parcelles, par manque de reprise de vigueur après le coup de froid », explique Amaury Chartier, le chef de culture. D’où l’idée d’envisager plusieurs solutions : planter de nouvelles vignes dans des sols plus profonds – jusqu’à 1,20 m de sol au plus bas –, assurer une bonne préparation du terrain et de la mise en place des plants et choisir des porte-greffes plus vigoureux (41b et rupestris) capables de soutenir la vigne en cas de gel, mais aussi d’aller chercher tôt l’eau en profondeur pour faire face aux périodes plus sèches.

« Nous essayons aussi de monter les souches au maximum, pour limiter l’impact du gel et envisager un débourrement un peu plus tardif. L’idée de laisser des animaux pâturer les vignes le maximum de temps dans l’année, notamment au début du printemps, permettrait idéalement de jouer contre l’impact du gel », ajoute Amaury Chartier. Des essais de rognages doivent aussi être menés, pour observer l’impact sur la résistance à la sécheresse et aux à-coups climatiques.

Marie Dubillot, vigneronne (Layon) : ramener de la vigueur par le sol et les porte-greffes

L’exploitation familiale de Marie Dubillot compte un troupeau de blondes d’Aquitaine et 16 ha de vigne au Domaine du Paradis. Ici, l’objectif est d’accroître la vigueur des vignes face aux à-coups de production assez marqués. « Pour accroître la vigueur au démarrage, nous travaillons mécaniquement nos sols en apportant du fumier de bovins produit sur la ferme, ainsi que des engrais verts dont la semence est autoproduite. Grâce à ces pratiques, nous avons déjà gagné en structure du sol, vigueur, et productivité », indique la vigneronne.

Sur de nouvelles plantations en cours, le domaine a opté pour des porte-greffes plus vigoureux, comme le 1103 paulsen, gravesac, et 110 richter depuis cette année, notamment en remplacement du SO4. « Nous testons aussi la conduite sur haut tronc, entre 90 cm et 1 m au lieu de 50 cm pour la baguette, dans l’objectif de se protéger du gel, réduire la pénibilité de la taille et tâcher de limiter la surface de la haie foliaire également », termine Marie Dubillot, qui souhaite pour l’avenir renforcer au maximum les interactions entre élevage et vigne. « Et pourquoi pas imaginer du pâturage en hiver avec les vaches dans les vignes ! »

Loïc Moy, domaine Patrick Baudouin (Layon) : adopter la greffe tardive et la taille longue

Loïc Moy, domaine Patrick Baudouin (Layon)
Depuis trois à quatre ans, sur le Domaine Patrick Baudouin (12 ha), des greffes sont réalisées sur des porte-greffes plantés deux ans en amont (101-14, riparia et paulsen). « L’idée est de pouvoir bénéficier d’un meilleur enracinement », précise Loïc Moy, salarié du domaine. Ensuite, les vignes sont conduites en gobelet sur échalas. « Les premières greffes ont deux à trois ans, donc il est encore trop tôt pour s’exprimer sur les retours », indique-t-il.

Autre innovation : la taille tardive et longue, en vue de faire face aux gels tardifs de printemps. « En 2021, nous avons vu toutes les vignes geler, sauf deux hectares protégés par des bougies, d’où cette recherche de solutions moins coûteuses, moins exigeantes en main-d’œuvre et en énergie, et aussi moins émettrices de pollution », souligne-t-il. Un premier passage durant l’hiver conduit à garder le double d’yeux sur les baguettes. Ensuite, fin mars-début avril, un second passage permet de raccourcir au nombre d’yeux souhaité. « Les premiers yeux débourrés touchés par le gel pourront ainsi être remplacés pour les autres sur la baguette », termine-t-il.

Marc Houtin, vigneron (Côteau de l'Aubance) : travailler la haie foliaire et réfléchir à l’agroforesterie

Marc Houtin, vigneron (Côteau de l'Aubance)
Réduire la haie foliaire pour limiter la photosynthèse, et avoir à terme moins d’alcool et plus d’acides dans les vins. Voici la réflexion menée depuis l’an dernier sur le vignoble de La Grange aux Belles de 12 ha en bio. L’enjeu est de réussir à proposer des vins en adéquation avec le terroir, y compris lors de millésimes chauds. Deux modalités ont ainsi été appliquées sur une parcelle de chenin, avec - 50 % (70 cm de réduit) et - 30 % (40 cm) de hauteur de haie foliaire, en pré-véraison. S’il convient de poursuivre les essais, Marc Houtin indique avoir pu observer une vendange de 50 hl/ha, avec une baisse de 1° d’alcool et une acidité totale en hausse de 0,5 point : « Je pense que c’est une voie possible sur chenin pour bénéficier de maturités phénoliques en adéquation avec les maturités alcooliques. Mais pour l’heure, ce type de pratique n’est pas faisable au sein du cahier des charges de l’AOC. »

Le vigneron réfléchit également à un projet d’agroforesterie. « L’intérêt serait d’avoir une ombre portée sur les vignes, car en 2022 nous avons eu jusqu’à 30 % de pertes de récolte par échaudage par endroits. L’autre intérêt porte sur la biodiversité, en favorisant la présence de chauves-souris contre les vers de la grappe. » Autre réflexion : la conduite en pergola sur le modèle italien. « Les grappes seraient mieux protégées du soleil, et nous pourrions peut-être imaginer des animaux dessous », indique Marc Houtin.

(1) Climatveg : projet de recherche sur les régions Bretagne et Pays de la Loire sur 2021-2025, visant à étudier les transitions et durabilités des systèmes de production végétale face aux changements climatiques.

 

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