La viticulture régénérative s'installe au Château Patache d'Aux

Dans le but de toucher le moins possible aux sols, l'inter-rang est tondu et l'entretien du rang effectué avec des disques Belhomme.

Crédit photo Chateau Patache d'Aux
Giacomo Piubello est directeur technique au Château Patache d’Aux, propriété médocaine reprise par AdVini en 2016. Il revient du symposium Tasting Climate Change qui s’est déroulé fin janvier au Canada, où il a partagé les pratiques de viticulture régénérative mises en place au domaine.

>>> Quand et comment avez-vous débuté la viticulture régénérative au domaine ?

Giacomo Piubello : Nous avons commencé à parler viticulture régénérative sans vraiment nous en rendre compte, en nous engageant dans une démarche axée sur les sols comme beaucoup de viticulteurs. Nous avons démarré en 2017-2018 une analyse des sols du domaine (qui s’étend sur 80 ha, dont 62 ha de vignes).

Nous avons accueilli un thésard de Montpellier SupAgro pour réaliser une cartographie de l’ensemble des parcelles. L’objectif était d’obtenir une meilleure lecture de nos sols afin de pouvoir mieux décider de ce qu’il fallait planter comme matériel végétal, à quel endroit, à quelle densité, etc.

Ce n’est pas courant dans notre secteur, mais au Château Patache d’Aux, les sols sont argilo-calcaires, et il est notamment important de planter le cabernet sauvignon dans des parcelles qui lui conviennent et d’éviter les argiles profondes. Nous avons alors combiné deux approches pour obtenir un outil d’aide à la plantation : une méthode classique grâce aux analyses de terre, aux fosses pédologiques pour évaluer la granulométrie, aux teneurs en MO, etc. En parallèle, nous souhaitions essayer de mieux comprendre le comportement de l’eau dans nos sols.

L’eau est le premier facteur qui détermine l’absorption des nutriments. Pour cela, des mesures de conductivité ont été effectuées tous les 10 cm dans chaque parcelle, par l’intermédiaire d’électrodes montées sur le châssis du tracteur. Ces deux couches de données issues des analyses de sol et de données de conductivité ont ensuite été superposées pour obtenir une cartographie précise de nos sols, qui permet de savoir quoi planter, mais aussi comment travailler nos sols. C’est à ce moment-là que nous avons commencé la viticulture régénérative en évoluant vers un itinéraire technique perturbant le moins possible nos sols.

>>> Quels changements de pratiques ont été mis en place ?

G. P. : C’est finalement assez simple : l’objectif est de toucher le moins possible aux sols et de les couvrir. Dans nos interrangs de 1 m-1,10 m, les couverts sont spontanés ou semés à la volée à l’automne ou au printemps avec un mélange d’orge et d’avoine. Ils sont tondus en mars-avril pour former un paillage.

Sur le rang, nous avons désormais opté pour des disques Belhomme qui sont passés sur les 20 cm du rang. Ce ne sont pas des interceps, ils ne génèrent pas de friction au niveau des pieds, ne travaillent pas le sol, retournent juste la motte de terre.

La présence des couverts permet à l’eau de s’infiltrer plus rapidement et entretient la vie des micro-organismes. L’absence de travail du sol perturbe moins les vers de terre.

Le volet stockage carbone vient en supplément. Plus la teneur en MO des sols est élevée, plus les sols sont capables de stocker du carbone. Nous nous appuyons sur une cartographie nutritionnelle établie grâce aux résultats d’analyses de terre et d’analyses pétiolaires pour gérer les amendements et la fertilisation, avec l’appui du laboratoire SRDV.

En travaillant de manière pragmatique, nous pouvons compenser l’impact de nos activités. Pour l’aspect carbone, mais aussi biodiversité, nous avons conservé les bois et les haies existantes, mais aussi implanté des bandes enherbées, et planté l’équivalent de 2 km de nouvelles haies lorsque c’était possible, y compris dans certaines zones – aux abords d’une école notamment –, pour la prévention de la dérive lors des traitements.

>>> Quelle a été l’étape suivante ?

G. P. : Nous sommes « rentrés » dans la viticulture régénérative par la vie des sols, comme c’est très souvent le cas pour les domaines. Mais, de manière plus large, nous visons la résilience de nos sols et la pérennité de notre vignoble.

À long terme, nous souhaitons que nos sols soient performants dans 10 ans, 20 ans, 30 ans, pour pouvoir cultiver la vigne de demain.

Nous essayons d’anticiper le changement climatique. Nous avons, dans cet objectif, mis en place une parcelle expérimentale de 0,3 ha, sur laquelle 2.266 pieds de 26 clones de nos cépages (cabernet franc, cabernet sauvignon, merlot, petit verdot) sur 11 porte-greffe. Le but n’est pas forcément de faire une expérimentation œnologique, mais de voir comment la vigne réagit au changement climatique, en particulier à la variabilité extrême.

La vigne est capable de supporter des événements extrêmes, mais c’est plus difficile pour la variabilité extrême, quand elle subit un froid ou une sécheresse à une période inhabituelle, comme avoir 20 °C en février par exemple. Ce type d’événement est de plus en plus fréquent. Mélanger les cépages, sélectionner les porte-greffe peut-il nous apporter des réponses ?

Giacomo Piubello est directeur technique de Château Patache d’Aux, propriété médocaine d'AdVini.
Crédit photo : Chateau Patache d'Aux

>>> Avez-vous d’autres projets ?

G. P. : Nous avons commencé une sélection massale de nos vieux cabernets sauvignons, avec pour partenaire les Pépinières viticoles VCR. Ces vieux cabernets sauvignons font nos meilleurs vins. Ils ont été plantés il y a 90 ans, avant même que l’Inra n’approfondisse ses recherches sur les clones. Nous sommes en 2e année de sélection massale : sur 4 ha, 700 plants ont été collectés et seront analysés pour vérifier qu’ils sont indemnes de viroses, avant d’être multipliés, en vue d’une plantation pour 2028. L’objectif est de mettre en place sur un hectare une banque à sarment pour faire nos propres plants. Nous revenons à une approche holistique et transversale de la viticulture régénérative.

Une sélection massale de vieux cabernet-sauvignon a commencé dans l'objectif de mettre en place sur un hectare une banque à sarment.
Crédit photo : Chateau Patache d'Aux


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