Tout savoir sur la fertirrigation de la vigne

Bien adoptée dans certains les pays du nouveau monde, la fertirrigation, ou fertigation, est une technique encore discrète dans les vignobles français. Elle gagne cependant de plus en plus d’amateurs conquis par le gain de temps et la facilité de mise en œuvre. Le dosage des éléments est à regarder de près. 

1. Quel est le principe de la fertirrigation ?

La fertirrigation consiste à injecter des nutriments dans le réseau d’irrigation de la vigne, en particulier de l’azote. « Lorsqu’il y a des problèmes de chlorose, les viticulteurs injectent du fer. Parfois, ils apportent du phosphore », précise Hugo Brancorsini, chargé de mission fertirrigation à la chambre d’agriculture de l’Aude. En pratique, la fertirrigation est utilisée en complément d’une fertilisation classique.

2. Quel est le matériel nécessaire à la fertirrigation ?

« Il faut avant tout avoir un système d’irrigation en goutte-à-goutte pour faire de la fertirrigation », introduit Miguel Delucchi, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de l’Aude. Le système de fertirrigation consiste à équiper le réseau d’irrigation d’une bonbonne avec un système de venturi qui va injecter l’engrais dans le système d’irrigation. « Que le système d’irrigation soit enterré ou suspendu, et quel que soit le type de goutteur, tous les systèmes peuvent être équipés, précise Miguel Delucchi. Le filtre est très important dans la fertirrigation. Son objectif est d’éviter le colmatage du goutteur. »

Le matériel doit aussi être soigneusement entretenu chaque hiver. « L’ajout de nutriments peut favoriser le développement de micro-organismes dans l’eau et conduire à une obstruction du réseau », souligne Hugo Brancorsini.

3. Quels sont les bénéfices de la fertirrigation ?

Gain de temps de travail, moins de tassements, facilité d’utilisation… Ce ne sont pourtant pas les seuls arguments qui poussent les viticulteurs à adopter cette technique. « La fertirrigation permet d’avoir une maîtrise totale de l’apport de nutriments », souligne Miguel Delucchi. Le nutriment est déjà solubilisé et directement assimilable. Du reste, la fertirrigation est indépendante des événements climatiques. « En fertilisation classique, les minéraux dépendent d’une pluie pour atteindre la zone racinaire et être absorbées. En fertirrigation, les apports d’eau vont directement aux racines et l’absorption est plus facile et plus précise », ajoute le conseiller viticole.

4. Quand se font les apports en fertirrigation ?

Les moments d’apports dépendent de la situation, de la demande de la vigne et des objectifs de production des vignerons.

Dans la région viticole d’Hugo Brancorsini, en AOC malepère, la majorité des apports en fertirrigation avec de l’azote se font au moment de la nouaison. « C’est une période d’intense besoin en azote pour la plante, car il y a une activité de division cellulaire », explique-t-il. « D’autres vignerons utilisent la fertirrigation uniquement pour éviter des blocages de maturité, à des moments très précis du cycle végétatif », témoigne Miguel Delucchi.

D’autres stratégies vont aussi permettre aux vignerons d’augmenter les rendements. « Nous voyons de tout sur le vignoble : de l’utilisation systématisée à des stratégies très réfléchies en fonction des analyses pétiolaires et des analyses de sol. La fertirrigation est très modulable », constate le conseiller viticole.

5. Quelles sont les contraintes de la fertirrigation ?

« La problématique d’accès à l’eau se pose avant même celle de l’accès à la fertirrigation », juge Miguel Delucchi. D’un point de vue réglementaire, l’irrigation doit être autorisée sur les zones et les périodes durant lesquelles le viticulteur souhaite fertiliser. En outre, il y a quelques barrières techniques à l’utilisation de la fertirrigation. « Lorsque l’eau est trop calcaire ou trop saline, les minéraux risquent d’accentuer le risque de colmatage des goutteurs, explique Miguel. Il existe des solutions pour corriger la dureté de l’eau, mais il est nécessaire de se faire accompagner par des professionnels. »

Les conseillers viticoles insistent par ailleurs sur la nécessité de raisonner l’utilisation de la technique et son apport en nutriments. « Pour que la fertirrigation soit intéressante, il est important d’avoir une réflexion sur les paramètres pédologiques, climatiques et sur les besoins de la vigne », explique Hugo Brancorsini. Le sol doit être soigneusement préparé en amont, autant pour l’efficience de l’irrigation que pour celui de la fertilisation. Qui plus est, un volume d’eau trop important augmente le risque de lessiver les nutriments. « La stratégie de fertirrigation se réfléchit en fonction du sol. Sur un sol très sableux et drainant, l’azote sera drainé avec l’eau et ils seront alors tous les deux gaspillés », précise le conseiller viticole, qui ajoute « il ne faut pas juste ouvrir le robinet. Il y a des moments précis et des volumes précis pour le faire, qui dépendent des conditions du milieu. »

6. Quel est le coût de la fertirrigation ?

Un investissement à l’installation est nécessaire pour disposer du système de fertirrigation. « Après cela, il n’y a pas de raisons que la fertirrigation coûte plus cher que la fertilisation classique au tracteur », explique Hugo Brancorsini. En théorie, il devrait même y avoir un intérêt économique à la fertirrigation, et notamment pour les grandes surfaces de vignes : moins de gasoil, moins de main-d’œuvre… En pratique, les deux conseillers viticoles concèdent pourtant que la fertirrigation engendre parfois un coût supplémentaire pour le vigneron. « C’est une technique qui demande beaucoup de maîtrise et un bon accompagnement », juge Michel Delucchi. Le dosage du produit fertilisant est important afin d’éviter de gaspiller les nutriments, alors même que ceux-ci voient leurs prix s’envoler. Même raisonnement pour l’eau : « Trop d’eau et la fertirrigation perd en efficacité, ce qui revient très cher au viticulteur », conclut Hugo Brancorsini.

 

Yannick Coste, Aude : un raisonnement remis en question tous les ans
La bonbonne contenant les nutriments est reliée au réseau d'eau alimentant le goutte-à-goutte. Photo : Yannick Coste
Yannick Coste est viticulteur dans l’Aude. À chaque nouvelle plantation, le réseau d’irrigation est agrandi pour couvrir les nouvelles parcelles de jeunes vignes. Sur ses 21 hectares de vignes, 18 hectares sont aujourd’hui irrigués et fertilisés par le réseau d’irrigation.
Une bonbonne de 120 litres a été installée pour préparer et injecter dans le réseau d’irrigation la solution fertilisante. Le viticulteur réalise trois apports de fertilisants sur la campagne, au printemps, après la fleur en juin et début juillet. Le choix des nutriments apportés et les doses sont raisonnés à partir d’analyses pétiolaires et d’analyses de sol. « J’ai souhaité utiliser la fertirrigation, car c’est une technique qui me paraît plus simple et moins contraignante que la fertilisation avec le tracteur. Mais elle mérite d'avoir des connaissances. Les premières années, j'étais mal conseillé. J'apportais trop peu de nutriments, se rappelle Yannick Coste, mais avec l’urée en granulé l’année dernière, j’ai obtenu de bons résultats. »
Cette année, le viticulteur a fait le choix de fertiliser avec son tracteur et des engrais solides : « Mon système de fertirrigation n'a pas été bien dimensionné. Je ne peux fertirriguer qu’un hectare après l’autre, en reremplissant la bonbonne à chaque fois. Donc dans mon cas, je ne gagne pas beaucoup de temps. En outre, pour cette campagne, toutes les formulations ne sont pas disponibles pour la fertirrigation et le prix des engrais solubles a vraiment trop augmenté. »
Suite à des prélèvements de terre et des analyses sur sarments, Yannick Coste va tout de même utiliser la fertirrigation en complément d’appoint. « Je vais apporter de la potasse pour corriger une carence. Le technicien m’a conseillé d’utiliser la fertirrigation afin d’avoir une absorption plus rapide et plus efficace. » En effet, cette année, les sols sont secs et la vigne du viticulteur audois a déjà été fragilisée par la grêle et le gel.
D’ici deux mois, de nouvelles analyses vont permettre à Yannick Coste de savoir si la fertirrigation a permis de corriger la carence en potasse.

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