Contre cryptoblabes, les trichogrammes montrent une efficacité encourageante 

Pour lutter contre cryptoblabes, insecte ravageur problématique de l’arc méditerranéen, les trichogrammes semblent être une solution de biocontrôle pertinente. Dans les vignes de l’Aude, on teste Tricholine Vitis avec des premiers retours positifs en matière d’efficacité, notamment sur les cépages rouges tardifs.

Nichées au cœur de grappes à partir de la véraison, dans une végétation au maximum de son développement, les larves de cryptoblabes, ou "pyrale du daphné", ont la fâcheuse habitude de ne pas s’exposer aux traitements insecticides bio et conventionnels homologués. Par ailleurs, après plusieurs semaines de protection phytosanitaire, les vignerons et les tractoristes ne sont pas contre une trêve dans les passages de pulvérisateur. Pour ces raisons et d’autres, la solution de biocontrôle Tricholine Vitis apparaît être une piste intéressante pour réduire les dégâts causés par le ver de ce papillon présent dans les vignobles du littoral méditerranéen.

Dans chaque diffuseur biodégradable et prêt à l’emploi, la société Bioline, spécialiste de la lutte biologique, conditionne 5 000 œufs. Progressivement, ils vont éclore et donner naissance à de petites guêpes dites "parasitoïdes". Rapidement, les femelles trichogrammes nées dans la parcelle repèrent les œufs de cryptoblabes1 et ils vont pondre à l’intérieur. Chacune d’entre elles, qui peut se déplacer sur plusieurs mètres, réalise jusqu’à 100 pontes sur une quinzaine de jours. Les œufs de cryptoblabes infectés ne finissent jamais leur cycle ; ils avortent limitant ainsi le nombre de vers.

Contrairement à la confusion sexuelle, il n’est pas nécessaire de couvrir des îlots de plusieurs hectares pour constater une efficacité. La surface minimale est de 0,5 ha, à raison de 100 diffuseurs par hectare. « Il faut environ 20 minutes pour couvrir un hectare, estime Stephan Rouvin, de Bioline France. Pour poser les diffuseurs de Tricholine Vitis, le Certiphyto n’est pas nécessaire. Pour la première année pleine de commercialisation en 2022, nous avons couvert 4 500 ha. »

Une bonne efficacité par rapport aux insecticides

Des opérateurs ont pu tester la solution dès 2021 comme la cave coopérative du Cap Leucate dans l’Aude. À travers l’association Environnement Protection du Vignoble, qui regroupe des coopérateurs et des caves particulières, des diffuseurs ont été placés dans une douzaine d’hectares de vigne. « Cryptoblabes devient un ravageur majeur. Nous avons donc mis en place un essai terrain chez les viticulteurs pour comparer différents moyens de lutte : la confusion sexuelle, les trichogrammes, des insecticides bio et conventionnels, précisent Baptiste Guillochet et Cécile Caizergues, du service vignoble de la cave. Depuis les deux ans que nous faisons du suivi, en 2022 et 2021, la pression cryptoblabes n’a pas été forte. Mais les premiers constats, à confirmer, semblent indiquer que les trichogrammes ont une efficacité supérieure aux insecticides bio et équivalente aux insecticides conventionnels bien appliqués. »

Toujours dans l’Aude, dans les Hautes Corbières, le groupe 30 000 Mont-Tauch2 a, quant à lui, effectué des lâchers cette année sur une parcelle de syrah de 3 ha en AOC fitou. « La pression a été plus forte que sur le littoral. Les notations effectuées la veille des vendanges, le 19 septembre, montrent que la modalité "3 lâchers de trichogrammes" présente les meilleurs résultats pour cette première année d'essai, en comparaison aux modalités “une application” et “deux applications insecticide conventionnel” réalisées avec un pulvérisateur en face par face à partir de la véraison »,indique Élodie Vergnettes, animatrice du collectif et par ailleurs conseillère viticole à la chambre d’agriculture.

Un moyen de lutte flexible avec les contraintes du vivant

Sur les premiers tests menés sur les deux sites audois, l’efficacité est jugée satisfaisante. À ce bon point à « confirmer sur plusieurs millésimes », précisent les trois techniciens, s’ajoutent d’autres atouts en faveur des trichogrammes : un IFT de 0, l’absence de résidus dans les vins, la facilité et la rapidité de pose des diffuseurs, une efficacité sur eudémis et cochylis, pas de délai avant récolte, l’absence d’effet lié à la qualité de pulvérisation. Et surtout la possibilité de sélectionner les parcelles les plus sensibles et celles destinées à être vendangées tardivement comme des rouges récoltés à maturité phénolique. « Contrairement à la confusion sexuelle, il n’y a pas besoin de décider en avril s’il faut mettre en place la lutte. Une parcelle qui voit son orientation changer en cours de saison peut ne pas être protégée contre cryptoblabes si la pression ne le justifie pas. Les trichogrammes apportent de la flexibilité. C’est une solution de biocontrôle qui s’adapte bien au millésime, constate-t-on à la coopérative de Cap Leucate. Pour bien positionner les diffuseurs, il faut faire un rétroplanning à partir de la date estimée des vendanges. Deux à trois lâchers peuvent être faits avant. Sur les deux ans, nous n'en avons fait que deux par saison. Le dernier lâcher est à prévoir quinze jours avant la récolte, et on recule ainsi de quinze jours en quinze jours. Mais le premier lâcher est surtout positionné en fonction des vols. Cela nous demande un piégeage régulier pour détecter le passage du pic de vol et faire un bon positionnement des trichogrammes. Nous avons mis en place cette année un réseau de huit à neuf pièges pour voir la différence de vols selon les terroirs et nos hypothèses de disparités territoriales se sont révélées justes en voyant les résultats très différents de chaque piège. Ce suivi permet un meilleur ajustement des lâchers, mais, derrière, il engendre une logistique encore plus importante." 

La lutte par du vivant demande une logistique bien particulière

« Les trichogrammes sont des organismes vivants, rappelle Stephan Rouvin, de Bioline France. Ils sont sensibles à certains produits phytosanitaires. Des précautions sont à prendre sur les dates de traitements insecticides et soufre. Le dernier soufre mouillable à 4 kg/ha est à placer quatorze jours avant le premier lâcher. Un délai de 42 jours est à respecter après un soufre poudre. Pour les insecticides, un délai entre le dernier traitement et la pose de Tricholine Vitis est de 7 à 42 jours en fonction du produit utiliséIl faut aussi être très réactif sur la pose. Les diffuseurs doivent être placés dans la parcelle dans les 48 heures après réception des diffuseurs. La logistique amont est bien gérée par Bioline qui, depuis trente ans, distribue des trichogrammes pour lutter contre la pyrale du maïs. En fonction des pics de vols, depuis Livron dans la Drôme, Bioline livre dans la journée les Tricholine Vitis dans des boîtes isothermes chez les agrofournisseurs qui les commandent. »

« C’est une organisation qui se met bien en place, dès que l’on a déterminé une date approximative de vendange pour la parcelle concernée par le lâcher et que l’on réalise des suivis de vols », confirme Élodie Vergnettes, du groupe 30 000 Mont-Tauch.

Et côté coût ? Il faudra compter entre 75 et 80 euros par hectare et par lâcher.

(1) Ainsi que ceux d’eudémis et cochylis.

(2) Collectif d'agriculteurs engagés dans le but de réduire l'utilisation des produits phyto et d'améliorer les pratiques (dispositif Écophyto).

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