Vaccivine : prémunir les vignes contre le court-noué

Concept assez élégant dans son approche pour lutter contre le court-noué, la prémunition consiste à occuper le terrain du virome des vignes avec des virus hypo-agressifs pour empêcher des virus très pathogènes. Une vaccination naturelle en quelque sorte. Olivier Lemaire, chercheur de l’unité de virologie-vection à l’Inrae de Colmar, a présenté l’état d’avancée de la recherche, assez prometteur.

Le porte-greffe Némadex a connu quelques soucis au plan agronomique dans les régions à fort taux dans la lutte contre le court-noué. La recherche se poursuit donc sur des solutions de résistance naturelle au virus, en particulier en associant ce porte-greffe à des couverts nématicides, comme la luzerne ou le sainfoin. Des chercheurs étudient d’ailleurs les molécules nématicides, antagonistes, de ces fabacées.

Un autre projet de recherche important, appelé Vaccivine 1 et 2, qui est intégré au plan national dépérissement, consiste à prémunir les vignes. Le Code rural indique que la prémunition consiste à faire appel à des virus naturels présents dans la nature. Cette méthode, qui existe depuis au moins un siècle en virologie végétale, est utilisée en culture des agrumes avec succès, et plus récemment dans le cadre de la lutte contre une mosaïque de la tomate. Cette lutte débouche sur un produit de biocontrôle : le TMV01.

Toutefois, on ne connaît pas les mécanismes précis biochimiques de défense naturelle engagés dans ces phénomènes de résistance au virus par la prémunition, « mais on sait qu’il s’agit de résistance spécifique ». Les études sont en cours…

Une histoire comme la Covid ?

Cependant, la prémunition est une technique dont l’efficacité est vérifiée en principe. Il s’agit donc de vérifier si « en vaccinant, c’est-à-dire en pré-immunisant la vigne avec une souche de virus GFLV hypo agressive, on arrive à la protéger ? » Car le phénomène est observé naturellement : « Au sein de certains foyers de court-noué bien évidents, on observe que certains pieds n’expriment pas de symptômes alors que le virus GFLV est bien détecté. » L’hypothèse a donc été de penser que ces pieds sont aussi contaminés, mais par des variants du virus GFLV qui sont asymptomatiques.

En réalité, l’interaction spécifique entre le virus et la vigne, qui est une observation ancienne, permet de penser que certaines souches de virus ont évolué avec la vigne vers des variants moins agressifs… Nous avons finalement observé le même phénomène avec la Covid et ses variants de moins en moins agressifs. « La prémunition consiste à exploiter cette particularité du virus qui a coévolué avec la vigne depuis des millénaires. »

Ingénierie écologique

Sur ces hypothèses, les chercheurs ont confirmé par exemple que le variant souche GFLV F13 exprime peu de perte de rendement, comparé à la souche agressive qui exprime 80 % de perte. L’idée est donc d’observer l’évolution des populations de virus, ce qui fait appel à de l’ingénierie agroécologique. Les études de l’Inrae portent sur des vignes de chardonnay en Bourgogne et à Cramant en Champagne. Ce projet, baptisé Vaccivine, « met en scène des partenaires publics et privés, les interprofessions viticoles du Grand Est ».

Pour mener à bien le projet, la connaissance de la diversité virale est essentielle, pour observer et comprendre comment les différents types de souches interagissent entre elles, entre les souches prémunisantes, les souches autochtones et indigènes. Les chercheurs ont ainsi développé le concept de prémunition assistée par séquençage à hauts débits (HTS).

Virome : le microbiote viral de la vigne

Le séquençage HTS, contrairement à toutes les techniques de détection où l’on connaît généralement ce que l’on cherche, comme la PCR, est sans a priori. « On va détecter tous les virus présents dans la vigne, ce qui va donner un regard sur le microbiote viral de la vigne : le virome. Ce qui apporte beaucoup d’informations, notamment sur la diversité génétique du GFLV. » Cette approche ouvre la voie à la discipline de la génomique de population virale : elle permet de retracer l’histoire du GFLV. D’où vient-il ? À quel moment s’est-il servi de la vigne comme hôte ? Il s'agit de « points essentiels dans la compréhension de la prémunition », car celle-ci ne fonctionne que s’il y a une proximité génétique entre les virus hypo et hyperagressifs. Et chaque région viticole a son virome…

La prémunition : cela fonctionne

Le premier volet de la recherche à travers Vaccivine 1 visait à vérifier l’intérêt de la prémunition pour protéger durablement la vigne des formes graves de court-noué. Il s'agissait alors de caractériser les variants, ainsi que la diversité génétique des variants de GFLV, et de sélectionner des variants viraux peu agressifs et autochtones des régions viticoles, spécifiques des cépages.

Le second volet de la recherche, Vaccivine 2, engagé depuis septembre 2022, s’attache désormais à comprendre les facteurs affectant l’efficacité de la prémunition. « Ce qui est encourageant, c’est qu’on a une stabilité phénotypique qualitative des variants, que ce soit pour la panachure, le rabougrissement, la déformation, les classes de symptomatologie sont les mêmes. Quand on a une forme atténuée, elle reste atténuée, et quand on a une forme grave, elle reste grave. » Sur ces cinq années d’étude, les caractères restent stables.

La prémunition n’atténue cependant pas à 100 % l’effet du court-noué. « Sur chardonnay en Champagne, la baisse de rendement est de 40 %, mais le gain de productivité est de 80 % par rapport à un variant agressif. Ce qui donne une production en moyenne d’1,8 kg/pied en Champagne, tout de même !

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