Lorrain ou alsacien, il sublime l'auxerrois dans ses vins

À Vic-sur-Seille, en Moselle, Rémi Gauthier vinifie des auxerrois cultivés localement et en Alsace. Les raisins achetés en Alsace donnent l’occasion de comparer et d’apprécier les caractéristiques de ce cépage aux origines incertaines, mais conçu à la station de sélection Laquenexy, près de Metz.

Aux alentours de Château-Salins, la plaine céréalière s’étend sur les plateaux calcaires. La rivière de la Seille opère une discrète saignée concave dans ce paysage, laissant affleurer notamment des couches successives de gypse et de sel gemme qui donnent les saumures du Saulnois. Et dessus, des couches de dolomies, de marnes et d’argiles. Cultiver la vigne sur ces géologies nécessite une certaine soumission aux contraintes du terroir. On pense au grand cru Kanzlerberg de Sylvie Spielmann, avec une terre que l’eau rend particulièrement capricieuse et « aimante ». Une terre qui ne supporte pas le passage d’engins si le sol n’est pas bien ressuyé, et inversement ne se laisse pas travailler si elle est trop sèche, tant elle devient dure comme de la brique…

Un retour au SO4

Rémi Gauthier à Vic-sur-Seille cultive la vigne sur ces mêmes couches argilo-marneuses du Keuper. De cette géologie triassique d’un peu plus de 200 millions d’années, il reste aujourd’hui cette terre, si argileuse que les fentes de retrait, apparues cet été à la faveur d’une sécheresse toujours plus historique et puissante, ont eu le temps d’être colonisées cet automne par des mousses. Les vignes sur ces roches sédimentaires n’ont, pour le coup, pas souffert autant de la sécheresse que certaines parcelles sur géologies métamorphiques en Alsace. Par contre, la forte teneur en calcium des sols, conjuguée à un régime hydrique capricieux, bouscule l’équilibre de l’alimentation minérale de la vigne, encline à la chlorose. « J’avais planté sur du 3309, je pense revenir à du SO4. »

Difficile pour l’ampélographie (étude de la vigne),  de retracer les origines  de l’auxerrois.

Pionnier depuis le phylloxera

Quand on est un jeune vigneron pionnier, dans une région qui a quasiment rompu avec la viticulture depuis le phylloxera, difficile de s’appuyer sur les conseils des anciens. Rémi Gauthier s’est installé en 2014 sur 50 ares, qu’il a cultivés en parallèle de son métier d’entretien des espaces verts pour la commune. Il a repris la vigne de son père, qui était éducateur spécialisé et « s’était lancé dans les années 1990 avec 4,5 hectares ». Lequel a arrêté la viticulture quand Rémi n’avait que 12 ans, en 2003. Trop jeune pour se lancer, il s’est d’abord formé en BPREA à Beaune avant de préparer une installation et de replanter progressivement des vignes. « Je suis un grand fan de l’auxerrois, je cultive du pinot noir, le gamay reste anecdotique et plutôt dédié au Toulois. »

Auxerrois passé par Auxerre

Dans ce pays de la Saulnois, le cépage local par excellence, c’est l’auxerrois, créé à l’Institut viticole de Laquénexy, non loin de Metz, au début de ce siècle, sauvegardé à Auxerre et redécouvert et développé à Colmar en 1950. On ne connaît pas l’origine ampélographique. Une étude génétique de l’UC Davis Center (Californie), suggère que l’auxerrois contient du génome de gouais et de pinot. Rappelons que le génome de vigne étant hétérozygote, il n’est pas possible de tenir compte des caractères phénotypiques d’une vigne pour en déduire son origine par ses ascendants.

Vinifier des auxerrois d’Alsace et de Lorraine

En tout état de cause, l’auxerrois sur la géologie du Keuper, avec le climat de Vic-sur-Seille et l’extrême précision de vinification de Rémi Gauthier, donne un vin aux caractères très différents de ses congénères alsaciens. D’ailleurs, Rémi Gauthier a monté un petit négoce d’achat de raisin, ce qui lui a permis d’acheter des raisins d’auxerrois en Alsace, chez Daniel Ansen, à Westhoffen. « L’idée est de valoriser mes auxerrois et un peu de pinot noir en allant toquer du côté de l’Alsace. » La dégustation des deux cuvées révèle la richesse et l’opulence conférées par le climat et les terres rhénanes, tandis que côté lorrain, l’auxerrois offre des vins plus légers, équilibrés entre les plans minéral et organique. Sans doute, le Dr Wanner qui avait créé le cépage n’imaginait pas que l’auxerrois serait aussi adapté aux terroirs sédimentaires jurassiques.

En négoce avec son frère Sylvain, vigneron en Ardèche
Labellisé en bio en 2018 et Demeter en 2019, Rémi a abandonné sa double activité pour se consacrer pleinement à la vigne. Mais le peu de surfaces, les vignes en plantation et la régularité agronomique l’ont conduit pour l’heure à monter une activité de négoce avec son frère Sylvain Gauthier, vigneron en Ardèche, au domaine des Pierres Sèches à Cheminas, au cœur du Saint-Joseph. Il produit 7 ha de vin d’appellation et de pays d’Ardèche.

Article paru dans Viti 456 de novembre-décembre 2020

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