Moins de N-P-K dans les vignes, plus de pipi ?!

Si le pouvoir fertilisant de l’urine est bien connu depuis longtemps, il semble nécessaire de continuer les recherches, par exemple sur l’acceptabilité sociale d’une telle pratique. Photo : Hawkeye/Fotolia

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Face à la raréfaction des ressources en eau, est-il possible et intéressant d’utiliser de l’urine en fertirrigation ? Des essais sur des épinards ont permis d’établir la preuve du concept. Mais des questions se posent encore, sur la salinisation des sols… et sur l’acceptabilité sociale.

S’il était, semble-t-il, d’usage courant pour les jardiniers amateurs d’uriner dans leurs arrosoirs, la pratique n’a jamais été érigée en standard pour les professionnels. Dégoûtant ? Ridicule ? Avec le changement climatique et la raréfaction prévue des engrais, notamment phosphorés, la recherche de sources alternatives d’éléments minéraux et d’eau pour les cultures, tout en diminuant la pression sur les systèmes d’assainissement, devient un sujet.
Et l’urine possède, de ce point de vue, plusieurs avantages : elle est produite en grande quantité (entre 220 et 550 l/an/hab) et elle contient 95 % d’eau. Son effet fertilisant est bien connu, puisqu’elle recèle de 3 à 7 g/l d’azote, 1 g/l de phosphore et 1 g/l de potassium. Mais, outre la répulsion que son usage peut entraîner, elle est aussi susceptible de contenir des substances moins souhaitables agronomiquement : hormones, médicaments, sel (9 g/l de NaCl). Enfin, l’urine est un liquide stérile, mais il existe un risque de contamination par des germes fécaux lors de sa collecte.

Pouvoir fertilisant confirmé

Afin d’étudier la faisabilité technique d’une fertirrigation à base d’urine, la société Ecosec (34), qui fabrique des toilettes capables de collecter séparément urines et fèces humaines, s’est associée à une unité de l’Irstea de Montpellier spécialiste de la réutilisation des eaux usées. Un premier essai a été conduit en commun l’an dernier, sur des épinards et du ray-grass dans des bacs hors-sol. 500 l d’urine ont été récupérés dans des sanitaires publics séparatifs. L’urine a été stockée pendant sept mois et demi, puis diluée au 1/6. Ce stockage a permis de fortement diminuer la contamination en germes fécaux qui avait été constatée.
Deux doses (170 N kg/ha et une surfertilisation à 510 kg N/ha) ont été comparées à un engrais commercial bio lui-même apporté à raison de 170 kg N/ha. Les résultats confirment le pouvoir fertilisant de l’urine : le rendement en épinard est même supérieur qu’avec l’engrais, ce qui laisse supposer une meilleure biodisponibilité de l’azote et du phosphore contenu dans l’urine. Trois types de goutteurs ont aussi été comparés : il s’avère que les goutteurs auto-régulants (équipés d’une membrane) sont plus sensibles au colmatage. Celui-ci est essentiellement d’origine chimique (cristallisation de minéraux) et physique (présence de grains de sable ou de poils) et il pourrait être en partie réduit par une filtration plus serrée (130 microns dans cet essai).

Un futur essai sur vigne ?

Quid des micro-polluants ? Des analyses réalisées sur l’urine pour rechercher de la carbamazépine (un régulateur de l’humeur) ont montré qu’elle en contenait effectivement. Toutefois, les faibles concentrations retrouvées sont à mettre en relation avec celles mesurées dans les eaux de surface (132 ng/l) ou même dans l’eau potable (30 ng/l). De précédentes études ont montré que l’utilisation de fumier était plus risquée sur ce plan que celle d’urine humaine.
Il reste le problème de la salinisation des sols. Si cet essai n’a pas montré d’accumulation telle qu’elle serait nuisible aux végétaux sur une saison, la question se pose pour une utilisation à plus long terme. « C’est un des paramètres qu’il faut suivre, de même que la présence de micro-polluants », résume un des chercheurs de l’Irstea.
Et justement. L’institut et Ecosec ont préparé un projet de recherche portant sur la vigne et qui aurait lieu sur une partie de « vraie » parcelle en partenariat avec le domaine de la Jasse dans l’Hérault. En effet, la vigne a des besoins azotés réduits par rapport à d’autres cultures et les quantités d’urine à apporter seraient donc plus faibles. L’objectif est d’aller jusqu’à la vendange et la vinification. Histoire de vérifier si un impact est détectable sur le produit fini. Et si la consommation d’un vin produit de la sorte est acceptée. Rendez-vous est donc pris pour les conclusions de l’essai… si les financements ont pu être réunis.

Pour aller plus loin : l’ouvrage « Conseil pratiques pour une utilisation de l’urine en production agricole » est disponible en ligne gratuitement.

Article paru dans Viti Les Enjeux de mai 2018

Viti Les Enjeux mai 2018

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