Une prime pour diversifier les cépages et sortir du tout rouge AOC

Afin de réduire sa dépendance au marché des vins rouges traditionnels, Les Vignerons de Berticot Graman ont mis en place une prime à la plantation de cépages « atypiques ». En complément de cette diversification de moyen terme, la cave trouve de nouveaux débouchés aux rouges. Vin de base, effervescent en marque propre, rosé, blanc de noir en vin tranquille viennent enrichir l’offre de la coopérative à cheval sur le vignoble bordelais, de Duras et de Bergerac.

« Notre vignoble doit s’adapter aux lois du marché et au climat. Nos équipes ont sélectionné des cépages d’avenir capables de répondre à ces enjeux. Des primes à la plantation ont donc été mises en place. » Tout est dit dans ce texte envoyé aux 160 adhérents de la cave coopérative Berticot pour promouvoir le plan d’encépagement lancé en 2021. « Le modèle tout rouge et tout AOC ne rémunère plus les viticulteurs, complète Perrine Laffitte, directrice de la cave Les Vignerons de Berticot Graman. Nous souhaitons donc l’enrichir de nouveaux produits. Les solutions sont multiples pour y arriver. L’une d’entre elles passe par un encépagement plus diversifié. »

Moins de cépages rouges, moins de merlot, plus de cépages blancs, telles sont en substance les grandes orientations qui structurent la stratégie de la coopérative. « Sur les 3 000 ha, il serait pertinent de restructurer 10 % des surfaces », indique Perrine Laffitte. 300 ha à arracher et à replanter. « Nous avons identifié une dizaine de cépages d’intérêt : marselan, arinarnoa, petit verdot, malbec, vidoc, syrah, chenin, sauvignon gris, floréal, colombard… En fonction du département dans lequel se situe la parcelle, du cépage arraché et du cépage replanté, la cave s’engage à verser une prime aux viticulteurs volontaires. »

Elle se monte par exemple à 2 500 euros/ha pour un merlot remplacé par du malbec. Idem pour du petit verdot implanté en Gironde à la place de cabernet franc ou de muscadelle. Quant au remplacement de cabernet sauvignon converti en vidoc, colombard ou sauvignon gris, il ouvre une subvention plus faible, de 1 000 euros/ha. En contrepartie, toute parcelle « aidée » est engagée à la cave pendant 10 ans.

Chaque cépage d’intérêt est associé à un objectif de plantation. 20 ha de petit verdot, 60 ha de marselan, 35 ha de chenin, 20 ha de colombard…

Les viticulteurs privilégient les cépages autorisés en AOC et en IGP

« La liste des cépages primés a été mûrement réfléchie1, avertit la directrice. La plupart des variétés éligibles sont en observation dans le vignoble expérimental de la cave dont les premières plantations remontent à 2016. » Sur 4 ha, les techniciens de la cave y suivent « des variétés résistantes aux maladies ou des cépages plus tardifs que les variétés dominantes de l’encépagement actuel », témoigne Laurent Leyx-Valade, référent sur la zone de Duras et Bergerac. « Parfois, des adhérents nous proposent d’autres cépages, hors liste. On étudie les situations au cas par cas. 5 ha de souvignier gris et 4 ha de chardonnay vont ainsi être éligibles à la prime de la cave », précise Perrine Laffitte.

Sur la période 2021-2023, une quarantaine d’hectares ont été ou vont être replantés. « Le manque de trésorerie chez les viticulteurs freine la restructuration. Et même s’il est bien compris, le projet est source de craintes pour une partie des viticulteurs. Les cépages qui peuvent être valorisés en AOC et en IGP sont privilégiés aux cépages seulement autorisés dans le cahier des charges de l’IGP Atlantique. C’est le cas du malbec et du colombard. »

« Le marselan, issu du croisement du cabernet sauvignon et du grenache, a aussi été implanté, continue la directrice. Il faut dire que depuis peu, ce cépage est autorisé “à fin d’adaptation” sur les AOP Bordeaux. » La révision du cahier des charges a aussi ouvert la porte à l’arinarnoa, croisement entre du cabernet sauvignon et du tannat, mais pour autant aucun coopérateur Berticot n’a fait le choix d’implanter ce cépage à ce jour.

« L’arinarnoa demande un palissage rigoureux et ses bois, au printemps, peuvent avoir tendance à se décoller ou se casser. Il est très sensible aux coups de chaud, donc l’effeuillage est à proscrire. En contrepartie, c’est un cépage plutôt tardif et fertile, détaille Laurent Leyx-Valade. Les viticulteurs ouverts à la restructuration ne se lancent pas uniquement sur la base de la prime cave. C’est un argument parmi d’autres. La dégustation des vins et le suivi agronomique que nous faisons sur le vignoble expérimental entrent en ligne de compte. »

Les cépages du vignoble expérimental de Duras sont vinifiés et commercialisés au sein de la gamme « A toute berzingue de Berticot». Photo : Berticot
Faire du blanc avec du rouge dans un chai polyvalent

La diversification de l’encépagement étant une stratégie de moyen et long terme, la cave déploie en parallèle des actions immédiates pour réduire sa dépendance au marché des vins rouges traditionnels, avec succès. « En 2020, 73 % des moûts de raisins rouges servaient à élaborer des vins rouges. Deux ans plus tard, cette proportion s’est bien réduite, tombée à 53 %. Et cela devrait continuer, indique Perrine Laffitte. Les contrats sur les vins de base effervescents vont passer de 23 000 hl pour le millésime 2022 à 32 000 hl pour celui à venir. Sur le marché du vrac, la demande est forte et plus rémunératrice que ce que l’on peut espérer en proposant du vin rouge. Nous exploitons au maximum ce débouché. Ainsi, nous proposons sur le millésime 2022 notre propre effervescent sous la marque Berticot. Pour le lancement, nous avons dédié 300 hl de cabernet sauvignon et de sémillon. La prise de mousse se fait en méthode traditionnelle comme pour les crémants de Bordeaux. Mais nous ne sommes pas en appellation car nous optons pour une vendange mécanique moins onéreuse. »

Par ailleurs, les vinifications pour obtenir des blancs de noirs en vin tranquille ouvrent d’autres débouchés. « Ces orientations demandent néanmoins des investissements. Nous avons dû augmenter notre capacité de pressurage direct. Trois nouveaux pressoirs ont été achetés. La cuverie aussi s’adapte pour devenir plus polyvalente. Nous nous équipons de systèmes de thermorégulation, et nombre de nos cuves béton sont désormais doublées à l’intérieur par un revêtement Inox. »

« On œuvre sur plusieurs fronts, conclut Perrine Laffitte, sans aller tous azimuts vers le blanc. On le sait bien, le marché est cyclique. »

(1) Hormis la syrah qui n’est pas intégrée au cahier des charges de l’IGP Atlantique, tous les cépages primés par la cave sont aussi éligibles à l’aide à la restructuration de FranceAgriMer.

 

Un vignoble en mouvement
Au cours des 30 dernières années, le foncier viticole girondin a connu des évolutions contrastées. De 1988 à 2005, il s’était accru de près de 23 000 ha. Cette hausse avait profité principalement à l’Entre-deux-mers (+15 000 ha). Les crises de 2005 à 2011 ont marqué un coup d'arrêt à cette expansion : 10 000 hectares de vigne ont été arrachés, dont 4 000 ha accompagnés par la mise en place de la prime d‘abandon définitif. Après une période de stabilisation de la superficie, un mouvement d’arrachage est de nouveau enclenché.
Les changements touchent aussi à l’encépagement ; plus du quart des surfaces en blanc ont été arrachées en Gironde depuis 1988, remplacées notamment par du merlot. Ce cépage couvre près de 60 % du vignoble girondin aujourd’hui.

Source : Agreste Nouvelle-Aquitaine, La filière vitivinicole girondine au premier rang national de la viticulture d’appellation. Juin 2020.

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