En Gironde, la MSA aide les viticulteurs à mieux manager

Mathieu Thomas (à gauche), gérant du château Reverdi, travaille avec Cristiano, salarié polyvalent, depuis un an. Photos : Fanny Laison

Viticulteur à Listrac-Médoc, Mathieu Thomas a suivi une formation au management dispensée par la MSA de Gironde. Il en a tiré des « outils » qui l’aident à mieux communiquer avec ses salariés. 

Alors qu’il entamait sa 26e campagne, Mathieu Thomas a posé un regard lucide sur ses problèmes de management. « Je me suis aperçu que j’avais vu défiler beaucoup de salariés, mais que je n’avais jamais fêté le départ à la retraite de l’un d’eux, raconte le viticulteur médocain avec une pointe de regret. Mon salarié le plus ancien est là depuis trois ans, c’est mon cadre. Son prédécesseur était resté huit ans. » Les deux salariés polyvalents, eux, sont en CDI depuis un an et demi pour l’un, et dix mois pour l’autre. « Quand j’ai commencé, j’avais encore cette image de salariés qui considéraient l’entreprise comme leur seconde famille, ils y entraient au début de leur carrière et restaient jusqu’à la fin, se souvient celui qui est la troisième génération à exploiter le château Reverdi. Aujourd’hui, les changements de vie font qu’il peut y avoir des démissions très soudaines. »

Une bougeotte bien embêtante à l’heure où la viticulture peine à recruter. Pour y remédier, certains outils de management peuvent apporter des solutions. Mais comme beaucoup de viticulteurs, Mathieu Thomas n’a pas reçu de formation en la matière. Ni durant son BTS force de vente, ni à l’occasion de son bac pro viticole, ni auprès des générations qui l’ont précédé à la tête du domaine. « C’est pour cela que l’intitulé de la formation de la MSA m’a tout de suite parlé : “Manager son équipe en entreprise viticole”. »

« Caisse à outils »

Pour Alexis Pagnac, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA de Gironde,  écouter les avis et expliquer ses choix peut amener les salariés à mieux accepter les contraintes ou à apporter des idées et des solutions.
Proposée depuis janvier 2022 par l’antenne girondine de la sécurité sociale agricole, cette formation de deux jours « n’explique pas une seule manière de bien manager, signale Alexis Pagnac, conseiller en prévention des risques professionnels. Elle apprend aux participants à se connaître en tant que managers, c’est-à-dire à identifier leurs atouts et leurs zones de développement ». C’est en constatant, à partir de 2019, que de plus en plus de viticulteurs faisaient part de difficultés pour manager leurs équipes, que la MSA 33 a décidé de mettre en place cette formation. 

Restreinte à une douzaine de personnes, chaque session, animée par François Marque, formateur en management, et par Alexis Pagnac, « privilégie l’échange d’expérience et les mises en situation ». Les participants peuvent se donner des conseils, se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à rencontrer des difficultés, apprendre à motiver leur équipe, ou encore s’entraîner à mener des entretiens de recadrage ou de valorisation. « J’en suis ressorti avec une caisse à outils qui m’aide à présenter les choses, à savoir comment réagir face à une situation conflictuelle, et à réagir de manière plus posée quand je reçois une information », apprécie Mathieu Thomas. 

Temporiser, écouter et décider 

En juin dernier, alors que ses salariés polyvalents insistaient pour passer en journée continue, le vigneron s’est appuyé sur ces « outils » fournis par la MSA 33. « Ils m’ont fait leur demande un vendredi, en fin d’après-midi, en se plaignant qu’il faisait chaud et en me montrant les vignes voisines où personne ne travaillait, se remémore-t-il. L’atmosphère ne me plaisait pas, mais je ne me suis pas braqué, j’ai temporisé, et au lieu de leur répondre “oui” ou “non” sur-le-champ, je leur ai dit que nous ferions une réunion le lundi matin suivant pour en parler. » Mathieu Thomas prend ainsi le temps du week-end pour peser le pour et le contre, et en discuter avec sa sœur avec qui il gère le domaine.

Le lundi, à 11 h, arrive la réunion. « Ça a été une discussion assez tendue parce que chacun avait sa perception des choses, décrit l’exploitant. Les salariés polyvalents voulaient éviter la chaleur de l’après-midi, mais la journée continue ne convenait pas au cadre pour des raisons personnelles. Moi, en tant qu’employeur, j’ai dû expliquer que je ne pouvais pas mener à bien les travaux si j’avais trois menus différents, et que j'avais aussi des obligations légales, notamment de leur accorder une pause déjeuner. » Écoute et discussion ont finalement abouti à un compromis : en été, les jours où il n’y a pas de travaux mécaniques, les salariés polyvalents travaillent désormais en continu de 6 h 30 à 13 h 30. 

Donner du sens au projet d'entreprise

« Cet exemple montre combien écouter les avis et expliquer les choix peut amener les salariés à mieux accepter les contraintes, ou à apporter des idées et des solutions », commente Alexis Pagnac. Un effort de pédagogie aide aussi à mieux réaliser les travaux. Encore faut-il que les salariés y soient réceptifs. « Certains sont persuadés de correctement réaliser les tâches et acceptent plus ou moins bien les remarques, rapporte Mathieu Thomas. D’autres n’ont pas forcément reçu de formation viticole. Il faut alors adapter le style de management. » La formation de la MSA lui a appris qu’il existait quatre styles de management : directif, persuasif, délégatif et participatif. Chacun accorde plus ou moins de marge de manœuvre au salarié en fonction de son autonomie et de sa motivation.

Le dialogue et la communication sont d’ailleurs des leviers de motivation. « Il n’y a pas que le salaire, glisse Alexis Pagnac. Cela passe aussi par le fait d’impliquer les salariés en partageant les grands axes de sa stratégie. » Mathieu Thomas complète : « souvent, ils ne voient pas la cohérence. Il faut leur montrer qu’on sait où on veut aller, qu’on a une vision qui articule travail viticole/raisin/vin/clients heureux. Il faut donner du sens à son projet d’entreprise. » 

Entretiens individuels 

Suite à la formation de la MSA, le vigneron s’est empressé de remettre en place les entretiens individuels. Qualité du travail fourni, difficultés rencontrées, leviers d’amélioration, besoin de formation, épanouissement professionnel... « Ce moment permet de parler de sujets qu’on ne peut pas aborder au quotidien, souligne-t-il. Mais il faut le préparer pour poser les bonnes questions, et le faire de manière récurrente. Pour moi, c’est la clé de voûte de l’entreprise. » 

Quelques mois après cette formation, il est encore trop tôt pour dire si elle permettra un jour à Mathieu Thomas de célébrer le départ à la retraite d’un de ses salariés. « Je pense que de nos jours, les personnes sont de plus en plus sollicitées et il est compliqué de se dire qu’un salarié va rester jusqu’à la fin de sa carrière, reconnaît-il. Mais je me dis qu’au moins, en adoptant ces réflexes, je fais ma part et je fais en sorte que les gens soient bien durant le laps de temps qu’ils passent chez nous. » 

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