Quatre choses à savoir sur la rentabilité des robots viticoles

Alternative à l’utilisation d’herbicides, solution pour répondre au manque de main d’œuvre ou moyen de limiter la compaction des sols, les robots viticoles trouvent peu à peu leur place dans le vignoble. Alors que le SITEVI a été l’occasion de constater le dynamisme des constructeurs en la matière, le Forum international de la robotique agricole (FIRA) a profité du salon pour interroger la rentabilité de ces machines autonomes. 

Les robots ne sont pas rentables par rapport aux tracteurs... 

« Quand on regarde les chiffres de but en blanc, le robot n’est pas rentable par rapport au tracteur parce que l’investissement est élevé au départ, et qu’on a une capacité de travail légèrement inférieure à celle du tracteur », reconnaît avec franchise Christophe Gaviglio. Chef de projet à l’IFV spécialisé sur la mécanisation de la vigne, il participait, fin novembre lors du SITEVI, à la table ronde consacrée par le FIRA à la rentabilité des robots viticoles. À raison de 200 000 € pour les grosses machines de type enjambeur, 100 000 € pour les machines intermédiaires du type chenillard, et quelques dizaines de milliers d’euros pour de petites unités comme celles commercialisées par Vitirover, investir dans un robot nécessite en effet quelques estimations de coût. 

Dans le cas d’une machine à 200 000 € amortie sur sept ans et utilisée sur 30 ha dans des vignes larges avec une densité de plantation moyenne, Christophe Gaviglio a ainsi calculé que l’acquisition revenait à 1000 €/ha/an. Alors que le coût du désherbage avec un tracteur, dans les mêmes conditions, va de 450 € à 650 €/ha/an, amortissement, traction, énergie et salaire du chauffeur compris. Sans parler du désherbage chimique sous le rang qui tourne aujourd’hui aux alentours de 250 €/ha/an.

… mais ils apportent d'autres bénéfices 

Ceci étant dit, les participants à la table ronde ont insisté sur la complémentarité entre les robots et les tracteurs. « C’est très tentant de comparer opération par opération par opération ce que coûte chaque machine, admet Christophe Gaviglio. Mais ça n’a pas vraiment de sens parce que l’objectif de la robotisation n’est pas de remplacer le tracteur, plutôt d’apporter un complément pour des opérations ou des contextes spécifiques. »

Moët Hennessy utilise depuis 2016 trois robots pour le désherbage, la pulvérisation, la gestion de l’herbe, la détection intra-parcellaire, le traçage des jeunes plantiers et le semis de couverts végétaux. Parmi les avantages, Joseph Malfait, le responsable Achat viticole, robotique et innovation cite pêle-mêle : le 0 désherbage chimique, l’internalisation de certaines tâches qui étaient confiées à des prestataires, le temps de travail libéré pour réaliser des tâches mieux valorisées, moins de pénibilité et moins de risques pour le personnel, la réduction de la compaction du sol, la précision qui permet de ne passer qu’une fois pour désherber, ou encore la possibilité de traiter dans des conditions compliquées. 

« À certains endroits nous avons de forts coteaux où, lors d’une attaque de mildiou assez intensive, compte tenu des conditions nous ne pouvions pas faire passer un pulvérisateur conduit par un salarié, explique Joseph Malfait. Nous avons donc utilisé le robot Yanmar qui a l’avantage de ne pas avoir le poids de la cabine, ni du siège, et d’être très adapté aux pentes. Cela nous a permis de sauver 50 % du rendement. C’est un coût évité que nous n’avons pas évalué, mais qui pourrait être intégré à la rentabilité. » Dans le même ordre idée, Matthias Carrière, directeur commercial de Naïo Technologies, l’un des principaux constructeurs de robots viticoles, assure que les machines autonomes aident àréduire le nombre de pieds détruits. « Certains de nos clients étaient à 4 % d’arrachage de ceps avec un désherbage mécanique et ont réussi à diminuer ce taux grâce à nos robots, souligne-t-il. Dans la globalité, les machines autonomes ont un impact moindre sur le vignoble, ce qui fait baisser les coûts annexes. »

Plus de polyvalence pour plus de rentabilité 

Si ce n’est les robots de chez Naïo Technologies, la plupart des machines dites autonomes ne le sont pas encore tout à fait puisqu’elles nécessitent la surveillance d’un opérateur. Il est donc nécessaire de réfléchir à de la coactivité : travaux d’observation, de réparation, de plantage, de relevage mécanique... En outre, selon les modèles, il est possible d’utiliser les robots pour des tâches différentes et de maximiser leur polyvalence. La même machine a ainsi servi à Moët Hennessy pour entretenir le sol d’un jeune plantier, cartographier la parcelle afin d’achever la plantation, et semer des couverts végétaux. « On s’est rendu compte qu’avec un petit appareil avec lequel on pensait ne gérer que 5 ha sur une tâche, on a pu gérer tout le cycle durant les cinq premières années de vie du plantier, commente Joseph Malfait. À l’avenir, on pourrait envisager de faire de l’arrosage plant par plant, ce qui est très chronophage mais très utile pour la pérennité de la vigne. »

Le robot chenillard Jo de Naïo Technologies est assez compact pour être transporté dans un utilitaire. Photo : Naïo Technologies

Cette polyvalence est certainement un levier clé pour rendre les robots plus rentables. L’idéal étant de pouvoir les utiliser tout au long de l’année sur le cycle végétatif. « Aujourd’hui nous avons des clients qui sont sur des taux d’utilisation comparables à ceux d’un tracteur, observe Matthias Carrière. Mais ces niveaux ne sont atteints que parce qu’on ajoute une somme de petites tâches tout au long de l’itinéraire technique. On ne parle pas d’une utilisation d’avril à juillet, mais de mars à mars ou d’octobre à octobre. »

La logistique représente un quart du coût d’un robot 

C’est un aspect à ne pas négliger lorsque l’on envisage de s’équiper d’un robot viticole : le transport du robot d’une parcelle à une autre représente près d’un quart du budget d’investissement. Tracteur, plateau, remorque ou utilitaire, il vaut mieux réfléchir en amont à la solution la plus adaptée. « Nous amenons notre robot de pulvérisation sur un plateau tiré par un tracteur sur lequel nous intégrons une cuve d’eau claire et un mélangeur pour avoir la capacité de produire de la bouillie directement au pied de la parcelle, détaille Joseph Malfait. Nous déplaçons les essaims dans de petits véhicules, ce qui permet à l’opérateur d’apporter en même temps ses autres outils et de faire de la coactivité. Dans d’autres cas nous utilisons tout simplement des véhicules équipés d’une remorque. »

La configuration du parcellaire est une donnée à prendre en compte dans le choix du modèle. Pour une exploitation morcelée composée de petites surfaces, un robot compact, transportable dans un utilitaire, sera certainement plus indiqué. Tandis que de grandes parcelles seront plus adaptées à une machine nécessitant d’être remorquée. « Dans ce cas-là on sait que le robot va bosser toute la journée et n’il y a finalement que deux logistiques, une d’arrivée et une de départ », commente Matthias Carrière. 

En matière d’énergie, certains robots sont thermiques, d’autres hybrides (électricité/diesel) et d’autres électriques. L’autonomie de ces derniers est aujourd’hui bien développée puisque leur capacité est généralement d’une demi-journée à une journée complète. Dans le premier cas de figure, l’ouvrier peut travailler entre quatre et cinq heures le matin et recharger la batterie durant sa pause déjeuner. Il peut aussi tout simplement changer la batterie. « L’autonomie n’est pas vraiment une contrainte », assure Joseph Malfait.

Environ 280 robots dans le vignoble français
Selon l’Observatoire des usages du numérique en agriculture, environ 600 robots seraient aujourd’hui utilisés dans la production végétale, contre une centaine en 2018. Un Petit Poucet par rapport à la production animale où le nombre de robots agricoles est estimé à 18 000, dont les trois quarts servent à la traite.
Avec 280 robots déployés en viticulture, principalement pour des opérations de désherbage, de travail du sol et de pulvérisation, la viticulture est la filière végétale qui compte le plus de machines autonomes. L’arboriculture arrive deuxième avec 250 robots, bien loin devant les grandes cultures et le maraîchage.
Alors qu’en 2018 il n’existait que cinq robots dédiés à la filière végétale, le marché en compte aujourd’hui 25. Naïo Technologies, Yanmar, Vitibot, Sitia et Vitirover sont aujourd’hui les principaux concepteurs de robots viticoles. A noter que les robots multi-filières restent rares. 

 

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