L’effet albédo, un levier pour atténuer le changement climatique

L’albédo des prairies se situe autour de 0,23. Il est en moyenne supérieur à celui des autres surfaces végétalisées. © S. Leitenberger/Adobe Stock
Le projet Albédo Prairies s’est intéressé, comme son nom l’indique, à l’albédo des prairies, c’est-à-dire leur faculté à réfléchir l’énergie solaire vers l’espace. Les premiers résultats sont prometteurs, les prairies auraient un effet refroidissant sur le climat, comparé à d’autres cultures. Réduire les émissions de gaz à effet de serre et stocker du carbone sont deux leviers pour atténuer le changement climatique. Mais connaissez-vous l’albédo, ce troisième levier complémentaire aux deux autres ?

« L’albédo, c’est la fraction d’énergie solaire réfléchie par une surface, explique Jean-Louis Roujean, directeur de recherche CNRS au Cesbio (Centre d’études spatiales de la biosphère) à Toulouse. Sa valeur varie entre 0 et 1 et plus une surface est réfléchissante, plus son albédo est élevé. Par exemple, l’albédo d’une neige fraîche et épaisse peut approcher 0,9.

Lorsque l’albédo augmente, une plus grande partie de l’énergie est renvoyée vers l’espace, ce qui équivaut à une baisse d’énergie sur la Terre et plus indirectement dans l’atmosphère. » En résumé, augmenter l’albédo a un effet refroidissant sur le climat. Cet effet se traduit par la notion de forçage radiatif (FR). Si le FR est négatif, l’effet est refroidissant, s’il est positif, l’effet est réchauffant.

Des scientifiques du monde de l’élevage ruminant se sont penchés sur ce phénomène, et ont étudié l’albédo des prairies, dans le cadre du projet Casdar Albédo Prairies. « Ce levier a en effet été très peu étudié en élevage de ruminants », indique Pierre Mischler, chef de projet à l’Institut de l’élevage (Idele). Les partenaires du projet ont mesuré, analysé et interprété l’évolution de l’albédo de prairies fauchées et pâturées, dans des contextes pédoclimatiques variés et des conditions météorologiques contrastées, depuis le Finistère jusqu’à l’Ardèche.
 

Les premiers résultats sont favorables aux prairies puisque « leur albédo est en moyenne supérieur à celui des autres surfaces végétalisées », indique Éric Ceschia, directeur de recherche Inrae au Cesbio. Mais alors quid des céréales ? On aurait pourtant imaginé que le blé, assez clair, pourrait avoir un albédo élevé.

Plus c’est clair, plus l’albédo est élevé, comme la neige, non ? Eh bien, ce n’est pas si simple. « Notre œil est un très mauvais évaluateur de l’albédo. Une grande partie de l’albédo se trouve dans des longueurs d’onde qu’on ne voit pas à l’œil nu », détaille Éric Ceschia. De plus, les grandes cultures ne sont pas présentes toute l’année, or il faudrait réaliser une moyenne annuelle pour comprendre les dynamiques de l’albédo.

En matière d’albédo comme d’agronomie, le sol nu n’a pas la cote. À de très rares exceptions, par exemple en Marne crayeuse, leurs albédos sont très faibles (de 0,05 à 0,15). Ainsi, « quand la végétation couvre le sol, il y a généralement un effet refroidissement pour le climat. Même une moutarde implantée en couvert pendant deux mois et demi améliore significativement l’effet albédo », ajoute Éric Ceschia. Les prairies, en couvrant densément le sol toute l’année, optimisent cet effet.

Les prairies ont un effet refroidissant

Les partenaires du projet Albédo Prairies ont également étudié l’impact des pratiques sur l’effet albédo des prairies. Résultats : l’albédo diminue après le pâturage et la fauche. Toutefois, « dans le cas d’une fauche, la diminution est plus forte et plus longue que pour le pâturage. En moyenne - 14 % pendant quatre semaines après une fauche, et - 4,2 % pendant dix à quinze jours après un pâturage, dépendant du chargement », explique Pierre Mischler.

Les pluies peuvent également entraîner des diminutions d’albédo, surtout lorsque la proportion de sol nu est élevée, avec des prairies dégradées. En bref, plus on enlève d’herbe, plus l’albédo diminue et longtemps, car le temps de repousse de l’herbe est plus long. Ainsi, l’albédo va dans le sens des règles de gestion de l’herbe prairial : il vaut mieux éviter le surpâturage et les coupes trop rases. « C’est plutôt une bonne nouvelle », se réjouit Pierre Mischler.

Dans le cas d’une fauche, la diminution d’albedo
est plus forte et plus longueque pour le pâturage.
En moyenne - 14 % pendant quatre semaines.
© Pierre Mischler, données Idele et CESBIO
 

Malgré ces effets fauche et pâture, les mesures du projet Albédo Prairies sont formelles : les prairies gardent un effet refroidissant. Leur albédo, plus élevé que celui des parcelles de grandes cultures, se situe autour de 0,23. Ainsi remplacer une culture par une prairie au sein d’une exploitation, génère un forçage radiatif négatif, plus ou moins important selon les conditions pédologiques et climatiques.

« Les prairies représentent en moyenne un forçage radiatif de - 8,5 W/m² par rapport à un sol nu. C’est-à-dire que l’on évite par hectare l’équivalent de l’énergie de 85 grille-pain de 1 000 W par hectare, image Pierre Mischler. Cela peut sembler peu, mais à l’échelle de territoires, c’est beaucoup. C’est sûr qu’on ne mettra pas de l’herbe partout, mais c’est encore un argument pour la préserver. »

Des résultats à approfondir

Ces résultats sont encore à approfondir, ainsi que leurs applications pratiques dans les exploitations. « Dans ce projet, on a cherché à mieux comprendre les dynamiques d’albédo, comment et pourquoi il varie. Pour l’instant c’est ce qu’on pourrait appeler du débroussaillage, mais petit à petit nous allons acquérir des connaissances plus précises », estime Pierre Mischler. Par exemple, il semble y avoir des différences d’albédo entre les variétés et les espèces prairiales.

Un champ à explorer peut-être pour la sélection de variétés productives et réfléchissantes. En outre, les graminées auraient un albédo plus élevé que les légumineuses. Toutefois, la différence est faible, « c’est dans l’épaisseur du trait », confie Jean-Louis Roujean. Ce n’est donc pas pour cela qu’il faut éliminer les légumineuses des prairies. Leurs atouts ne sont en effet plus à démontrer.

« On peut notamment citer les économies d’engrais, dont la production émet du CO2 et l’utilisation du N2O, un puissant gaz à effet de serre », indique Pierre Mischler. « Il ne s’agit pas de vouloir maximiser l’albédo à tout prix, ajoute-t-il. L’enjeu est de trouver des synergies entre réduction des émissions de gaz à effet de serre, stockage du carbone et augmentation de l’albédo, tout en maintenant des systèmes productifs et économiquement viables ». Un vaste programme qui sera abordé dans le cadre d’un nouveau projet Casdar : Albaatre-Systèmes.



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