Les caves coopératives recherchent des vignes et plus encore

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La pérennité des caves coopératives passe, en partie, par le volume. Pour aider les adhérents à s’agrandir ou pour attirer de nouveaux viticulteurs, des coops s’impliquent dans les questions foncières. Temporairement ou définitivement, elles deviennent propriétaires de vignes.

Toutes filières agricoles confondues, la moyenne d’âge des chefs d’exploitation augmente d’année en année : 48,4 ans en 2013, 48,7 ans en 2014, 48,9 en 2015 et 49 ans en 2016. La viticulture, prise en particulier, ne présente pas une dynamique différente. En 2016, l’âge moyen est même un peu plus élevé avec 50,4 ans. Un regard sur la pyramide des âges des chefs d’exploitation viticulteurs apporte une information complémentaire : plus d’un quart des viticulteurs ont entre 50 et 60 ans. Une importante vague de départ à la retraite est en cours. Le devenir des vignes détenues par cette génération est un enjeu fort pour la filière, notamment pour les caves coopératives.

Pour soutenir leurs adhérents et pour conserver leurs potentiels de production, des coopératives ont donc mis en place des politiques foncières. Temporairement ou définitivement, les coopératives deviennent propriétaires de vignes. Une enquête menée en 2013 par le haut comité de la coopération agricole a permis d’opposer des chiffres à une tendance de fond. Ainsi sur le panel de coopératives interrogées, la moitié avait fait l’acquisition de parcelles viticoles, pour la plupart via des filiales. « C’est un des leviers que nous avons choisi d’activer pour assurer la pérennité de la coopérative qui regroupe environ 100 adhérents sur 1 050 ha, explique Laurent Vaché, directeur technique d’Uni-Médoc (33). Une société civile a été créée dans ce sens. »

Acheter pour rétrocéder

« Elle permet à la cave d’acquérir puis de rétrocéder les terres à de jeunes installés ou à des adhérents qui ont besoin de conforter leur exploitation, poursuit Laurent Vaché. Cette année, ce sont 30 ha en AOC Médoc qui ont été achetés par la coopérative via la société civile. L’opportunité s’est aussi présentée d’acquérir 18 ha de terres nues dans l’aire d’appellation Haut-Médoc. Il s’agit pour la cave d’une diversification commerciale intéressante. Donc pour garder l’unité foncière sur le long terme, une SCEA a été créée avec la coopérative et six adhérents associés qui exploiteront, sous contrat de bail puis comme propriétaire, les vignes AOC. »

La cave coopérative de Tutiac a un objectif ambitieux : passer de 4000 à 5000 ha d’ici 2020. De nombreuses solutions sont développées pour y arriver. Les premiers résultats sont concluants.

À quelques kilomètres des chais d’Uni-Médoc, une autre coopérative s’est dotée d’un plan stratégique relatif au foncier. L’ambition y est grande ; la cave de Tutiac (33) souhaite passer de 4 000 à 5 000 ha d’ici 2020, + 1 000 ha sur une période de 5 ans. « La cave n’a pas les volumes suffisants pour satisfaire toutes les demandes. Une structure de négoce a donc été créée. Le cellier vinicole du Blayais apporte une solution mais, avec des contrats annuels, les apports ne sont pas sécurisés. Qui plus est, la volonté première pour les vignerons de Tutiac est de prioriser le modèle coopératif », explique Flavie Grenon, recrutée en 2015 pour s’occuper de toutes les questions relatives aux projets d’installation, de succession et d’agrandissement des adhérents et des jeunes intéressés pour rejoindre la cave de Tutiac (AOC bordeaux, blaye côtes-de-bordeaux, et côtes-de-bourg).

Un panel de solutions est donc déployé pour recruter de nouveaux viticulteurs et agrandir les surfaces cultivées par les adhérents : aide à la trésorerie de 3 000 €/ha remboursable sans intérêt sur cinq ans pour ceux achetant de nouvelles vignes, portage en partenariat avec la Safer, mise en relation des sociétaires acquéreurs et des cédants coopérateurs ou non, achat de foncier par les filiales de la coopérative avec mise en bail des terres...

Quand les amateurs de vins deviennent propriétaires

à l’autre bout de la France, dans le Vaucluse, le prix des vignes ne permet pas à la cave coopérative Rhonéa d’imaginer une politique foncière similaire à celles déployées par Uni-Médoc ou Tutiac. La valeur moyenne d’un hectare en AOC gigondas s’élève à 200 000 €. Dans l’AOC voisine de vacqueyras, l’hectare coûte à peine moins avec 180 000 euros/ha, une valeur sans commune mesure avec celle des AOC girondines de bourg ou de blaye qui s’échangent dans les environs 20 000 €/ha.

« Nous avons, en plus, un rendement autorisé parmi les plus bas de France avec 36 à 38 hl/ha pour les crus. De fait, le coût du foncier est disproportionné par rapport à ce que l’on peut tirer de l’exploitation des vignes, estime Pascal Duconget, directeur général de Rhonéa. Si pendant un temps les coopératives ont acquis des parcelles, la plupart, dont Rhonéa, sont revenues de cette stratégie. Les adhérents de la coopérative exploitent à ce jour 2 000 ha. Pour aboutir à une politique foncière significative en termes de volume de vin, il faudrait un investissement colossal que la cave ne peut supporter. »

Rhonéa a donc partiellement changé son fusil d’épaule. Maintenir, voire augmenter les surfaces de vignes reste une priorité, mais le poids du capital a été transféré à des investisseurs extérieurs.

« Fin 2016, nous avons créé la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Rhonéa Vignobles. Elle donne l’opportunité à des particuliers, institutionnels, professionnels et salariés d’acquérir une part de vignoble à partir de 1 000 €, détaille Pascal Duconget. Après un peu moins d’un an d’existence, la SCIC rassemble déjà 300 sociétaires pour une levée de fonds qui dépasse les 600 000 €, et 7 ha de vignes acquis en zones de cru. Ces vignes sont confiées pour certaines en métayage et pour d’autres exploitées en prestation de services par de jeunes adhérents Rhonéa. Nous espérons aller jusqu’à 100 ha d’ici à 5 ans, plus si nous achetons des vignes en AOC régionale côtes-du-rhône. Ce projet qui porte nos valeurs éthiques est profondément ancré dans l’économie sociale et solidaire. Il ouvre une nouvelle voie qui permet aux caves de sécuriser leur foncier sans bloquer leurs ressources financières. »

L’union de caves Vinovalie, basée dans le Sud-Ouest, a aussi regardé vers les investisseurs extérieurs au monde agricole. Pour acheter des vignes exploitées en société civile et travaillées par des salariés, Vinovalie a fait entrer au capital des entreprises comme le fonds d’investissement Labeliance.

Une question d’attractivité

« À ce jour, les adhérents de l’union de cave exploitent 3 800 ha. L’union, de son côté, a investi dans des domaines sur l’équivalent de 400 ha. La participation d’investisseurs a permis d’aboutir à ce niveau, mais l’achat de terres par les coopératives a ses limites, estime Francis Terral, le président de l’union, que ce soit pour les redistribuer aux adhérents ou pour les exploiter en société. Ce n’est pas la vocation d’une coopérative. Le problème de fond c’est l’attractivité de nos structures. »

« Faciliter l’installation des jeunes est important mais je considère qu’il faut aussi changer l’image du métier de coopérateur. Vinovalie et de nombreuses caves l’ont compris et ont choisi d’opter pour une stratégie de valeur, constate Francis Terral, par ailleurs membre de la CCVF. Cela passe par exemple par la création de vins de marques en bouteille qui, bien vendus, permettront de mieux rémunérer les adhérents. L’attractivité passe aussi par la vision qu’a le coopérateur de son travail. Pour Vinovalie, il est capital que les adhérents ne se considèrent pas comme de simples fournisseurs. Nous réfléchissons beaucoup à comment placer les adhérents au cœur de la stratégie produit. La coopération est à un tournant. Vinovalie compte aujourd’hui quelque 400 adhérents, dans 10 ans, ils seront très certainement 200 avec la même surface. Les modèles socio-économiques ne peuvent pas rester figés. »

Coopérative et négoce à la fois
Pour agir sur les volumes, deux stratégies sont possibles : miser sur l’approvisionnement interne, c’est-à-dire sur la production des adhérents, ou regarder vers l’extérieur. Des coopératives vont dans cette dernière direction en créant ou en rachetant une société de négoce. Quelques exemples : Charentes-Alliance qui, en 2015, a acquis la maison de négoce de cognac A.E. Dor. Les caves de la Loire qui possèdent le négoce Albert Besombes. « Nous avons réfléchi à cette orientation, confie Francis Terral, président de l’union de caves Vinovalie (Midi-Pyrénées). Cela implique une vinification séparée entre les vins d’adhérents et ceux de l’extérieur, donc des investissements dans notre cas. Autre point qui nous a rebutés : la variation de l’offre trop dépendante de la conjoncture. »

Acheter ou louer ?
Sacrée question ! « Sur la cave coopérative de Tutiac, nous sensibilisons nos adhérents, surtout les jeunes, à l’intérêt de la propriété. Les terres constituent un patrimoine. Et sur nos appellations, avec les taux d’intérêt en cours, ramené à l’hectare le remboursement des emprunts est équivalent au prix du fermage, estime Flavie Grenon, responsable des projets d’installation, de succession et d’agrandissement des adhérents de la cave bordelaise. En propriété ou en location, l’agrandissement de la surface exploitée va par la suite entraîner une charge supplémentaire de travail. « Nous avons constaté avec les adhérents que le recrutement et la gestion de nouveaux salariés pouvaient être un frein à l’agrandissement. » En réponse, la cave de Tutiac mais aussi l’union Vinovalie ont créé des groupements d’employeurs.

Viti leaders 428 octobre 2017
Article paru dans Viti Leaders n° 428 d'octobre 2017

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