Début 2013, les containers de vins hexagonaux bloqués par les douanes chinoises avaient donné l'alerte. Aujourd'hui, un laboratoire bordelais vient verser au dossier une pièce capitale: la plupart des vins français contiendraient bien des phtalates, et pour certains à des taux supérieurs aux normes en vigueur. Cette révélation survient alors que le gouvernement, en la personne de Mme Ségolène Royal, a dévoilé il y a une semaine à peine son plan national contre les "perturbateurs endocriniens". Présentes dans bon nombre de produits du quotidien (boîtes de conserve, textiles, plastiques, peintures, tickets de caisse...), ces substances seraient impliquées dans les dysfonctionnements du système hormonal augmentant les risques de troubles de la fécondité, de cancers hormono-dépendants, ou encore de diabètes.
Parmi les perturbateurs endocriniens, figurent les phtalates. Il s'agit de monomères dérivés de l'acide phtalique, dont deux au moins (DBP et DEHP) étaient couramment employés jusqu'au milieu des années 2000 dans la fabrication des équipements vinaires. L'alcool opère comme un solvant d'extraction, accélérant la migration de ces composés dans le liquide.
Cependant, compte tenu de leurs paramètres de migration, ce sont les tuyaux souples, cuves en polyester et revêtements de cuves en résine époxydique qui représentent les sources majeures de pollution. Avec une mention particulière pour les matériels de cuverie, eu égard à la durée de contact avec le vin,
explique Stéphane Boutou, responsable technique du Laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde), expert en analyses de résidus contaminants pour l'œnologie.
La société a analysé par chromatographie gazeuse/spectrométrie de masse une centaine d'échantillons de vins, représentatifs de l'ensemble des régions françaises. Résultat: des traces de phtalates ont été relevées dans 59% d'entre eux. Toutefois, à ce stade, il convient de bien distinguer seuil de détection et seuil de quantification.
Au sein de cet effectif de 59%, 15% des échantillons comportent des traces quantifiables de phtalates, le reste ne présentant que des résidus détectables. Et sur les 15%, 11% excédent les limites édictées par la législation européenne,
poursuit Stéphane Boutou.
En France, c'est de fait la réglementation communautaire sur les matériaux en contact avec les boissons alimentaires qui s'applique, en l'absence de normes spécifiques à l'œnologie concernant les phtalates. Dans le cas du DBP, celle-ci stipule qu' "une matière plastique ne doit pas libérer plus de 0,3mg d'agent contaminant/kg d’aliment, sans quoi elle est interdite d’utilisation" (règlement CE du 14/01/2011) – en précisant que le DBP est quantifiable à partir de 0,004 mg / kg. Conséquence logique: les produits élaborés au contact d'un matériau non conforme ne devraient tout simplement pas être commercialisés.
Au demeurant, Bruxelles envisage d'interdire DBP et DEHP à compter du 1er janvier 2015. Mais n'est-il pas déjà trop tard, puisque depuis le début des années 1990, un nombre incalculable de vins ont séjourné dans des cuves virtuellement polluées par les phtalates...
Aussi, après les résidus de pesticides, les contempteurs du vin pourraient être tentés de faire des phtalates leur nouveau cheval de bataille. Or, ils seraient bien avisés d'y réfléchir à deux fois. Primo, notre environnement domestique abrite de multiples foyers de contamination par les phtalates, à commencer par l'ordinateur portable devant lequel vous et moi sommes assis. Secundo, une entreprise spécialisée offre aux vignerons la possibilité de se mettre en conformité, grâce à une surcouche à effet barrière constituée de résine polymérique sans phtalates, apposée sur les revêtements epoxy contaminés (procédé validé par le Laboratoire Excell). Tertio, tous les fabricants proposent désormais des flexibles, cuves et revêtements de cuves exempts de phtalates.
POUR ALLER PLUS LOIN:
► Le communiqué de presse complet du Laboratoire Excell
► Phtalates dans les vins et les boissons spiritueuses: l’OIV adopte de nouvelles méthodes d’analyse
