Aux États-Unis, de Nashville à Charleston, plus d'exigence chez les amateurs de vin

Atlanta fait partie de ces villes du Sud où les attentes en matière de vin ont évolué suite à l'arrivée de nouveaux habitants venus des grandes villes du nord-est des États-Unis. Photo : rodphotography /Adobe stock

Importateurs et distributeurs de vin observent une nouvelle dynamique dans les États du sud des États-Unis. Du Texas à la Virginie et du Kentucky à la Floride, les consommateurs se tournent vers des vins plus qualitatifs. Une tendance qui s’explique par l’arrivée de nouveaux habitants venus des villes du Nord-Est.  

Importateur installé à Nashville depuis de nombreuses années, Jon-David Headrick a constaté une vraie bascule dans les habitudes de consommation depuis l'arrivée de nouveaux habitants. Photo : Jon-David Headrick
« C’est l’un des seuls points positifs de la crise Covid ! » sourit Jon-David Headrick, spécialisé sur les vins de Loire au sein de la société European Cellars, en évoquant l’arrivée dans les États du Sud de sommeliers venus des grandes villes du Nord-Est et de la côte ouest des États-Unis. Ces leaders d’opinion, très influents de l’autre côté de l’Atlantique, « sont venus avec des idées et des goûts qui ont poussé le marché local à s’améliorer, se réjouit l’importateur, installé à Nashville dans le Tennessee. C’est-à-dire à devenir plus curieux, à goûter des appellations moins, voire pas connues ici, comme l’anjou, le muscadet, les coteaux-champenois ou encore les vins de Savoie. Aujourd’hui vous pouvez trouver des vins de rêve à Birmingham en Alabama, qui est pourtant un état un peu perdu ». L'air de rien, les vins importés grignotent des parts de marché sur les vins américains, et principalement sur les vins californiens, qui couvrent encore 70 % de la consommation nationale.

Climat doux et avantages fiscaux 

Avant les sommeliers, ce sont les restaurateurs qui ont succombé à l’appel du Sud, notamment pour des questions financières. « Ouvrir un restaurant à New York coûte très cher », souligne Valérie Gerard-Matsuura, vice-présidente aux États-Unis des opérations de l’agence de communication Sopexa. Ajoutons à cela l’installation de « simples » habitants venus de New York, Chicago ou Philadelphie et tous les ingrédients sont réunis pour que ce marché dit secondaire – par opposition au marché « primaire » que sont la côte ouest et la côte est – prenne de plus en plus d’importance.

Parmi ces villes du Sud qui attirent de nouveaux habitants, Valérie Gerard-Matsuura cite pêle-mêle « Austin au Texas, Charleston en Caroline du Sud, Atlanta et Savannah en Géorgie, Palm Beach et Orlando en Floride, Richmond en Virginie, Memphis et Nashville dans le Tennessee ». Parfois plus petites, ces villes bénéficient d’un climat doux, de prix immobiliers plus abordables et se situent dans des États dont les systèmes fiscaux s’avèrent plus avantageux. Avant même la crise sanitaire, ces atouts avaient déjà convaincu certains nordistes de prendre la route vers le sud. Un phénomène qui s’est accentué avec la crise sanitaire et l’essor du télétravail.

Acidité et minéralité 

Ces dernières années, Harry Root, président de la société de distribution Grassroots Wine, a vu de nombreux bars et caves à vin ouvrir à Charleston, en Caroline du Sud, la ville où il vit et travaille. Photo : Harry Root
« Ces nouveaux habitants appartiennent à la population idéale pour la consommation de vin, car ils sont plus aisés et veulent continuer à boire les mêmes vins qu’ils consommaient à New York ou à Boston », se réjouit Harry Root. Le président de la société de distribution Grassroots Wine classe ces nouveaux arrivants en deux types de consommateurs. « Il y a ceux qui ont la cinquantaine ou plus, qui aiment les vins plutôt structurés dans le style de Bordeaux ou de la Bourgogne, décrit-il. Et une génération plus jeune, qui a entre 20 et 40 ans, moins intéressée par les régions traditionnelles et plus attirée par des saveurs différentes. Ils attendent également que les modes de production respectent l’environnement et apprécient les méthodes de vinification moins "interventionnistes". »

Cette dernière catégorie est particulièrement friande de vins nature, mais dans leur ensemble, les vins importés, notamment français, italiens et espagnols, profitent de ces évolutions géographico-sociétales. Ils tirent également parti de l’attrait grandissant pour des vins plus complexes, présentant de la fraîcheur, de l’acidité et moins alcoolisés.  

« Pendant des années, ça a été assez compliqué, reconnaît Jon-David Headrick. Certaines appellations comme le sancerre sont connues, mais la plupart des vins de Loire ne le sont pas dans le sud des États-Unis. » La crise sanitaire et les mouvements de population qu’elle a accentués ont changé la donne. « Nos ventes ont augmenté d’environ 40 % dans cette région, notamment en Floride et au Texas », précise le spécialiste des vins de Loire. À noter que ces deux États sont les deuxième et troisième plus gros consommateurs de vin aux États-Unis, après la Californie.

Un marché plus ouvert 

Preuve en est de ce dynamisme, en septembre 2022, Business France a organisé sa tournée Tastin’ France à Raleigh en Caroline du Nord, à Houston au Texas et à Miami en Floride. « C’est un marché où l’on voit une “premiumisation”s’installer, confirme Manilay Saito, responsable du pôle vins de Business France en Amérique du Nord. Les consommateurs sont en demande de vins de niche, provenant de petites exploitations et produits dans des conditions qui respectent l’environnement. » Chez Sopexa, Valérie Gerard-Matsuura dépeint des professionnels plus à l’écoute que sur « les marchés saturés » de la côte est et de la côte ouest : « Ils goûtent, ils posent beaucoup de questions et ont envie de découvrir des choses. On incite nos clients à s'intéresser à ces marchés secondaires, même s’il faut garder en tête qu’ils sont plus petits que les marchés primaires. »

Dans les points de vente, le conseil client a lui aussi évolué. « Aujourd’hui les cavistes sont plus enclins à orienter les clients vers des produits qu’ils ne connaissent pas, observe Jon-David Headrick. S’ils comprennent bien leurs goûts, ils peuvent les emmener sur des choses plus pointues. À quelqu’un qui a beaucoup aimé un anjou blanc, ils oseront certainement lui proposer un savennières par exemple. » Manilay Saito constate que les vendeurs ont également investi une approche « pédagogique », expliquant comment et par qui le vin est produit. Du côté des grandes surfaces, la demande reste encore très centrée sur des vins californiens de marque capables de fournir de gros volumes. « Les changements arrivent tout doucement », relève néanmoins Jon-David Headrick. 

Le succès des vins nature
Produits de niche il y a quelques années, les vins nature venus d’Europe sont de plus en plus prisés aux États-Unis, y compris dans les États du Sud. « Nos ventes ont significativement augmenté dans cette région, confirme Zev Rovine, le plus gros importateur de vins nature aux États-Unis. New York et la Californie restent les endroits où nous vendons le plus, mais je dirais que les États du Sud représentent 10 % de nos ventes. Nous nous débrouillons plutôt bien à Miami, Austin, Houston, à la Nouvelle-Orléans et à Nashville. » L’importateur, également distributeur, met ce succès sur le compte des réseaux sociaux qui ont, selon lui, popularisé cette catégorie de vins. Quitte à ce qu’elle ne soit pas toujours très bien comprise par ses propres consommateurs. « Sur les réseaux sociaux, je suis des sommeliers qui s’amusent d’entendre systématiquement les clients demander du “vin nature” sans plus de précision, rapporte Valérie Gerard-Matsuura, de Sopexa. Je pense qu’il y a encore de la pédagogie à faire sur ce qu’est le vin nature, le bio et la biodynamie. »

Consommation de vin aux États-Unis : les chiffres clés  
• 110 millions de consommateurs qui boivent 12 litres de vin par an et par personne, sur une population totale de 310 millions personnes.
• 14 % de la consommation mondiale.
• 4e pays producteur derrière l’Italie, la France et l’Espagne.
• 70 % des vins consommés sont produits aux États-Unis, principalement en Californie.
• 30 % des vins consommés sont importés, principalement d’Italie, du Canada, de France, du Chili et d’Australie (ordre selon le volume).
• Avec 314 764 litres de vin consommés, la Floride est la deuxième consommatrice de vin des États-Unis, derrière la Californie (587 124 litres).
• Le Texas, la Caroline du Nord et la Virginie se classent respectivement à la troisième, sixième et huitième places.

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