Qualité des vins et bonne connaissance des marges

Œnologue consultant pendant près de 20 ans, Adrien Debaud a repris, en 2018, un domaine « de cœur » sur lequel il intervenait régulièrement. Pour développer les ventes de vins conditionnés, le vigneron compte sur des productions au style franc et stable.

Situé non loin des rues piétonnes d’Uzès, des arènes de Nîmes et de la fameuse forêt de bambous d’Anduze, le Domaine de l’Orviel est au carrefour de lieux touristiques très fréquentés. Sur le papier, l’emplacement paraît donc prometteur pour attirer une clientèle de passage en vacances dans le Gard. Pourtant, ce sont des consommateurs fidèles qui font tourner le caveau et la vente directe du domaine, basé sur la commune de Saint-Jean-de-Serres (30).

Conserver les Salons où on ne perd pas d’argent !

« Je recense environ 1 500 clients réguliers dans mon fichier. Pour moi, cela signifie qu’ils achètent du vin au moins une fois par an. Ce sont des personnes attachées au domaine et qui nous recommandent. Mon prédécesseur tout comme moi fonctionnons essentiellement par le bouche-à-oreille », introduit Adrien Debaud, récent propriétaire du Domaine de l’Orviel.

Adrien Debaud est le propriétaire du Domaine de l’Orviel. Il a été œnologue conseil avant de s’installer. Photo : Orviel

« Concernant les Salons, je suis dans la continuité de Jean-Pierre Cabane, à qui j’ai racheté la propriété de 25 ha fin 2018. En revanche, j’ai réduit la voilure concernant les Salons grand public. Je n’en fais plus que trois : ceux de Colmar et de Rennes organisés par les Vignerons Indépendants de France et celui de Seclin, près de la frontière belge. Ce sont des Salons pour lesquels je rentre dans mes frais et qui sont positionnés à des périodes creuses, tant sur les activités vitivinicoles que sur les ventes au caveau. Sans compter mon temps de travail, j’ai estimé qu’il me fallait vendre 700 bouteilles pour compenser tous les frais. À partir de 1 400 bouteilles, le Salon est une réussite. C’est appréciable, plaisante le vigneron, mais le plus utile sur un Salon, en plus du retour en direct de l’appréciation des clients, c’est l’après-Salon ! »

Adrien Debaud a créé une nouvelle gamme de vin depuis la reprise du domaine : Garçon ! Photo : S.Favre/Média et agriculture.

Chaque soir, après la fermeture, Adrien Debaud consacre son temps à saisir ses ventes et les contacts des nouveaux clients dans ses logiciels de suivi. « Une bonne base de données permet de connaître ses clients et de les contacter, dans mon cas par e-mail. D’abord je remercie les clients de m’avoir fait confiance, puis nous gardons un lien au fil de l’année. Ce travail de fourmi, rébarbatif, m’a été très utile durant le confinement (lire encadré). Mais je compte aussi sur ce suivi pour augmenter la vente directe dans des conditions normales ! Il y a de l’enjeu, d’après mon business plan d’installation, d’ici à 2024 il me faut arrêter la vente de vin au vrac. »

S’orienter vers la bouteille et abandonner le vrac

Ce choix, fondé sur des considérations économiques, s’inscrit dans une stratégie commerciale plus globale. « J’ai repris un domaine avec une bonne santé économique, en adéquation avec les besoins de mon prédécesseur. Mais les investissements liés au rachat et ma vie privée font que l’équilibre passé n’est pas celui que je dois viser. Il me faut augmenter le chiffre d’affaires. Pour y arriver, je mise sur un développement de la vente directe, de vins conditionnés. La répartition un tiers bouteille, un tiers BIB, un tiers vrac va progressivement glisser vers deux tiers bouteille et un tiers caisse-outre. Pour commercialiser ces nouveaux volumes de vins conditionnés, il est impératif de muscler la vente au caveau mais aussi de diversifier mes canaux de vente. » Le Domaine de l’Orviel est désormais distribué dans quelques supermarchés de la région. « Là aussi, c’est du bouche-à-oreille, des amis d’amis. Les vins référencés tournent bien. Mais comme il faut consentir de nombreuses réductions, c’est un canal peu rémunérateur que je ne souhaite pas développer outre mesure. Néanmoins, il y a des opportunités à saisir. La grande distribution recherche des vins de vignerons entrée de gamme. De mon côté, j’ai du vin anciennement destiné au vrac à mettre en BIB et des BIB à transformer en bouteille. Pour réaliser cette transition, j’ai donc créé une nouvelle gamme, peut-être éphémère : le Mazet de l’Orviel. En rouge, blanc et rosé, il s’agit de vin de qualité “caisse-outre améliorée” proposé à peine en dessous de 3 euros aux clients de la grande distribution mais aussi à l’export et aux cavistes hors zone locale. Le résultat du lancement est plutôt mitigé. Il faut dire que les premières bouteilles ont été mises en rayon cinq jours avant le début du confinement, à un prix un peu trop élevé je pense… Il y a donc du retard sur le planning de commercialisation, mais j’y crois. »

Une croissance stoppée par le covid-19

Les ventes à l’export ont aussi progressé depuis 2018. 15 % des bouteilles sont expédiées hors de France, soit 10 000 cols. « Les ventes se font essentiellement vers la Belgique et les Pays-Bas. Je voudrais aussi être présent en Suisse et au Canada. Mais je ne fais pas de ce canal de vente ma priorité car, finalement, j’aime le contact avec la clientèle particulière et je n’ai pas de difficultés à vendre les vins que recherchent les importateurs à mon caveau aux prix caveau. »

a gamme du Domaine de l’Orviel compte environ quinze références en IGP pays des Cévennes et en AOC duché d’Uzès. La cuvée viognier IGP est vendue au caveau à 7,50 euros. Le duché d’Uzès blanc élevé en fût et sur lies est proposé à 9 euros.

« La transition entre mon prédécesseur et moi se fait bien, continue Adrien Debaud. Les clients appréciaient les bons vins de Jean-Pierre et ils semblent goûter aussi les miens. Sur décembre 2019 et les deux premiers mois de l’année 2020, les ventes au caveau avaient augmenté de 30 % en volume et de 20 % en valeur. Ensuite, sur mars et avril, c’est le Covid-19… Résultat : -  50 % par rapport à l’année passée, - 70 % par rapport à mon prévisionnel. Néanmoins, je fais le pari que la croissance va reprendre. C’est déjà le cas depuis le mois de mai ! »

Un œnologue vigneron

« Je fais des vins de qualité dans la continuité de Jean-Pierre mais avec mon style », continue le vigneron. Un style auquel Adrien Debaud a pu réfléchir durant ses 20 années en tant qu’œnologue conseil. « J’ai repris un domaine avec de nombreuses références, une quinzaine. J’aurais souhaité en arrêter certaines mais toutes ont leur clientèle. La fidélité a aussi ses contraintes ! J’y vais progressivement en apportant mon savoir-faire d’œnologue. Désormais, chaque vin a son identité et sa place dans la gamme. Par ailleurs, tous les vins proposés sont prêts à boire. Pour mes vins haut de gamme, cela implique d’allonger le temps d’élevage. Je passe progressivement de 12 à 18 mois. C’est un coût à supporter, que j’ai estimé. »

« Je fais beaucoup de calculs ; ils me sont indispensables à la prise de décision. J’ai changé de métier, j’ai racheté un domaine il y a deux ans, j’emploie deux personnes à plein temps, les risques doivent être mesurés si je veux continuer longtemps à faire des vins que j’aime », conclut Adrien Debaud.

Qualité
Une vendange homogène pour ne plus dépendre du millésime

« Il est beaucoup plus simple d’obtenir une qualité de vin stable d’une année à l’autre si la qualité de la vendange récoltée est élevée et homogène. J’ai donc mis en place un itinéraire technique particulier pour arriver à cet objectif. Tout d’abord, je vise des rendements faibles : 40 à 50 hl/ha pour tout ce qui va dans les bouteilles, que ce soit en AOC ou en IGP, pour le chardonnay et le viognier par exemple. Par rapport à mon prédécesseur, je taille donc un peu plus court. S’il le faut, j’ébourgeonne et j’effeuille à la main, côté levant, et j’éclaircis progressivement en août à mesure de la maturation. Cette vendange, qualitative et homogène, rend les vinifications et les assemblages plus faciles à réaliser, notamment sur les rouges. Et garantit de travailler sur des vins qui nous font toujours plaisir ! Néanmoins, je ne pratique pas cet itinéraire sur toutes les parcelles. Uniquement celles qui le nécessitent et celles qui servent à la production de vin conditionné, notamment en bouteille. Ces opérations manuelles ont un coût que j’ai chiffré. Sur une bouteille, cela représente un surcoût de 30 à 40 centimes d’euro. J’ai revalorisé le prix de mes vins en conséquence. Mais désormais, tous les millésimes sont bons et avec un profil organoleptique stable. Les clients ne sont pas déçus ; cela participe à entretenir la fidélité. »

Coûts de production
Adrien Debaud a mis en place de nombreux indicateurs pour suivre ses coûts de production. « Je connais ceux de chaque référence. Je commence à mettre en place une méthodologie similaire pour la partie amont, à la vigne. Mon objectif est d’estimer le coût horaire de chaque opération, pour chaque parcelle. La finalité de ce travail n’est pas de réduire au maximum les charges. Si je peux mieux valoriser un vin, j’augmente les coûts de production. » Friand de tableaux Excel et de son logiciel de suivi commercial, Adrien Debaud peut aussi évaluer toutes les ventes avec des indicateurs quotidiens, hebdomadaires et mensuels. « Je connais les quantités vendues par segment, par référence et par type d’acheteurs. Ce suivi et l’analyse des données sont chronophages, d’autant qu’ils s’accompagnent d’un inventaire des stocks tous les mois. Avec les nombreuses références de ma gamme, il faut presque deux jours pour faire un inventaire exact. En contrepartie, les déclarations aux Douanes sont “simplifiées” et j’ai des données fiables sur lesquelles faire reposer mes choix stratégiques, comme la ventilation de mes ventes selon les canaux de distribution, l’arrêt d’une référence ou la participation à un Salon. »

Covid-19
Seclin, sans Salon mais pas sans ventes

Le Salon de Seclin, près de Lille, a été annulé cette année. « C’est un Salon très important pour le domaine. Beaucoup de Belges viennent acheter du vin. J’ai donc fait un e-mailing à tous les clients habitués pour proposer des livraisons, un dimanche soir. Dès le lundi, j’avais déjà 800 bouteilles commandées, alors que mes vins risquaient d’être plus chers pour les clients qui devraient payer des frais de transport. Finalement, je suis arrivé à 2 200 cols et 100 BIB commandés. Le domaine a pu prendre en charge les frais de port et garantir aux clients les tarifs habituels du Salon. Avec les bons de commande, des clients m’encourageaient et m’apportaient leur soutien. Ça a été une aventure logistique (merci au transporteur Charlier !) et humaine étonnante, possible car je fais un gros travail sur mon fichier client. »

Article paru dans Viti 454 de septembre 2020

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