Quand les caves coopératives se lancent dans les SCIC

D’une cave coopérative à l’autre, l’histoire se répète : nombreux sont les adhérents qui partiront à la retraite dans les dix prochaines années, il n’y a pas ou trop peu de repreneurs et de fait des terres viticoles risquent de disparaître faisant baisser les volumes apportés.

D’une cave coopérative à l’autre, l’histoire se répète : nombreux sont les adhérents qui partiront à la retraite dans les dix prochaines années, il n’y a pas ou trop peu de repreneurs et de fait des terres viticoles risquent de disparaître faisant baisser les volumes apportés.

Crédit photo Agamy
Depuis quelques années, des caves coopératives sollicitent le soutien financier de particuliers à travers la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). L’argent ainsi récolté permet aux caves de sécuriser du foncier et de le louer si possible à de nouveaux installés. Elles s’en servent également pour créer des exploitations à part entière.

D’une cave coopérative à l’autre, l’histoire se répète : nombreux sont les adhérents qui partiront à la retraite dans les dix prochaines années, il n’y a pas ou trop peu de repreneurs et de fait des terres viticoles risquent de disparaître faisant baisser les volumes apportés.

Des caves réagissent en créant des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), un statut né en 2001.
Des caves réagissent en créant des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), un statut né en 2001.
Crédit photo : Agamy

 

Des caves réagissent en créant des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), un statut né en 2001. « L'intérêt que nous avons vu dans la SCIC, c’est qu’elle permet trois choses : réunir du capital social à travers un financement participatif, acheter et gérer du foncier, et elle peut adhérer à la cave en tant qu’exploitante », résume Magali Palomares. La directrice de la cave coopérative héraultaise Les Crus Faugères préside également la SCIC Mas Olivier Vignoble participatif.

Cette initiative pionnière, créée en 2016, détient aujourd’hui un capital de 942 000 € constitué par 520 sociétaires. La SCIC a ainsi pu acquérir 48 ha de vignes. En plus de dix autres hectares exploités en fermage, Mas Olivier Vignoble participatif est aujourd’hui le deuxième plus gros apporteur de la cave des Crus Faugères.

Un projet qui requiert de l’accompagnement

Tout en étant au service des caves coopératives, les SCIC viticoles sont des sociétés commerciales à part entière. Leur particularité ? Réunir des personnes d’horizons divers autour d’un « intérêt partagé » et d’une « utilité sociale », qui alimentent le capital en souscrivant des parts sociales, et qui participent aux prises de décision. Vignerons, caves coopératives, Chambres d’agriculture, Safer, mais aussi entreprises du territoire, collectivités ou encore particuliers, peuvent devenir sociétaires d’une SCIC en achetant une part, d'un montant souvent compris entre 500 et 1.000 euros.

Ce qui implique, au moment de la création, un travail juridique assez important. Choix des statuts adéquats, définition des collèges de sociétaires et du poids de leur vote, identification de cet « intérêt partagé » et de cette « utilité sociale ». Les coopératives viticoles rencontrées se sont toutes faites accompagner, que ce soit par un cabinet de conseil, la Coopération agricole, ou l’Union régionale des sociétés coopératives.

« Il n’y a pas de difficultés particulières pour créer une SCIC, mais ça demande beaucoup de temps et d’implication », témoigne Régis Laporte, directeur de la Cave des vignerons de Tursan, dont la SCIC Ma Vigne en Tursan lancée en début d’année comptabilise déjà 70 sociétaires et 20 ha de vignes achetés par la SCIC. La présentation du projet aux vignerons adhérents a été une étape cruciale. « Cette démarche réclame de la pédagogie, poursuit le Landais. Il nous a fallu entre un an et demi et deux ans pour que le projet soit accepté. Nous l’avons présenté lors de deux assemblées générales consécutives. »

D’autres caves indiquent avoir eu besoin de six mois de travail pour créer leur SCIC. Devoir de pédagogie à l’égard des coopérateurs, mais aussi des futurs sociétaires. Le message envoyé à ces derniers doit être à la fois clair, vendeur et régulier pour que la levée de fonds soit un succès et s’inscrive sur le long terme.

Un modèle économique à trouver

Comme toute société commerciale, les SCIC doivent aussi établir un modèle économique et financier afin d’a minima couvrir les frais qu’elles occasionnent. Au lancement, certaines caves coopératives sollicitent leurs salariés. Mais en rythme de croisière, la SCIC requiert ses propres ressources humaines. Deux personnes sont souvent nécessaires. L’une pour l’animation de la vie coopérative, l'autre pour la gestion du vignoble.

Une étude de faisabilité est hautement recommandée. « Un équilibre économique est trouvable si la SCIC exploite une partie du foncier, et si l’objectif de capital n’est pas trop ambitieux par rapport au fichier client de la cave coopérative », estime Magali Bayle. Cette consultante a accompagné plusieurs caves qui souhaitaient tenter l’expérience. Beaucoup de SCIC viticoles sont donc des exploitations à part entière, qui apportent leurs raisins à la cave, développent une offre de prestation de services, ou s'ouvrent à l’œnotourisme.

Les opportunités foncières peuvent influencer le choix des activités. « En même temps que la création de la SCIC, nous avons eu la possibilité d’acheter un domaine de 25 ha, retrace Philippe Dry, directeur des Vignerons ardéchois à l’origine de la SCIC Ardèche Vignobles. Aujourd’hui c’est le domaine Terra Noé. Nous en avons fait un outil pédagogique pour montrer comment se pratique une conversion en bio à nos adhérants, ainsi qu’un lieu de réception. Nous louons les bâtiments de ferme, et nous y recevons les sociétaires et le grand public. »

Le choix du foncier, une étape stratégique

Créée en 2018, Ardèche Vignobles possède aujourd’hui 60 ha de vignes, et dispose d’un capital de 2 millions d’euros pour 800 sociétaires. Mais l’argent a beau être disponible, il ne lève pas toutes les barrières à l’acquisition de foncier. En Ardèche, ce n’est pas la pression foncière qui pose problème, plutôt « le manque de candidats pour vendre leurs terres. Il n’y a pas encore d’engagement spontané des viticulteurs adhérents qui partent à la retraite. C’est un sujet sensible ».

Dans le Vaucluse et le Beaujolais, le fonctionnement et les objectifs d’une SCIC viticole ont pu paraître nébuleux aux yeux de certains acteurs, à commencer par la Safer. Ce qui, ajouté aux appétits des autres acheteurs, a freiné les ambitions de Rhonea Vignobles et d’Agamy Vignobles. L’une comme l’autre n’a réalisé qu’à moitié son objectif d’acquérir 100 ha en cinq ans. « L’idée n’est pas d’acheter du foncier à tout prix », justifie Mathieu Subrin, viticulteur et président de la SCIC Agamy Vignobles.

La part entre vignes en production et en restructuration est en effet stratégique. Et il n’est pas toujours aisé de décrocher des terres saines et en bon état. « Si nous ne sommes pas encore à l’équilibre, c’est en partie dû au fait que nous exploitons un vignoble vieillissant dont la restructuration est planifiée sur cinq ans, explique ainsi Marine Benito, responsable de la vie coopérative au sein du groupe Rhonea, dont la SCIC Rhonea Vignobles est née en 2016. Pour avoir échangé avec d’autres SCIC, elles sont sur les mêmes temporalités. »

Les candidats se font attendre

Dans le Beaujolais, les vignes en coteaux, plus difficiles à adapter aux nouvelles méthodes de travail et aux exigences écologiques peuvent dissuader les futurs viticulteurs.
Dans le Beaujolais, les vignes en coteaux, plus difficiles à adapter aux nouvelles méthodes de travail et aux exigences écologiques peuvent dissuader les futurs viticulteurs.
Crédit photo : Agamy

Les candidats à l’installation sont eux aussi sensibles à la qualité du vignoble. Dans le Beaujolais, les vignes en coteaux, plus difficiles à adapter aux nouvelles méthodes de travail et aux exigences écologiques peuvent dissuader les futurs viticulteurs. D’où la volonté de Mathieu Subrin de la SCIC Agamy Vignobles d’acquérir de « belles parcelles faciles à travailler. L’objectif est de moderniser notre vignoble, d’installer des jeunes dans de bonnes conditions. On leur apporte tout : le foncier, les outils, notre expérience ». 20 % des 46 ha acquis par Agamy Vignobles sont aujourd’hui loués à deux viticulteurs, dont l’un est nouvellement installé.

Chez Ardèche Vignobles, dont la cave coopérative consacre un budget d’environ 150.000 € par an à l’aide à l’installation, quatre personnes « parties de zéro » se sont lancées sur des parcelles acquises par la SCIC. Ici, comme chez Agamy Vignoble, la porte est ouverte à une transmission si les loueurs souhaitent un jour devenir propriétaires.

Pourtant, malgré le foncier acquis et les partenariats noués avec les Points accueil installation transmission des chambres d’agriculture, toutes les caves n’ont pas encore trouvé leurs « pépites ». « Ce serait une grave erreur de penser que l’enjeu du renouvellement des générations se résume au foncier », met en garde Fabien Danjoy, directeur du Vigneron savoyard et président de la SCIC Les Vignes des Alpes. À ses yeux, le problème est plus profond.

« Le gros souci c’est le désamour vis-à-vis du métier d’agriculteur et le manque d’attractivité des caves coopératives. Ce sont des grosses machines dont l’intérêt n’est plus compris. Il faut que l’on transforme cet outil commun. » Et face à ce défi, la SCIC fournira peut-être une partie de la solution.

« Ce serait une grave erreur de penser que l’enjeu du renouvellement des générations se résume au foncier », Fabien Danjoy, Vigneron savoyard

Les sociétaires, une « communauté » à animer

Bien que le statut SCIC permette le multi-partenariat, l’écrasante majorité des sociétaires des SCIC viticoles sont des particuliers. Attirés par la réduction fiscale offerte par cet investissement : 25 % de la somme investie s’ils conservent leur(s) part(s) durant au moins cinq ans. Mais aussi enthousiastes à l’idée d’acheter « un petit bout de vignoble » pour un ticket d’entrée relativement bas. Dans la plupart des cas, la part sociale est fixée à 1.000 €.


Demandeurs de découvrir le monde du vin de l’intérieur, ces « ambassadeurs » ne se contentent pas d’une simple rémunération en vin. En contrepartie de leur investissement, ils sont régulièrement invités à des événements organisés par la SCIC : participation aux vendanges, à la taille, découverte de l’assemblage, randonnée à travers le vignoble… Souvent, une lettre d’information leur est envoyée pour les tenir informés des actualités de la SCIC et de la cave. Quand elles en ont la possibilité, certaines coopératives créent même une cuvée ou une gamme dédiée. Ces moments, ainsi que les conseils coopératifs et les assemblées générales, permettent aux caves de recréer du lien avec les consommateurs.


Mais ils sont aussi gourmands en temps et en ressources humaines. Avant d’envisager la création d’une SCIC viticole, la chercheuse Christine Léger-Bosch1 conseille donc aux caves coopératives de « se poser la question des moyens dont elles disposent pour gérer à long terme le recours à des capitaux extérieurs. Si elles n’ont ni fonds propres, ni capacité d’animation disponible, elles peuvent renoncer à la SCIC et mettre en place d’autres outils que le portage foncier. »


(1) Auteure du programme de recherche Coop’Portage, mené en Auvergne-Rhônes-Alpes, pour lequel elle a étudié le portage foncier de cinq caves coopératives, dont trois SCIC.


 

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