La filière laitière bio est inquiète

"La consommation de produits laitiers bio décroît toujours, annonce Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel et éleveur laitier dans la Manche. Sur les huit derniers mois, on note une baisse de 12 % par rapport à l’année dernière, et de 23 % par rapport à 2019." Crédit: Evgenia/Adobe Stock
L’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages et la consommation de produits laitiers biologiques en pâtit. Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel, redoute une accélération des déconversions.

« La consommation de produits laitiers bio décroît toujours, annonce Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel et éleveur laitier dans la Manche. Sur les huit derniers mois, on note une baisse de 12% par rapport à l’année dernière et de 23% par rapport à 2019. Environ 40% du lait bio est déclassé en conventionnel. » Il note tout de même un signal positif du côté de la restauration collective, qui a accru ses approvisionnements en produits laitiers biologiques, passant de 6 à 7%.

Parallèlement à cette baisse de la consommation, le dernier numéro de Tendances lait viande annonce également une diminution des fabrications de tous les produits laitiers biologiques. « Le décrochage est particulièrement fort pour les crèmes conditionnées (-19%) et les yaourts (-12%) », indique l’Idele.

Une collecte laitière en repli

La collecte de lait biologique a également été en berne sur les huit premiers mois de l’année, avec une baisse de 3,2% par rapport à 2022, toujours selon Tendances lait viande. Cette diminution n’est toutefois pas homogène selon les régions : « Jusqu’en août, la baisse cumulée a atteint -4,8% /2022 en Pays de la Loire, -4,3% en Bretagne et -3,9% en Auvergne-Rhône-Alpes. La collecte est restée très dynamique en Normandie (+2,3%), stable dans le Grand Est et en légère baisse en Bourgogne-Franche-Comté (-0,9%) », affirme l’Idele.

Ces disparités régionales cachent également des raisons différentes à ce repli de la collecte. « Dans le Grand Ouest, cela s’explique par des fourrages de qualité moyenne, avec une herbe peu lactogène sur le printemps, explique Yves Sauvaget. En revanche, c’est plus inquiétant en Auvergne-Rhône-Alpes, où le repli de la collecte semble dû à une vague de cessations d’activité. »

Augmentation des déconversions

Des cessations d’activités, de l’ordre de 5% selon Yves Sauvaget, « un chiffre très important, qui dépasse celui de l’agriculture conventionnelle, alors que, dans les dernières années, l’agriculture biologique était plutôt un secteur porteur, qui attirait des jeunes, notamment non issus du milieu agricole », s’inquiète le président de la commission bio du Cniel. Selon lui, ces cessations se répartissent de la façon suivante : 
  • un tiers d’arrêt de l’activité agricole (dont les départs en retraite et les reconversions professionnelles);
  • un tiers d’arrêt de l’atelier laitier, avec continuité de l’activité agricole;
  • un tiers de déconversions, avec continuité de l’activité laitière en conventionnel.
« La bio est malade, il ne suffit plus de paroles, il faut des actes », assène Yves Sauvaget, appelant « la puissance publique à prendre ses responsabilités », pour aider l’agriculture biologique, si elle souhaite atteindre son objectif de 18% de SAU en agriculture biologique d’ici à 2027.

Aménités positives

« Aujourd’hui, si on regarde cet objectif du point de vue purement économique, c’est une aberration, il n’y a pas assez de demande. 10% des consommateurs achètent 70% des produits bio, explique Yves Sauvaget. Si on regarde cet objectif sous un autre angle, en considérant ses aménités positives, sur l’environnement, le climat, voire la santé, là c’est autre chose. Mais comment fait-on ? On ne peut pas laisser ces aménités positives reposer sur 10% de consommateurs. »

Pour intégrer ces aspects, le président de la commission bio du Cniel souhaiterait que d’autres ministères que celui de l’Agriculture entrent dans la boucle des discussions autour du soutien à l’agriculture biologique : celui de la Transition écologie, celui de la Santé et, bien sûr, celui de l’Économie.

« Ne pas perdre un seul producteur, un seul hectare »

En attendant, l’ensemble des filières bio travaille à un état des lieux des problématiques inhérentes à chaque filière, afin de porter une demande au ministère de l’Agriculture. « La crise étant essentiellement conjoncturelle et liée à l’inflation, nous espérons que la consommation reprendra lorsque l’inflation se stabilisera. Cependant, il faudra attendre 2026 selon les estimations de la Banque de France et de l’Insee pour retrouver une inflation de l’ordre de 2%. Entre-temps, nous aurons besoin d’aide afin de pas perdre un seul producteur, de ne pas perdre un seul hectare », affirme Yves Sauvaget, qui estime que l’enveloppe de 60 millions d’euros débloquée cette année ne sera pas suffisante, d’autant que « les conditions d’octroi de l’aide la rendaient difficilement accessible pour les éleveurs ».

Le président de la commission bio du Cniel regrette également la baisse de l’écorégime « de près de 20€/ha » et le budget insuffisant des MAE. « C’est dommage, car autant de demandes autour de ces dispositifs, c’est la preuve que les agriculteurs sont prêts à entrer dans la transition », estime-t-il.

Yves Sauvaget craint une accélération des déconversions et des arrêts d’activité à partir du printemps 2024. « La campagne de la PAC pourrait être décisive, on sera peut-être en dessous de 2022 en nombre de producteurs », projette-t-il.

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