Basile Pauthier, chef de projet agrométéo sol et sous-sol au comité interprofessionnel du vin de Champagne, détaille les facteurs favorisant les gelées de printemps. Des points à ne pas cumuler à la vigne.
- Les éléments du paysage et la topographie : les bas de coteau, les cuvettes, les haies, les murets peuvent limiter la circulation de l’air et augmenter le risque de gel, notamment en conditions radiatives. Sur les parcelles à historiques gel, en bas de coteau, il est par exemple conseillé d’implanter des haies qui ne soient pas perpendiculaires à la pente, ou si c’est le cas de privilégier les haies plus lâches, des arbres alignés, etc, qui ne fassent pas obstacle à l’écoulement de l’air.
- Les cépages : c’est un fait connu, certains cépages sont plus sensibles que d’autres, le chardonnay, plus hâtif est par exemple plus sensible que le pinot noir.
- La date de taille : plus elle est précoce, plus la date de débourrement est généralement précoce, et plus le risque gel est élevé. Entre une taille classique effectuée le 1er novembre et une taille effectuée le 1er avril on gagne 8 à 12 jours selon le type de taille.
- Les enherbements et les mulchs : la présence d’un mulch limite la libération d’infrarouges au niveau du sol, limite la captation de la chaleur solaire par le sol, ce qui a tendance à augmenter le risque de gelée.
- Les couverts hauts, quand ils dépassent la zone du liage. « Dans nos essais menés à Ambonnay en 2021 et 2022 sur une dizaine de parcelles, sur des gelées par advection, la présence des couverts hauts ne pose pas réellement de soucis avec une légère différence de température (différence de 0,5°C). Mais en présence de gelées par radiation, en absence de vent, l’effet peut être dramatique : le couvert augmente la rugosité du sol (=la capacité du sol à laisser l’air s’écouler), il y a une sédimentation de l’air, avec une stagnation de l’air plus froid au niveau des couverts. Cela se traduit par 2 à 3°C de moins et 15% humidité en plus au niveau des couverts, ce qui augmente considérablement le risque de gel. Sur des parcelles historiquement gélives, il est donc préférable d’opter pour des couverts bas.
- Le travail du sol. Il limite l’absorption de la chaleur pendant la journée et favorise le relargage d’humidité pendant la nuit. Des travaux de l’IFV récents confirment que même 20 jours après le travail du sol, le risque de relargage d’humidité et par conséquent d’augmentation du risque de gel- existe. Quand une gelée est annoncée il faut impérativement cesser le travail du sol. Plus le travail est profond, plus le relargage d’humidité est important. Il peut donc être intéressant, comme pour la taille, de réaliser le travail du sol sur les parcelles gélives en dernier. Il y a cependant un effet année : lorsque le sol est très sec, l’impact du travail du sol sur le risque gel diminue.
- La hauteur de liage. Dans le cadre de l’expérimentation des VSL (vignes semilarges) nous avons pu constater une différence concernant les gelées radiatives, avec des dégâts 30% inférieurs en VSL par rapport aux vignes étroites.
À savoir
Il faut d’abord bien distinguer les types de gel : radiatif ou par advection, même si une gelée n’est jamais purement l’une ou l’autre.
- Gelées radiatives. Elles surviennent généralement par temps clair, avec peu ou pas de vent, une humidité généralement relativement importante. Elles touchent surtout les bas de coteau.
- Gelées par advection, c’est-à-dire par transport d’air polaire. Elles sont systématiquement associées à un vent parfois fort de 40 à 50 km/h et quasi systématiquement à une humidité très faible. Ce qui ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas engendrer des précipitations, des dépôts de neige ou d’eau, comme ce fut le cas en 2021 en Champagne, et donc des gelées par évaporation. Sur une même nuit, dans la même heure, il est possible d’avoir des conditions changeantes. Et même sur une gelée advective, il est possible d’avoir une part de gelée radiative.
