Souffler le chaud pour lutter contre le gel, leur choix matériel

[TÉMOIGNAGES] Face au risque de gel de printemps, certains vignerons choisissent de s'équiper en matériel apportant de la chaleur. Tour Ventigel associée à une chaudière, canon à air chaud Heat Ranger, bougies StopGel ou chaufferettes Wiesel Frost Oven. Voici les retours d'expérience face au gel de quatre vignerons.

>>> FRANÇOIS BALARESQUE (Clos Cabana, Pessac-Léognan) : deux hectares protégés avec la tour mobile Ventigel


Avant, nous protégions les vignes du gel en brûlant des ballots de paille, mais nous sommes proches de l’agglomération de Bordeaux, et, bien conscients que ce type de protection ne pourra pas être employée sur le long terme, je cherchais un autre système. J'ai opté pour Ventigel de l'entreprise Polypoles en 2022. L'équipement correspond bien à notre surface à protéger : deux hectares en merlot et cabernet sauvignon. L’équipe Ventigel est réactive, c’est un point important. L’engin est facile à mettre en place, il peut être transporté avec un tracteur vigneron, même s'il faut tout de même être précautionneux, en raison du poids et de la hauteur. Il est nécessaire d’être un peu équipé (chariot élévateur) pour monter la tour qui peut atteindre jusqu’à 4 mètres. Un grand câble de 80 mètres est déroulé et branché directement sur une prise triphasée au niveau des bâtiments.

Un déclenchement manuel et un fonctionnement autonome

Nous avons eu un petit épisode de gel en 2022 et les températures sont descendues jusqu'à - 2 à - 3 °C dans certains endroits de la propriété. Nous avons eu peu de dégâts. Le déclenchement est manuel – c’est un point qui pourrait évoluer à l’avenir, nous aimerions pouvoir le faire à distance – en se basant sur les données de nos stations météo. Le ventilateur est mis en route assez tôt pour brasser l’air afin que la rosée ne se mette pas sur les bourgeons, dès que les températures avoisinent les 1 à 2 °C (une partie des vignes est située à proximité d’un bois chargé en humidité, il faut éviter que l’air froid ne stagne). Puis, quand la température descend à 0 °C, le moteur thermique de la chaudière est mis en route pour gagner quelques degrés supplémentaires. L’autonomie est de 5 à 6 heures

François Balaresque a investi autour de 32.500 euros dans ce système de protection.

 

>>> FRANÇOIS-XAVIER CORNETTE (Charente) :  le canon à air chaud pour protéger du gel


Je me suis équipé en 2020 d’un Heat Ranger, un canon à air chaud. C’est un matériel développé en Nouvelle-Zélande et qui a fait ses preuves dans ce pays. Sur mon exploitation de 45 ha en Charente, il permet de couvrir un îlot de parcelles de 10 à 12 hectares, ce qui correspond bien à ma surface la plus gélive. Le coût d’achat tourne autour de 150.000 euros, ramené à l’hectare, cela revient à peu près au coût des tours à vent. J’ai déjà enregistré des gelées à - 3,5 °C/- 4 °C, et je n’ai pas eu de pertes.

Un des avantages est la facilité d’utilisation : le canon à air chaud ne fait pas de bruit et il réchauffe l’air à la température souhaitée. L’engin est déplaçable (quand il n’est pas en fonctionnement), donc remisable. C’est un point important vis-à-vis des paysages et du voisinage. En revanche, il nécessite d’avoir un parcellaire relativement groupé.

Un fonctionnement automatique et autonome

L’aspect intéressant avec ce système est de garder l’air chaud plaqué au sol. Le principe du Heat Ranger est de produire et de positionner au niveau du sol de l’air réchauffé à 30 °C. Le diffuseur effectue une rotation à 360 ° en quelques minutes. Le fonctionnement est automatique : une batterie de 17 capteurs positionnés sur des mats prend des mesures et déclenche l’appareil dès que le seuil est atteint. Il n’y a pas de moyen de lutte contre le gel parfait : certains gels sont plus difficiles à couvrir avec le canon à air chaud, notamment quand il y a de gros courants d’air. Un des points à prendre en compte est l’autonomie. Il fonctionne avec du gaz, je garde cinq bonbonnes de 500 l mobiles pour pouvoir tenir l’équivalent de trois nuits.

 

>>> CHÂTEAU FERRIÈRE (Margaux) : jusqu’à 10 000 bougies par an


À Margaux, le Château Ferrière a recours aux bougies face au gel. « Nous avions testé entre 1997 et 2002 une solution de toiles, permettant de protéger la vigne du gel, avec un gain de 1 à 2 °C protégeant les bourgeons des gelées blanches. Malheureusement, l’Inao a interdit cette solution pourtant efficace, ce qui nous a conduits aux bougies », rappelle Gérard Fenouillet, le directeur de production.

Sur les 35 ha du domaine, une dizaine sont désormais protégés par des bougies, auparavant à base de paraffine pétrolière et désormais des StopGel Verte de 6 l à base de cire. « Ces bougies vertes durent moins longtemps, mais ont une puissance de chauffe supérieure », précise le responsable. Si 400 bougies sont disposées par hectare, seules 240 sont allumées à l’arrivée des températures négatives au château Ferrière, pour protéger les bourgeons jusqu’à - 2,5 à - 3 °C. Entre - 3,5 et - 5 °C, le reste des bougies sera allumé. « L’an dernier, avec des gelées noires jusqu’à - 6,5 °C, il aurait été utile d’installer jusqu’à 600-700 bougies/ha, disposées tous les 3 m. Les bougies peuvent parfois être allumées entre 23 h et minuit, pour n’être éteintes qu’à 8 h. Il faut alors compter trois bougies pour deux nuits », poursuit-il, jugeant indispensables les bougies face aux gelées noires. Avec les nouvelles bougies vertes, les problèmes de fumées noires et de mauvaises odeurs n’ont plus lieu.

Le coût : un véritable enjeu

Quant au besoin de main-d’œuvre, Gérard Fenouillet observe une vraie mobilisation des salariés les nuits de gel, « totalement investis dans leur mission », même si le travail de mise en place et surtout de sortie des bougies après le gel reste très contraignant. La question du coût est, pour sa part, un vrai enjeu. « Si les bougies de 6 l coûtaient 8,50 euros l’unité, elles étaient à 10,50 l’an dernier et sont passées à 12,50 dernièrement. Nous allons donc travailler sur des tailles plus tardives, afin de tenter de réduire la sensibilité des parcelles les plus gélives, et étudier l’installation d’une tour antigel face au risque de gelée blanche », termine-t-il.

 

>>> LOUIS JAUDINOT (chaufferettes Wiesel Frost Oven) : des chaufferettes efficaces pour de petites surfaces


Depuis 2017, les vergers de l’Aumaillerie, en Haute-Vienne, sont davantage exposés aux épisodes de gel avec, en 2021, treize nuits gélives et, en 2022, quatre nuits allant jusqu’à - 6° C. Dès 2020, ils ont investi dans 70 chaufferettes Wiesel Frost Oven fournies par Filpack agricole. Aujourd’hui, ils en ont 350 qui couvrent 3 ha de leurs 15 ha de pommiers. « Jusqu’en 2020, nous avions uniquement une tour antigel pour 2 ha – c’est bien, mais ça tombe en panne – et des bougies. Ça fonctionne bien, mais c’est cher, relate Louis Jaudinot, associé au sein de l’exploitation familiale. Contrairement aux bougies, ce n’est pas la fumée qui protège les pommiers, mais le rayonnement émis par les tubes en acier galvanisé qui chauffent. »

Une technique plus économique et plus écologique pour de petites surfaces

Dans chaque tube, ils disposent des bûchettes de bois sur 5 cm, puis des briquettes de bois compressées et un allume-feu. Avec l’expérience, ils allument au chalumeau 150 chaufferettes/ha (une tous les 9 m, milieu du rang, un rang sur deux). Sachant qu’elles ne peuvent pas être éteintes, ils ne mettent qu’un sac de briquettes par convecteur (au lieu de deux), qu’ils rechargent si besoin au bout de 2 h 30.
Cette étape constitue l’inconvénient majeur du système, selon Louis Jaudinot, car il faut de la main-d’œuvre pour réapprovisionner les tubes avec les sacs de briquettes (non étanches). De plus, un espace de stockage important est nécessaire. L’arboriculteur, qui recommande la technique uniquement pour de petites surfaces, l’estime toutefois efficace, un peu plus économique que les bougies (pour une chaufferette : 35 € le tube + 9 € HT de briquettes pour huit heures de protection) et plus écologique (moins de fumées et de déchets).
À l’avenir, les vergers de l’Aumaillerie envisagent de continuer à utiliser les trois dispositifs actuels, qu’ils déclenchent à l’aide d’une station météorologique Sencrop et de plusieurs thermomètres.

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