Les piquet en bois aussi subissent des hausses de prix

Les difficultés d’approvisionnement en piquets de bois pour la vigne se sont accentuées depuis le début de la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Principal pays producteur en Europe, la Hongrie a réorienté sa production de bois d’industrie vers le bois de chauffage. Mais la concurrence du bois de construction et le manque de main-d’œuvre expliquent aussi cette situation. 

Comme les engrais, les produits phytosanitaires ou les bouteilles en verre, les piquets et les marquants en bois utilisés dans la vigne n’échappent pas aux difficultés d’approvisionnement causées par la guerre en Ukraine. “Pas de pénurie, mais des tensions et des délais de livraisons allongés”, nuance Romain Babec, responsable des produits de palissage et des engrais pour la société de distribution EVV (Ensemble de la vigne au vin, ex-Euralis). “La saison hivernale est toujours compliquée car le froid, la pluie et la neige peuvent empêcher les bûcherons d’aller dans les forêts, mais là, le contexte géopolitique rend la situation très compliquée”, reconnaît Jacques Lecoeur, fournisseur de piquets bois et dirigeant de la société Nobilys.

Pour les viticulteurs, ces tensions se manifestent aujourd’hui à travers des prix à la hausse et une gamme de choix moins large qu’à l’accoutumée. “Il ne faut pas vouloir des produits trop particuliers, comme des piquets avec un gros diamètre ou avec une qualité bien précise, confirme Dominique Navereau, directeur d’Ax’Vigne, distributeur installé dans le Val de Loire. 80 % de notre gamme est néanmoins disponible grâce à un sourcing très sécurisé. Les approvisionnements sont faits quasiment un an en avance.”

Les piquets de palissage en concurrence avec le bois de chauffage et d'aménagement

Le robinier faux acacia, communément appelé “acacia”, est le principal concerné par ces difficultés. Sa nature imputrescible et résistante en fait une essence très prisée en agriculture et en viticulture. Majoritairement produits dans des pays d’Europe de l’Est, les piquets et les marquants en acacia subissent les conséquences de l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité. En Hongrie, principal producteur des piquets et des marquants en acacia utilisés en France – 80 % des besoins selon un fournisseur –, le Gouvernement a abandonné, fin août, le programme d’encadrement des prix de l’énergie. À la place, un “programme bois de chauffage” a été mis en place pour permettre aux habitants de se chauffer à bas prix. “La majorité des forêts hongroises étant étatiques, cela a pour conséquence que le bois destiné à l’industrie est aujourd’hui orienté sur le bois de chauffage”, explique Olivier Vrancks, fournisseur et président de la société Vitagri Bois.

Outre les phénomènes de spéculation et de stockage que ce contexte engendre, la concurrence du bois de chauffage n’explique pas à elle seule les difficultés des fournisseurs et des distributeurs. “Il y a un effet domino”, résume Jacques Lecoeur, de Nobilys. Les piquets et les marquants souffrent aussi de la compétition avec les aménagements extérieurs (clôtures, lames de terrasses, aires de jeux…) fabriqués en acacia et plus rémunérateurs.
Par ailleurs, le manque de bois de sciage en pin destiné à la construction a, quant à lui, réorienté une partie de la demande internationale, notamment des États-Unis et de la Chine, vers l’acacia.

Des approvisionnements complexifiés pour les fournisseurs français

À ceci s'ajoute un manque de main-d’œuvre qui ralentit l’activité de la filière dans les pays de l’Est. La fabrication de piquets nécessite en effet beaucoup de manutention et est peu mécanisable. “Le travail dans une scierie est fatigant, bruyant, les ouvriers sont soumis à de grandes variations de température, poursuit Jacques Lecoeur. Ils préfèrent travailler ailleurs et les usines doivent non seulement embaucher des ouvriers moins qualifiés, mais aussi plus de personnel encadrant. Certaines fabrications sont donc simplifiées, voire arrêtées.” Le secteur du transport n’échappe pas à ces problèmes de recrutement, rallongeant un peu plus l’acheminement jusqu’en France.

Malgré tous ces obstacles, les fournisseurs interrogés réussissent à trouver des piquets et des marquants en acacia. Olivier Vrancks, de Vitagri Bois, se rend désormais une dizaine de jours par mois dans plusieurs pays de l’Est, contre toutes les cinq à six semaines auparavant. Il y rencontre de nouveaux producteurs et vérifie la qualité de leurs produits. “Certains ont réussi à trouver des alternatives aux forêts étatiques en s’approvisionnant chez des forestiers privés. Mais chez d’autres, on ne peut plus passer commande jusqu’à nouvel ordre.” De son côté, la société Nobilys référence une trentaine d’usines. “J’ai deux personnes sur place en permanence afin de contrôler la marchandise et gérer les achats et la logistique, souligne son dirigeant. Ce qui compte pour une usine, c’est le nombre d’articles à fabriquer que nous lui apportons. Cela lui permet d’utiliser tous ses bois en fonction des différentes fabrications que nous lui commandons. Cela va des produits pour la viticulture à l’aménagement extérieur.”

Des prix à la hausse

Évidemment, ce contexte et l’explosion du coût du transport ne sont pas sans conséquence sur les prix du bois transformé. “La hausse va de 20 % à 40 %”, estime la société Nobilys. “Selon la catégorie, les piquets ont augmenté de 25 % à 40 % en deux ans. Pour les marquants, l’augmentation est de 20 %”, observe Romain Babec, de la société EVV. Tandis qu’à la Coopérative Bourgogne du Sud, “les piquets d'1,40 mètre étaient à 3,24 € HT en décembre 2021, contre 3,64 € aujourd'hui, constate Emmanuel Charcosset, chef de produits pour le matériel destiné à la vigne. Les marquants carrés, eux, sont passés de 0,39 € à 0,62 €.” Soit une hausse d’environ 12 % pour les piquets et de 60 % pour les marquants.

À l’heure actuelle, personne ne se risque à prédire comment évoluera la situation. En Hongrie, le programme de bois de chauffage doit durer jusqu’à la fin de l’hiver. Or, les fournisseurs ignorent si le Gouvernement acceptera de réorienter du bois vers l’industrie. Face à cette incertitude, distributeurs et fournisseurs évoquent tous le retour vers du bois français.Mais la production nationale de piquets a aujourd’hui quasiment disparu, concurrencée par les pays d’Europe de l’Est.

 

Des piquets acacia made in France, c'est possible
La production française de piquets et de marquants d’acacia destinés à la vigne a été réduite à peau de chagrin sous l’effet d’une double concurrence. Celle des pays d’Europe de l’Est, hyper compétitifs grâce à des salaires très bas, et celle du piquet en métal, considéré comme plus rentable car plus rapide à poser.
La création d’une filière française n’est pourtant pas inenvisageable, à en croire Pascal Triboulot, enseignant-chercheur et ancien directeur de l’École nationale supérieure des technologies et industries du bois d’Epinal, dans les Vosges. “La ressource en acacia en France permettrait de répondre à la demande, assure-t-il. S’il y a une volonté exprimée par les viticulteurs d’aller vers un produit plus naturel et écologiquement plus sensé, c’est tout à fait concevable.
Il manque néanmoins plusieurs maillons essentiels. La volonté des forestiers de développer à plus grande échelle la sylviculture d’acacia, des unités de transformation et de la main-d'œuvre ou une technologie permettant d’industrialiser la fabrication de piquets.

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