Les pet' nat, un vent de liberté sur les gammes

Des vins pour les jeunes -ou moins jeunes, qui veulent se faire plaisir sans se prendre la tête : les pet’ nat (ou pétillants naturels) ont trouvé une place sur le marché des effervescents. Un espace de liberté pour les consommateurs et les vignerons. Témoignages.

« Je suis dans le naturel et je voulais rester dans le naturel », telle est la raison qui a motivé Régis Bard à se lancer dans la vinification d’un pet’nat. Installé depuis 2019, le vigneron alsacien produit quatre cuvées de vin nature, dont son pet’t nat qui associe riesling, chardonnay et un peu de pinot noir, les trois cépages qu’il cultive en biodynamie. Un vin plutôt sec, non filtré, non dégorgé. Question de goût. « C’est un vin de soif, qui rafraîchit, que l’on apprécie lorsqu’on le boit l’été », résume-t-il.

« J’ai choisi le pet’nat plutôt que le crémant d’Alsace, parce que c’est plus simple pour moi : je n’ai pas de cahier des charges à respecter et cela ne nécessite pas trop de place pour le vieillissement et le stockage », indique le vigneron qui apprécie cet espace de liberté. Après un pressurage très doux, la fermentation est stoppée aux alentours de 1000 à 1002 de densité. Pour éviter les lies grossières, la mise en bouteille est effectuée après une nuit de décantation.

Avec son étiquette dessinée par une artiste, la bouteille est originale mais reste modeste côté coût : bouchage par une capsule couronne plutôt que par du liège, bouteille plus légère pour le millésime 2022, aussi solide mais moins coûteuse de 10 c/col environ. « Je vends chez des cavistes, des restaurants, voire, des restaurants étoilés, et personne ne m’a jamais fait de remarque à ce sujet », souligne Régis Bard, qui commercialise 95 % de ses vins en B to B, notamment à l’export. D’après lui, ces vins correspondent à la nouvelle génération de sommeliers.

Quant au nom de la cuvée, « cosmic girl », « je voulais me démarquer un peu par rapport aux noms plus traditionnels et c’est une  chanson de Jamiroquai que j’apprécie », indique Régis Bard, qui a ainsi souhaité rendre hommage à sa fille. Commercialisée 16 € la bouteille, cette cuvée séduit avant tout un public de jeunes, « de l’étudiant jusqu’au cadre supérieur, qui veulent boire une bouteille pas trop chère, grignoter un peu et faire une petite fête sans se prendre la tête ».

« Un monde qui ne fait que naître »

« Les pet’ nat vont se développer, estime de son côté Antoine Arraou, vigneron du Château Lafitte, en Jurançon, car ils sont consommés aussi librement qu’ils sont produits », résume-t-il. Titillé par l’envie de vinifier un effervescent suite à sa formation en Catalogne, le terroir des cavas, Antoine Arraou propose un pet’nat 100 % gros manseng depuis 2017, cuvée Funambule. Il vient d’ajouter à sa gamme une cuvée pet’nat rosée à base de tannat, un cépage qui produit habituellement des rouges très tanniques, d’où le nom de la cuvée « (R)osé ».

Ces deux cuvées, iss

ues de raisins cultivés en biodynamie, sont commercialisées à 26 € prix public... et « partent en quelques semaines ». Restaurants, cavistes, particuliers, importateurs, il n’y a pas de profil particulier d’amateurs de pet’ nat parmi les clients du château. Mais plutôt des consommateurs en attente de modes de consommation plus détendus, avec moins de rituel que lors de l’ouverture d’un champagne, par exemple. « Je pense que mes clients recherchent de la fraîcheur, le fruit, la légèreté, le côté festif », analyse le vigneron.

D’après son expérience, dans les pays étrangers notamment, les boissons fermentées naturellement à base de raisin, d’autres fruits ou même de végétaux sont un monde qui ne fait que naître… mais qui nécessite une grande rigueur de la part des producteurs. « Il est très délicat d’obtenir une belle bulle, explique-t-il. D’autant que la vinification étant pratiquement sans intrant, nous n’avons que peu de leviers à notre disposition, à part la température. Il faut être rigoureux et hygiéniste pour éviter les déviations. »

Antoine Arraou cherche à obtenir des pet’ nat particulièrement secs, adaptés à l’accompagnement de tout le repas, de l’apéritif au dessert. Pour cela, « nous effectuons un travail d’élevage suffisamment long pour que les levures puissent bien terminer les sucres », indique-t-il. Après neuf mois sur pupitres, le dégorgement se fait à la volée. « Mes premiers pet’nat n’étaient pas dégorgés, mais j’ai fait un essai que j’ai trouvé concluant pour la finesse de la bulle et l’élégance du vin. Depuis, c’est devenu une exigence personnelle. »

Un livre de cocktails

L’envie de vinifier un effervescent était présente de longue date chez Jean-Pierre Py, du Domaine Py à Douzens (Aude). Après une première cuvée sans sulfites ajoutés en 2016, le premier pet’ nat a vu le jour en 2021. « L’idée d’arrêter la fermentation à 18 g de sucres et de laisser terminer le travail en bouteille me plaisait », résume Jean-Pierre Py, pour qui l’assemblage sauvignon blanc-colombard a répondu aux objectifs en termes de finesse de bulle et de goût. L’essai a donc été reconduit pour le millésime 2022. 15 000 bouteilles ont été produites chaque année. Un petit volume comparé à la production des 130 ha de vignes en viticulture biologique et biodynamie. Mais une manière de se démarquer, de proposer aux consommateurs « une étiquette sympa ».

La cuvée « Pet Nat by Py » est commercialisée en vin de France au prix de 12 € TTC. « Pour l’instant, je vends 80 % de cette cuvée à l’export, au Japon et en Norvège », indique le vigneron audois qui a remporté un appel d’offre du monopole norvégien grâce à son pet’nat. « Nous savions que ce serait plus compliqué au niveau local, car ici, les consommateurs sont habitués à la blanquette de limoux ou au champagne, en matière d’effervescents. Or notre pet’ nat est un vin qui peut se boire à l’apéritif, comme avec le dessert. Nous avons un gros travail d’explication à faire auprès des cavistes pour qu’ils puissent, à leur tour, expliquer le produit aux consommateurs. Mais la tendance commence à prendre dans les grandes villes, comme Toulouse ou Paris. »

Convaincu que le pet’ nat a un avenir dans notre pays, Jean-Pierre Py est en train de préparer un livre de recettes avec un spécialiste des cocktails. « J’aime bien le mélange des goûts et cela ouvre des possibilités auprès de clients qui n’apprécierait pas le pet’ nat seul. » Parmi ses idées : une association avec la Suze. L’idée est d’accompagner ce vin qui ne rentre pas dans les catégories établies et proposer de nouvelles associations aux consommateurs. « Nous sommes encore un peu accrochés aux catégories, en France, mais le pet’ nat peut se développer et nous allons essayer à notre niveau », résume Jean-Pierre Py.

D’où vient le pet’ nat ?
Le pet’ nat, ou pétillant naturel, est un complément logique au mouvement des vins naturels tranquilles, porté par des producteurs désireux d’intervenir le moins possible en vinification. Côté consommateurs, le coup d’envoi de la tendance mondiale est daté de 2012, avec la première pet’ nat week à New-York. Séduits par son côté « fun, funky and fresh », une partie des jeunes a adopté ce vin sans cahier des charges et sans prétention. Le pet'nat bénéficie sans doute de l'engouement croissant pour les vins effervescents

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