La viticulture régénérative comme modèle bas carbone dans le vignoble Torres

Miguel Torres Maczassek est le directeur général et le représentant de la 5e génération de la famille vigneronne Torres. Le groupe est membre fondateur de l’association espagnole Viticultura Regenerativa. Photo : Familia Torres

Pour atténuer le changement climatique et ses effets, la famille Torres convertit son vignoble catalan à la viticulture régénérative. Les pratiques changent pour séquestrer un maximum de carbone dans le sol et la vigne sort d'un système monocultural. Miguel Torres Maczassek, directeur général du groupe Torres, détaille cette conversion avant-gardiste. 

11% des bénéfices annuels de Torres sont consacrés à des actions d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. Quels sont les changements depuis cette prise de décision ?

Photo : Jordi Elias
Miguel Torres Maczassek: Entre 2008 et 2020, nous nous sommes fixé pour objectif de réduire de 30% nos émissions de CO2 par bouteille dans toute sa portée, c’est-à-dire du vignoble au consommateur.

Pour y arriver, nous avons entrepris de diminuer notre consommation d’électricité avec des mesures d’efficacité énergétique ou encore de réduire le poids des bouteilles. Nous avons atteint notre objectif un an à l’avance, parvenant à obtenir en 2020 une réduction de 34% des émissions de CO2 par bouteille. Maintenant, notre but est d’atteindre une réduction de 60% d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2050.

Le changement climatique nous a aussi poussés à nous interroger sur la meilleure façon de gérer les vignobles face à ce grand défi. Nos vignes étaient, par exemple, exposées à l’érosion. Nous avons vu que ni la viticulture biologique que nous pratiquons ni d’autres modèles de gestion ne faisaient directement référence ou n’avaient d’objectifs clairs en matière de cycle du carbone et sur la façon de le fixer dans le sol.

Or, il est évident que la dégradation des sols viticoles dans le monde entier au cours de décennies d’utilisation intensive a entraîné une diminution de leur capacité à y accueillir la vie, en particulier la vie microbienne, de sorte qu’ils ne contribuent plus beaucoup à la séquestration du carbone. Des solutions sont également nécessaires pour retarder la maturation des raisins, faire face aux sécheresses et prévenir l’érosion.

Pour cette raison, nous avons décidé d’aller plus loin et de parier sur la viticulture régénératrice. D’ici cinq ans, nous souhaitons convertir plus de 500 ha à ce modèle holistique. Nous espérons que cette conversion nous permettra de réduire durablement notre empreinte carbone de 3 à 5%.

Pouvez-vous expliquer quelle fome prend la viticulture régénérative dans les vignobles Torres?

Photo : Jordi Elias
M.T.M. : La viticulture régénérative vise à créer de la vie dans les sols pour augmenter leur capacité à séquestrer le CO2 atmosphérique et à le fixer. En conséquence, ce système permet également aux vignobles de retenir l’eau, de retarder la maturation des raisins et de prévenir l’érosion. Ce n’est pas un processus immédiat, c’est un long parcours d’apprentissage qui peut prendre entre quatre et dix ans dans un climat méditerranéen avant de consolider les résultats, mais lorsque vous atteignez ce point, les avantages sont évidents.

Dans ce processus, nous commençons par élever le taux de matière organique, avec des apports de compost, des couverts végétaux spontanés et également semés avec une combinaison d’espèces. Les enherbements sont maintenus le plus longtemps possible en fonction de la climatologie de l’année. Grâce à la photosynthèse, les plantes absorbent le CO2 et stockent du carbone dans leurs feuilles et leurs racines, puis elles le restituent au sol.

Couverts semés ou naturels ?

M.T.M. : Les deux ! La solution la plus naturelle est celle des couverts spontanés. Mais leur croissance est souvent faible sur des sols qui ne sont pas encore assez régénérés. Les couverts semés nous aident à accélérer le processus. Une fois le sol régénéré, nous pouvons repartir sur des couverts spontanés.

Cette transition régénératrice demande-t-elle des investissements particuliers ?

M.T.M. : Côté agroéquipement, il a fallu acheter des semoirs bien sûr, des tondeuses, des rouleaux permettant d’écraser les couverts quand ils deviennent trop concurrentiels, tout en maintenant leur fonction de paillage et d’ombrage du sol. Ce couvert représente aussi un apport de sucres qui sera consommé par les micro-organismes du sol lors de sa décomposition. 

Nous avons aussi un décompacteur qui fissure la terre sans la bouger. Le sol est soulevé légèrement, en maintenant les résidus de couverts à la surface.

Quid de la place des animaux dans la viticulture régénérative ?

M.T.M. : Les moutons et autres animaux font partie des « outils » de l’agriculture régénérative. Nous avons notre propre troupeau. Les animaux paissent une fois les raisins récoltés et jusqu’à ce que la vigne débourre. Des « masques » sur le museau des moutons permettraient de les laisser plus longtemps dans les vignes. Nous étudions ce dispositif.

L’introduction des moutons dans les vignes nécessite une très bonne planification pour éviter le surpâturage et des excréments excessifs dans les parcelles. Si la gestion est bonne, le troupeau peut même participer à améliorer la croissance des couverts végétaux au printemps. Enherbement et moutons sont compatibles, tant que les animaux sont dans les vignes au bon moment et en nombre correct.

En juin 2021, la famille Torres a organisé un symposium international sur la viticulture régénérative. Pourquoi cette initiative ?

M.T.M. : L’objectif était de faire connaître l’agriculture régénératrice, un modèle alternatif de gestion du vignoble qui récupère la vie dans les sols et contribue à atténuer la crise climatique. Allan Savory, Darren Doherty et des viticulteurs ont aussi partagé leurs expériences.

Parfois, vous devez désapprendre à réapprendre. Entendre de premières mains, les explications de personnes engagées dans la viticulture régénératrice, non seulement ici mais dans d’autres parties du monde, a été très positif et aidera certainement les gens à en prendre conscience.En fin de compte, la viticulture régénérative donne une vision holistique et un moyen de restaurer les cycles biologiques naturels, en augmentant les ressources naturelles au lieu de les épuiser. Chaque parcelle est conçue comme un écosystème, avec une série d’actions pour améliorer le sol du vignoble, le vignoble lui-même et son environnement.

Article paru dans Viti Leaders de mai 2022

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