Récupérer le CO2 issu de la fermentation des vins pour espérer le revendre

Avec son procédé Valecarb, Alcion Environnement (filiale de Sede Veolia) propose de recycler le CO2 issu des fermentations alcooliques en bicarbonate de sodium ou de potassium. Si peu de chais en sont aujourd’hui équipés, l’enjeu est de trouver des débouchés rémunérateurs aux coproduits afin de séduire davantage de vignerons.

Proposer des techniques de valorisation et de recyclage des effluents industriels : voici le cœur de métier de l’entreprise Alcion Environnement, fondée en 2001 par Jean-Philippe Ricard. En 2013, l’entreprise se lance dans la mise au point d’un procédé baptisé « Valecarb » permettant de valoriser le CO2 issu des fermentations de moûts dans les chais. Trois domaines bordelais, et non des moindres, en sont aujourd’hui équipés : Smith-Haut-Lafitte (2013), Montrose (2018) et Latour (2019). Reprise en 2016 par la société Sede Environnement (groupe Veolia), Alcion poursuit l’optimisation de son procédé pour le rendre plus efficient.

Le bicarbonate de potassium ou de sodium peut trouver ses débouchés en cosmétique , pharmacie, agriculture et bien d’autres domaines. Photo : Château Montrose

« Le CO2 gazeux issu des fermentations est capté par un système de tuyauterie pour être amené à réagir avec du carbonate de sodium ou de potassium, afin d’obtenir du bicarbonate de sodium ou de potassium. Le taux de captation du CO2, de 30 à 50 % au départ, est passé à 70 %, voire à 80 % », précise Jean-­Philippe Ricard. Pour 1 000 hl de vin et 80 % de captage, vous obtenez ainsi de 8 à 10 t de CO2 et une production de 12 à 18 t de bicarbonate de soude.

Achat ou location

Les équipements sont proposés à l’achat ou à la location le temps des fermentations dans les chais. Comptez au moins 100 000 euros pour équiper un chai de 2 000 hl de capacité, et entre 120 000 euros et 200 000 euros pour des caves plus importantes. Pour des locations au mois, prévoyez 30 000 euros. « Nous visons les caves produisant entre 1 000 hl et 10 000 hl de vin », précise le fondateur d’Alcion.

Le procédé Valecarb propose plusieurs intérêts : sécuriser l’atmosphère des chais pour les travailleurs en évacuant le dioxyde de carbone ; réduire l’empreinte carbone viticole ; et enfin espérer trouver une nouvelle source de revenus, par la vente d’un coproduit du vin qu’est le bicarbonate.

« Si l’on capte tout le CO2 émis par les caves dans le bordelais, on atteint déjà 30 % des objectifs fixés par l’interprofession dans son plan Climat », Jean-Philippe Ricard, Alcion.

Avec la production d’un bicarbonate « de qualité, tracé et d’origine végétale », Jean-Philippe Ricard espère trouver des débouchés rémunérateurs. « Le bicarbonate humide peut être employé en traitement de l’eau, mais nous travaillons pour le moment sur le séchage du produit, notamment pour des usages en agroalimentaire. » D’autres filières pourraient aussi être intéressées : cosmétique, pharmacie, détergents, agriculture (production de spiruline)…

Débouchés en viticulture

Le bicarbonate de sodium pourrait aussi trouver un intérêt comme antimildiou, mais pas en viticulture (tomates), ainsi que comme désherbant naturel (inscrit sur la liste des substances de base bio).

« Si l’on captait tout le CO2 émis par les caves dans le bordelais, on atteindrait 30 % de l’objectif de réduction d’émission de carbone fixé  par l’interprofession dans son plan Climat », chiffre Jean-Philippe Ricard. Reste à confirmer les débouchés d’intérêt, et à construire une filière suffisamment importante de production de bicarbonate d’origine viticole pour séduire les industriels. « Outre des prix d’achat rémunérateurs, il nous faut aussi accroître le taux de captation afin d’assurer la rentabilité des investissements pour les domaines. D’où le projet, à Montrose, de captation de 100 % du CO2. Le retour sur investissement sur cinq à dix ans pourrait alors être réduit », conclut Jean-Philippe Ricard.

Château Montrose
Objectif : 100% du CO2 recyclé

Le Château Montrose espère recycler 100 % du CO2  de ses fermentations dans les prochaines années. Photo : Château Montrose

Avec l’installation du procédé Valecarb en 2019, le Château Montrose avait produit 15 t de bicarbonate de sodium et de potassium. « Cela représentait 20 à 30 % du CO2 émis », estime Vincent Decup, directeur chai et R&D. Pour 2020, le Château Montrose souhaite capter et recycler 100 % de son CO2,
grâce à une station pilote de captation du gaz en continu à la sortie des cuves, développée par Alcion. La production de bicarbonate de potassium pourrait alors atteindre 40 t, renforçant ainsi la position de Montrose comme première propriété viticole au monde à produire du bicarbonate en masse issu des fermentations alcooliques. « Nous essuyons les plâtres, reconnaît Vincent Decup. Mais l’enjeu du CO2 est de plus en plus important, tant pour la sécurité de nos salariés, que dans une démarche de protection de notre environnement. »
Si le château privilégie la production de bicarbonate de potassium, c’est pour sa valeur trois fois supérieure à celle du bicarbonate de sodium sur le marché. « Nous avons développé un détergent pour le chai, pour 2 t de produit par an. Nous allons donc dans un premier temps constituer des stocks, afin ensuite de pouvoir démarcher des industriels avec des volumes suffisants. Quand le marché du bicarbonate d’origine viticole sera établi, d’autres domaines nous emboîteront probablement le pas », projette Vincent Decup.

Article paru dans Viti 456 de novembre-décembre 2020

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