En arrivant comme apprentie en 2015 au domaine Calon Ségur dans le Médoc, Lisa Gustafsson avait une mission bien précise : développer la viticulture de précision. Aujourd’hui responsable des vignobles dans ce troisième grand cru classé : elle revient sur cinq années riches en expérience, où précision et traçabilité sont les maîtres mots.
«Pouvoir intervenir de manière très précise, dans des parcelles à problèmes, tout en essayant de ne pas perturber l’équilibre du reste de la parcelle », tel était le postulat de base à l’arrivée de Lisa Gustafsson au poste de responsable des innovations technologiques à l’époque. Pour cela, la première étape a été de s’inspirer de ce qui se faisait en grandes cultures à ce moment-là. « Nous avons démarré avec l’épandage d’engrais assisté par GPS. Pour cela, nous sommes allés chercher des outils qui fonctionnaient déjà en grandes cultures, que l’on a adaptés à la viticulture, se souvient Lisa Gustafsson. Nous avons investi dans un épandeur Kuhn Axis 40.2, que nous avons monté sur un enjambeur. La plus grosse problématique a été d’adapter les contraintes physiques de la vigne à ce type d’épandage. En effet, la vigne est une culture pérenne et palissée, donc en 3 dimensions. Alors que les outils à l’époque étaient conçus pour un épandage “à plat”, à 50 cm du sol. Nous, nous passions à 2 mètres du sol, avec un décalage de l’application à l’arrière plus important et des rebonds à gérer sur les vignes. Bref, nous avons dû nous adapter à toutes les problématiques propres à la viticulture. »
L’analyse des données : une étape primordiale
Mais pour pouvoir faire de l’épandage assisté par GPS, il faut être en mesure d’avoir une carte de modulation à intégrer dans la console. « Pour cela, nous utilisons des capteurs géolocalisés, pour trouver des règles de décision pour pouvoir moduler l’engrais correctement. Tout cela a été un gros travail de prises de données dans un premier temps, mais surtout d’analyses de données ensuite, pour pouvoir retranscrire des règles d’épandage réellement appropriées à la vigne. La première année, en plus de l’achat de l’épandeur Kuhn, nous avons d’abord investi dans une console Trimble. Dans un premier temps, l’acquisition de données NDVI s’est faite en prestation, sur des parcelles tests. »
Le test ayant été concluant, le domaine Calon Ségur vient, cette année, d’équiper son quatrième enjambeur d’une console de guidage. Et le travail ne se fait plus seulement sur l’épandage d’engrais, mais également sur l’épandage de produits phytosanitaires. « Nous travaillons sur la diminution de l’utilisation des produits phyto, explique Lisa Gustafsson. Pour y parvenir, la première étape a été de travailler sur la gestion des tronçons. Dès la première année, nous avons réussi à économiser 15 % de produits phytosanitaires sur l’ensemble du vignoble. Pour y parvenir, nous avons travaillé sur les contours réels de la parcelle. Grâce à notre GPS piéton RTK, nous savons avec précision où se situe le dernier pied de chaque rang qu’il faut traiter. Contrairement à la vanne générale qui coupait les sept rangs en même temps, désormais chaque tronçon se coupe automatiquement dès que le dernier pied a été traité. »
Des chauffeurs demandeurs de solutions de guidage
Ce GPS piéton justement permet d’aller beaucoup plus loin dans la gestion du vignoble. « En effet, il nous permet de faire de l’acquisition de données de façon très précise. Nous pouvons localiser sur le GPS piéton un pied malade, un pied manquant ou toutes autres observations faites en passant dans les vignes. De même, il nous permet également, en mettant des fonds de cartes spécifiques, de venir déguster certaines baies, en étudiant différents paramètres. »
Au niveau des chauffeurs, le passage à la viticulture de précision a été bénéfique pour tous : « Nos huit chauffeurs ont été formés à l’utilisation des outils de géolocalisation. Et ils sont même devenus demandeurs de nouveaux équipements, de manière à faciliter leur travail au quotidien. Nous sommes donc gagnants en précision, en qualité de travail, et tout ça en réalisant des économies d’intrants, que ce soit des amendements organiques, des engrais chimiques mais également des produits phytosanitaires ! »
De la vigne à la bouteille
Dans la vigne, la viticulture de précision est déjà bien présente. Mais le domaine Calon Ségur a voulu aller plus loin, en adaptant ce système à la vinification. « Tout le travail qui est fait à la vigne sur des aspects technologiques est également fait pour la partie vinification, jusqu’à la mise en bouteille, explique Lisa Gustafsson. L’aspect progression grâce aux nouvelles technologies nous intéresse vraiment à Calon Ségur. Dès 2016, nous avons ajouté un système de traçabilité aux cuviers, pour ne pas perdre les informations de traçabilité que nous avons initiées au vignoble. Il ne faut pas perdre d’informations en cours de route. Aux cuviers, nous avons fiabilisé les process grâce à la technologie. Pour cela, nous avons mis en place un système de code-barres, que l’on vient scanner, et qui permet de voir si l’on peut mélanger deux cuves par exemple, ou si l’on peut ajouter la benne de raisin que l’on vient de vendanger dans telle ou telle cuve. Depuis cette année, nous allons encore plus loin, puisque l’on rajoute à la mise en bouteille des systèmes de QR Code et de DataMatrix. Ainsi, peu importe le lieu dans le monde où le vin sera dégusté, le client pourra suivre l’ensemble des process que nous avons mis en place à Calon Ségur. C’est aussi un gage de sécurité pour nos clients, car les colis ou les caisses de vin qui partiront de la cave auront tous un QR Code ou DataMatrix, ainsi les contrefaçons pourront être détectées. »
Une captation de données faites pendant les rognages
Depuis 2015, le domaine Calon Ségur couple les opérations de rognage à une acquisition NDVI. « Nous nous sommes équipés de deux têtes de capteurs GreenSeeker en interne,
La technologie ne remplace pas l’homme
Grâce à leur GPS piéton, précis au centimètre près,
le domaine Calon Ségur peut réaliser des observations pied par pied. « Nous réalisons différentes acquisitions de données tout au long de l’année. L’idée est de réaliser de l’acquisition NDVI grâce à nos capteurs Greenseeker dans lesquels nous avons investi. Mais il faut compléter ces données brutes avec des analyses faites manuellement dans nos vignes, que ce soit des analyses pétiolaires, des analyses de sol… Nous faisons toujours appel à un ingénieur agronome qui fait des analyses piétonnes de carence et de maladie. La technologie ne remplace pas cela. Mais il faut plutôt corréler l’ensemble des informations, pour piloter les apports au plus près des besoins réels de la vigne. »
Rendez-vous le 15 octobre à 11h avec « Viti » et Trimble
Le 15 octobre prochain, à 11h, votre magazine Viti, en collaboration avec Trimble, organise un Webinaire. Le thème ? « L’agriculture de précision au service de la viticulture ». Si l’agriculture de précision vous intéresse, mais que vous ne savez pas trop par où commencer, Damien Bibens, spécialiste viticulture pour la société Vantage Atlantique-Méditerranée vous guidera et répondra à toutes vos questions, pendant une heure. N’oubliez pas de vous inscrire !
Article paru dans Viti 455 d'octobre 2020
