Covid-19 : le nouveau fléau des bordeaux

Les mauvaises nouvelles semblent décidément s’accumuler et le sort s’acharner sur le monde du vin, et notamment sur les bordeaux. Après les accidents climatiques de ces dernières années, le "bordeaux bashing", les troubles à Hong Kong et les taxes Trump, voilà Bordeaux frappé de plein fouet par le Covid-19. Tour d’horizon des impacts et des possibles conséquences.

 

Des hommes avant tout 

 

Masques, gel hydroalcoolique, télétravail, chômage partiel, tâches reportées et désinfection des outils partagés ont donc fait, comme partout ailleurs, une entrée en force dans le quotidien des 6 000 viticulteurs et des 300 négociants bordelais.

 

Si beaucoup d’opérateurs reconnaissent qu’il a été relativement facile de mettre en place les protections indispensables à la vigne comme au chai et de respecter les gestes barrière, en particulier dans le maitien des distances suffisantes entre salariés, les difficultés sont souvent ailleurs.

 

Alors la vigne se « déconfine » de son repos hivernal et qu’il va falloir être très présent dans les parcelles dans les semaines à venir pour gérer l’herbe et les premiers traitements (S.Favre)

Alors que la vigne se « déconfine » de son repos hivernal et qu’il va falloir être très présent dans les parcelles dans les semaines à venir pour gérer l’herbe et les premiers traitements, beaucoup doivent faire sans 5 à 10% de salariés, absents pour cause de maladie ou de garde d’enfant. Il faut donc s’organiser avec moins de personnel et ce d’autant plus que les prestataires et les entreprises d’intérim ont les mêmes problèmes.

Difficile, en effet, de recruter, si la main-d’œuvre française ou étrangère ne peut se déplacer, et ce d’autant plus que la viticulture entre en concurrence avec d’autres secteurs agricoles, comme le maraîchage, où le phénomène est déjà aigu et où la production n’attend pas !

 

L’autre principal maillon faible du côté de la production semble être une tension sur certains approvisionnements comme les matières sèches (étiquettes, cartons) ou sur la logistique et le transport. Pas simple de trouver un camion pour livrer, alors même qu’il est déjà difficile de vendre en temps de confinement !

 

Un accélérateur de crise et des drames humains ?

 

Si la situation semble globalement maîtrisable et maîtrisée en matière de gestion technique, la

Face à ses situations de trésorerie tendues, la priorité ira à la survie de l’entreprise, et le COVID-19 pourrait ainsi ralentir la mise en place des pratiques environnementales
véritable question est de savoir si les entreprises, les plus petites et les plus fragiles, auront la trésorerie nécessaire pour tenir ! Les charges à assumer seront les mêmes (voire plus élevées avec les tensions sur la main-d’œuvre) mais le vin ne se vend plus ! Et avec plusieurs semaines de non-vente, l’impact pourrait être sévère à Bordeaux lorsque la récolte 2020 arrivera et que le 2019 ne sera probablement pas vendu.

 

Face à ses situations de trésorerie tendues, la priorité ira à la survie de l’entreprise, et le Covid-19 pourrait ainsi ralentir la mise en place des pratiques environnementales (alternatives au désherbage chimique, biocontrôle, achat de matériel de pulvérisation réduisant la dérive…).

 

Un dry confinement ?

 

Alors que le consommateur a plus de temps pour boire et pour cuisiner, il n’a que peu d’intérêt pour le vin, produit de partage et de plaisir à plusieurs par excellence. La tête n’y est pas !

Les temps ne sont clairement pas aux achats de vin mais aux produits refuge ! L’alcool fait partie des cinq catégories de produits les moins achetées depuis le début de la crise sanitaire (étude consommateurs Kantar, mars 2020). La consommation de vin affiche une baisse très importante (- 30 à - 50 % selon les sources).

 

la consommation de vin affiche une baisse très importante

Le principal atout du bordeaux, très majoritairement rouge, par rapport à d’autres productions agricoles, est qu’il est peu périssable et qu’il est possible de différer sa commercialisation de quelques semaines, voire de quelques mois. Mais ce qui n’est pas bu actuellement ne le sera pas à la sortie du confinement. Il n’y aura pas de rattrapage de consommation. Les consommateurs ne boiront pas plus dans quelques mois, peut-être même moins.

 

Certains débouchés capitaux pour Bordeaux ont totalement disparu en quelques jours. Fini les CHR, l’œnotourisme, les marchés, les primeurs… Les principaux Salons (VIF, ProWein…) reportés… Des foires aux vins de printemps a minima… Mais aussi des frontières fermées à l’export, la GD et la vente à distance semblant rester comme les seules en course pour rapprocher le vin du consommateur.

 

La perception de la crise reste cependant très différente selon les marchés et les opérateurs. Jean-Baptiste Soula, directeur de Vineam, un de plus gros opérateurs en vin bio de Bordeaux (170 ha et 1,5 M de bouteilles), estime que le marché de la GD ne faiblit pas, bien au contraire. Les chiffres pourraient équivalents à ceux d'un printemps "normal", voire supérieurs !

Au contraire, certaines petites maisons de négoce, essentiellement tournées vers la vente au particulier, ont préféré baisser le rideau temporairement et certains cavistes et certains restaurants ne se relèveront probablement pas de la pandémie. C’est donc tout le système de distribution des bordeaux qui se trouvera durablement impacté.

 

Un mal pour un bien ?

 

Alors que tous les voyants commerciaux semblent au rouge, la pandémie rend aussi imaginatif. Dos au mur, les Bordelais multiplient les initiatives commerciales. Ventes en ligne, livraisons à domicile, drive fermier, click and collect, primeurs en ligne et cuvées spéciales fleurissent. Ainsi, par exemple la Région, à travers l'Agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine, propose une plateforme solidaire de vente à distance, fédérant déjà plusieurs dizaines de producteurs en recherche de débouchés (clientèle particulière ou détaillants).

 

Dos au mur, les Bordelais multiplient les initiatives commerciales

Si ces innovations ne compenseront que partiellement le manque à gagner, elles peuvent permettre, en réponse au bordeaux bashing, de regagner le cœur des Français en rapprochant producteurs et consommateurs.

 

Contrainte et forcée, la filière a finalement peut-être une occasion rêvée pour une réflexion globale sur l’image, sur le mode de commercialisation des vins de Bordeaux et sur l’avenir des primeurs dans la forme actuelle.

 

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