La tonnellerie pas (encore ?) impactée par le changement climatique

Dans un contexte difficile, le secteur de la tonnellerie conserve une activité soutenue. Jean-Luc Sylvain, président de la Fédération des tonneliers de France, livre son analyse.

Comment se porte la tonnellerie française actuellement ?

Jean-Luc Sylvain  : Elle se porte bien, avec une activité soutenue. Nous avons connu plusieurs années de croissance et nous sommes maintenant sur de la stabilité, avec des marchés matures. C’est un métier en bonne santé : un petit fleuron de l’industrie française grâce à sa notoriété et à son exportation.

Quelles sont les évolutions majeures de ces dernières années sur l’activité de la tonnellerie ?

J.-L..  S. : Il n’y a pas d’évolution sur l’activité de la tonnellerie, nous sommes un secteur plutôt traditionnel. Comme nous évoluons dans le domaine de l’alimentaire et que nos principaux clients sont de grandes marques, très attentifs à la sécurité alimentaire, notre métier se tourne davantage vers des démarches qualitatives et sécuritaires que vers l’innovation.

Les chiffres de la tonnellerie 
• Production totale en 2018  : 670 000 unités, soit une progression de 2  % entre 2017 et 2018.
• Chiffre d’affaires  : 475,6 millions d’euros, soit une progression de 3,2  % entre 2017 et 2018.
• Nombre de fûts vendus en France  : 222 530, soit une progression de 7  % entre 2017 et 2018.
• Part de l’export dans l’activité globale  : 68  % en volume et 70  % en valeur.

D’où provient la majeure partie des bois utilisés dans la tonnellerie française ?

J.-L..  S. : De France, avec une petite part d’importation des pays de l’est de l’Europe. On produit des chênes issus de deux variétés botaniques : le chêne sessile et le chêne pédonculé. 70 % des apports proviennent des forêts domaniales, gérées par l’Organisme national des forêts (ONF), et 30 % des forêts privées. Dans notre métier, on travaille sur des goûts. Un chêne qui pousse sur du sable, de la grave, orienté nord, ou plus au sud, va avoir, pour une même variété, un goût différent. Donc le même chêne en France ou dans un autre pays, n’aura pas la même saveur, cela vient de son sous-sol et de son climat.

Quelle est la durée de vie d’un chêne destiné à la tonnellerie ?

J.-L..  S. : Le cycle de vie d’un chêne est de 200 ans. Il va grandir, grossir et rester exploitable jusqu’à atteindre cet âge. Au-delà, il commence à dépérir. Dans le Code forestier, qui date de Colbert, « l’arbre est mûr et il doit être récolté ». Certains chênes peuvent vivre jusqu’à 300 ans, mais ils sont très rares. Nous commençons à utiliser les chênes à partir de 100 ou 150 ans pour la tonnellerie. Avant, ils ne sont pas assez grands pour en faire des barriques. Les arbres jeunes ont plus de présence aromatique et de fougue. Un chêne de 200 ans est plus dans la finesse et l’élégance.

Jean-Luc Sylvain,  président de la Fédération  des tonneliers de France,  ne constate aucun impact  du changement climatique  sur la tonnellerie,  qui se porte très bien. Photo : Jean-Luc Sylvain.
Y a-t-il un impact du changement climatique sur la production de bois et sur l’activité de la tonnellerie ?

J.-L..  S. : Des études sont en cours, notamment pour s’intéresser à des variétés de chêne plus résistantes à la sécheresse. Bien que le chêne soit déjà une espèce robuste. Dans la gestion des forêts françaises, il se reproduit par régénération naturelle, c’est-à-dire que l’homme laisse un arbre à un endroit, ensemencé naturellement par la suite. Par sélection naturelle, ceux qui vont pousser seront les plus résistants et les moins sensibles aux agressions du temps et à celles des maladies. Il y a sûrement un impact de l’évolution climatique sur la forêt quand on voit toutes les conséquences sur la terre, mais en France, et qui plus est, à l’échelle du temps qui est celui du chêne, on n’observe pas de changement.

Y a-t-il eu une modification de répartition entre les deux espèces ?

J.-L..  S.  : Dans le passé, le chêne sessile était d’origine atlantique alors que le chêne pédonculé était plutôt présent vers l’Oural. Ces deux variétés ont migré avec les siècles. En fonction du sous-sol, du climat ou de la température, alternativement, l’espèce pédonculée ou l’espèce sessile va plus facilement se développer : on n’intervient pas, c’est la nature qui décide.

Davantage de contenants de 300 et 500 litres
Max Gigandet, directeur général de la tonnellerie François Frères, s’intéresse de près aux adaptations induites par le changement climatique dans la filière vin, bien qu’il reconnaisse qu’une interprétation n’est pas toujours évidente.
« Dans un premier temps, le viticulteur s’adapte au changement climatique, en modifiant son itinéraire cultural. Nous, tonneliers, nous adaptons ensuite pour répondre à ces attentes du vigneron. Nous proposons, par exemple, de plus gros contenants, ou des types de chauffes différentes. » Max Gigandet note ainsi une demande plus importante ces dix dernières années, pour des volumes de 350 l ou 500 l. Mais il est compliqué d’en identifier la cause : « C’est une question de goût, avec un boisé plus en retrait. Mais aussi une certaine manière de préserver les vins, en développant un côté plus réducteur pour garder de la fraîcheur, liée à l’évolution d’un climat plus généreux. »
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Article paru dans Viti 450 d

e mars 2020

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