Commercialiser ses vins de façon écologique 

Favoriser l’environnement dans le travail des vignes et dans sa politique commerciale peut être en contradiction avec l’exportation lointaine au bilan carbone élevé. Mais c’est sans compter les transports en voilier. Zoom sur deux exemples de transporteurs et distributeurs qui offrent une alternative respectueuse de l’environnement.

«Notre cale est comme une cave flottante avec une isolation hyperdéveloppée et un système de stabilisation des palettes. Cela permet un contrôle de température et d’hygrométrie : la température restera stable pendant tout le transport, autour de 16 ou 17  °C. Il faut éviter les variations de température. Nous ferons deux voyages par an vers l’Amérique, un au printemps, en passant plus au sud, et un en automne, en passant plus au nord », explique Mathieu Riou, responsable vins et spiritueux chez Grains de Sail.

Antoine Arraou, Château Lafitte (Jurançon) : « Une ouverture au marché américain »
Pour les vignerons, l’opportunité de transporter les vins durablement peut changer la donne. « Nous sommes un domaine familial de 5  ha, en biodynamie. Nous sommes en faveur du respect social, j’emploie plus de monde qu’un domaine en conventionnel de la même taille. Toute cette dimension durable va au-delà d’un vin qui est bien fait, nous sommes dans des exigences personnelles. Même si nous travaillons avec une certification comme Demeter, nous voulons aller plus loin dans cette question de la pollution de nos transports. Le voilier nous a tout de suite intéressés », explique Antoine Arraou propriétaire du Château Lafitte, à Monein, dans le Sud-Ouest. Jusque-là l’export ne représentait que 15  % des ventes du Château Lafitte : en majorité vers l’Espagne, proche géographiquement, et en faible proportion vers les pays nordiques, concernés par les questions environnementales. « Le transport par Grain de Sail nous permettra de nous ouvrir au commerce outre-Atlantique. C’est une occasion de s’exporter sur ce marché, qui est intéressant car les Américains sont producteurs et amateurs, et ils ont une culture du vin », confie Antoine Arraou.

Créée en 2012 à Morlaix (29), l’entreprise est née sous l’impulsion de trois associés, François Liron, Jacques et Olivier Barreaux, soucieux des questions environnementales et issus des secteurs maritimes et éoliens off-shore. « L’entreprise a d’abord commercialisé du chocolat et du café avant de lancer la construction du cargo voilier. En 2016, nous avons créé une chocolaterie. Le chocolat représente 90 % de notre chiffre d’affaires pour l’instant. »

Aller vin–retour chocolat

Le voilier cargo en construction sera un écrin de 25  m de long et de 6  m de large. À l’aller, il acheminera les vins vers l’Ouest. Il peut recevoir 35 tonnes, soit 26 palettes. « Le bateau sort du chantier en février et le départ est fixé mi-mars depuis Morlaix, direction les États-Unis avec 18 000 cols de vins bio, biodynamiques et naturels. Nous nous occupons de tout : nous achetons directement aux vignerons sur leur propriété, nous stockons puis chargeons les produits. Une fois arrivés, nous déchargeons et nous vendons les vins. Je rencontre des vignerons de toute la France. La Bretagne n’est pas une terre viticole, elle n’est donc pas liée à une région. Pour le premier voyage, les vins seront issus de Champagne, de Bourgogne, de Provence, du Val de Loire, de la vallée du Rhône, et du Sud-Ouest. Ils sont au minimum bio, avec une majorité de biodynamie. Et pour le nature, nous limitons la quantité afin d’étudier son évolution pendant le trajet. Nous sommes distributeurs et nous avons aussi créé une gamme, avec un jeune négociant en Bourgogne qui vient de s’installer, de plusieurs cuvées en côtes-de-nuit et bourgogne. »

Construit en Bretagne, le deux-mâts en aluminium de 72 pieds naviguera avec un équipage de quatre marins à son bord. « Pour aller à New York, nous sommes dépendants de la météo, cela prendra entre deux semaines et un mois, et même chose pour revenir. S’il n’y a pas de vent, il faudra le chercher, attendre, on est à la merci de la nature. Cela peut aller plus vite ou plus lentement que prévu », explique avec sagesse Mathieu Riou. Au retour, le cargo voilier, qui sera baptisé Grain de Sail, passera par l’Amérique centrale pour ramener en France les matières premières destinées au chocolat.

Accord environnement & vin

Mathieu Riou gère  le sourcing  et la commercialisation  des vins bio et biodynamiques  aux États-Unis. Photo : DR
Le bilan carbone et le développement durable sont au cœur des préoccupations de Grain de Sail : transporter en respectant l’environnement, travailler avec des vignerons qui se lancent pour les soutenir. « J’ai envie de travailler avec la nouvelle vague de vignerons, je veux pouvoir suivre leur développement. » L’entreprise bretonne est durable dans la distribution également.

Grain de Sail effectue la commercialisation grâce à une licence de distribution qu’il loue à New York.

« Les nouveaux vignerons n’ont pas forcément de force commerciale. L’export est intéressant du point de vue financier pour la reconnaissance. Nous vendons aux cavistes, aux restaurateurs et aux détaillants à New York. Nous n’avons pas adopté une philosophie durable pour ensuite transporter les vins à des milliers de kilomètres aux États-Unis. Les revendeurs font ce qu’ils souhaitent, mais nous, nous voulons rester sur cet aspect local. »

Destinations futures

Le premier cargo voilier réalisé sur le chantier naval Alumarine (Couëron - 44) sera baptisé Grain de Sail.
Après les États-Unis, les projets de Grain de Sail s’orienteront vers l’Europe. « Nous avons la volonté de trouver de nouveaux marchés, notamment dans les pays scandinaves qui ont cette même sensibilité pour l’environnement. Et l’année prochaine, nous aurons un second bateau, plus grand, avec une capacité de charge de 100 tonnes. » Dans le futur proche, la compagnie bretonne envisage Boston comme étape, et à moyen terme, faire de l’Asie une de ses destinations.

Avec la même démarche, l’entreprise TOWT (Transoceanic wind transport) choisit également de nouvelles destinations. Cette jeune compagnie maritime utilisait jusque-là de magnifiques vieux gréements pour les destinations européennes, mais un voilier cargo est en projet. En vue, les destinations de New York/Canada, la Scandinavie et, ultérieurement, la Chine. Les deux entreprises partagent la même volonté de respecter l’environnement et d’acheminer des produits de la façon la plus responsable possible. Elles partagent aussi l’intelligence de communiquer sur cette démarche positive à plusieurs titres : pour l’environnement… et pour l’image de l’entreprise. Cet acheminement atypique et écologique est mis en valeur par les labels et l’explication sur le transport figurant sur les flacons. Un atout nature mais aussi marketing.

Trois questions à Diana Mesa, cogérante de TOWT
Le Greyhound appareillé par la compagnie TOWT amène d’Angleterre des bières jusqu’à Douarnenez et charge  sa cale de vins  et de cidres  au retour. Photo : Becky Treneer
L’entreprise TOWT a choisi de transporter des biens en voilier, et notamment des vins, pour différentes raisons : économiser les énergies fossiles, préserver le climat, créer une filière de transport transparente et redynamiser les voiles de travail.
Quelles sont les destinations que vos voiliers desservent ?
La Bretagne, la Grande-Bretagne et la Scandinavie pour le cabotage régional des vins provenant du Val de Loire et de Bordeaux. Le Portugal et Madère vers la France, pour le cabotage européen. Nous effectuons également des parcours transatlantiques qui permettent le vieillissement en mer. Le vin voyage d’un point A et revient à ce point A. Nous transportons aussi des passagers et du rhum des Antilles et de République dominicaine.
Combien de temps dure l’acheminement ?
Cela dépend de la route. Cinq jours environ de Bordeaux à Douarnenez. Deux semaines depuis Madère et jusqu’à l’Angleterre. Idéalement neuf mois pour les trajets à objectif de vieillissement.
Quel est le coût ?
Globalement 1  euro par tonne par mille nautique.

Article paru dans Viti 448 de janvier 2020

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