Comment conserver la typicité des vins rosés dans le futur ?

Récolter plus tôt permet bien de diminuer le degré alcoolique, mais cela modifie profondément le profil du vin, avec, à la dégustation, une perte de gras et d’intensité aromatique. © jeje / Adobe stock

Cet article de Viti Les Enjeux de mai 2019 vous est proposé gratuitement et dans son intégralité. Bonne lecture ! Pour vous abonner, RV sur notre e-kiosque.

 

Frais, fins, parfumés, de couleur claire… les vins rosés, tels que les consommateurs les apprécient aujourd’hui, pourraient bien être très différents demain sous l’impact du changement climatique. Les producteurs vont devoir s’adapter, selon Gilles Masson, directeur du Centre du rosé.

 

Le changement climatique impacte le profil des vins rosés: « L’acidité, et donc la fraîcheur, diminuent, le degré alcoolique augmente, tendant à produire des vins moins légers. La chaleur implique moins d’arômes, moins de fruité. Et globalement la teneur en polyphénols augmente, rendant plus délicate l’obtention de la couleur claire des rosés. Si on ne change rien aux pratiques actuelles, on risque de changer profondément l’ADN du vin rosé, mais aussi d’impacter sa diversité et la répartition actuelle des différents types de rosés présents dans le monde », a expliqué Gilles Masson, directeur du Centre du rosé, début 2019 lors des rencontres internationales du rosé organisées par le Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP) et le Centre du rosé. Gilles Masson appuie son propos sur l’étude de deux paramètres très importants dans l’identité et l’équilibre gustatif du rosé : le pH et le degré alcoolique.

« L’analyse de plus de 1 000 échantillons chaque année à travers le concours du Mondial du rosé, grâce à un partenariat que nous avons avec l’Union des œnologues de France, donne de précieux renseignements », signale-t-il.

 

Les futurs rosés français tels que les rosés argentins d’aujourd’hui

Actuellement, la cartographie des rosés montre des rosés du Luxembourg à faible pH et à faible degré alcoolique par exemple, ainsi que des rosés autrichiens à degré alcoolique modéré mais à fort pH.

« Avec le changement climatique, si on ne fait rien, on risque d’obtenir des rosés du Luxembourg qui vont ressembler aux rosés italiens actuels… Les rosés français pourraient s’apparenter aux rosés argentins… Quant aux rosés espagnols, ils pourraient évoluer vers un idéotype de rosé que l’on ne connaît pas encore, très alcoolique, mais avec peu d’acidité », estime-t-il.

Cette évolution toucherait évidemment les différents types de rosés français, modifiant les spécificités régionales actuelles : « Les rosés alsaciens pourraient ressembler aux rosés corses ; ceux du Val de Loire aux rosés du Bordelais », indique Gilles Masson.Pour conserver la typicité des rosés, il faut s’adapter, mais comment ? Quatre pistes sont possibles : modifier les zones de production, décaler les dates de récolte, adapter la vinification et le vignoble.

« Nous avons effectué des essais sur le décalage de la date de récolte. Le profil d’un rosé donné récolté le jour J à 13,5° a été comparé au profil de ce même rosé récolté quinze jours avant la date de récolte habituelle. Certes, le fait de récolter plus tôt permet bien de diminuer le degré alcoolique, qui n’est plus que de 12,5°, mais cela modifie profondément le profil du vin : il présente moins d’alcool et moins d’acidité, mais on note également une perte de gras et d’intensité aromatique. En finalité, à la dégustation, ce vin est moins apprécié. Il faut prendre en compte cette perte qualitative », explique-t-il.

 

Désalcoolisation et désucrage

Reste les deux autres pistes, à commencer par l’adaptation des méthodes de vinification. Il est possible de continuer de récolter à la date habituelle, mais en utilisant des techniques comme la désalcoolisation, qui permet de diminuer le degré alcoolique sans modifier le profil gustatif du vin. Le désucrage, qui enlève du sucre avant la fermentation, donne un résultat similaire.

« Désalcoolisation et désucrage fonctionnent, résume le directeur du Centre du rosé. Cependant, ces deux techniques ont l’inconvénient d’être coûteuses, et de faire perdre du volume (c’est le cas notamment du désucrage). »

Pour contrer la hausse de l’acidité sous l’influence du changement climatique, il est possible d’acidifier comme le permet la réglementation, soit par ajout d’acide organique, soit par électrodialyse au stade du moût comme au stade vin. Ces techniques sont efficaces et sont déjà utilisées par les vinificateurs partout dans le monde : « L’analyse des 8 768 échantillons de 43 pays, collectés dans le cadre du concours du mondial du rosé depuis quinze ans, montre une stabilité du rapport degré d’alcool/acidité, alors qu’il aurait dû augmenter. Néanmoins, même si ces techniques existent, il ne faut pas perdre de vue que le marché est en attente de solutions moins interventionnistes. Il est donc important de suivre en parallèle la piste de l’adaptation du vignoble, par l’encépagement et/ou par la conduite », conclut-il.

 

Cartographie des vins rosés dans le monde en 2018

 

Viti Les Enjeux mai 2019

 

Article paru dans Viti Les Enjeux de mai 2019

Œnologie

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15