Une cave 4.0 pour le leader français du vin bio

Les vignerons coopérateurs de la cave Héraclès se sont dotés d’un nouveau chai. Il concentre un grand nombre d’innovations, notamment dans l’automatisation et le contrôle des process.

Avec une production moyenne de 70 000 hl de vin dont 80 % en bio, la coopérative Héraclès est la plus importante cave bio de France. En huit ans, les surfaces de vignes bio sont passées de 20 à 80 % du vignoble exploité par les 68 adhérents. « Les conversions ont débuté sous l’impulsion de la société Perrier qui possède une source toute proche, se rappelle Jean-Fred Coste, l’actuel président de la cave située dans le Gard spécialisée dans le vin en vrac. En 1994, le groupe a mis en location des parcelles avec un bail environnemental AB. Les débuts n’ont pas été simples, mais il y a eu un effet boule de neige porté par les négociants avec qui nous travaillons. Depuis plusieurs années, la demande est croissante et les prix rémunérateurs. » Avec de nombreux signaux au vert, les adhérents sont eux aussi dans une dynamique de croissance. La bonne santé financière de la coop, la succession des plus de 50 ans anticipées pour 60 % des surfaces et les volumes de production en hausse… Les adhérents ont jugé le moment opportun pour construire un nouveau chai.

« Un bâtiment pionnier, une cave 4.0 »

« Un bâtiment pionnier, une cave 4.0 », voilà comment est présenté le site mis en service pour les vendanges 2018. « L’innovation est technologique, numérique, économique, et environnementale, détaille Jean-Fred Coste. Dans ce bâtiment éco-conçu, tout a été pensé pour optimiser les consommations d’eau et d’énergie. » Si la plupart des installations allant dans ce sens sont invisibles, certaines sautent aux yeux, comme l’architecture du bâtiment pensée pour laisser entrer la lumière naturelle mais pas la chaleur. « L’innovation est aussi sociale. Dans le nouvel outil de production, la sécurité des opérateurs est améliorée. Regardons par exemple les trois quais de réception qui permettent de recevoir jusqu’à 400 tonnes de raisin par jour. La cave a choisi des fosses basculantes Pera. Avec cet outil, lors du remplissage de la fosse, la vis sans fin ne se situe pas au fond mais sur le haut du conquêt. L’accumulation du CO2 est moins importante car les fosses sont peu profondes. C’est un progrès pour les salariés mais aussi pour le process d’élaboration des vins puisque ce système égoutte très bien les premiers jus. Pour la cave qui développe la production de blanc et de rosé, c’est intéressant. »
En 2018, seulement 35 % des volumes seront destinés à la vinification en rouge. « L’année dernière, ils représentaient encore 45 % des volumes. Le fait de nous spécialiser sur les deux autres couleurs est stratégique ; il y a moins de concurrence ! Nous développons aussi les compétences pour maîtriser la vinification sans sulfites. »
Pour ces produits, la gestion des températures est capitale. La coopérative s’est donc équipée d’un système de froid ambitieux mais économe.

Un décanteur centrifuge Foodec 600T d’Alfa Laval a été intégré au nouveau chai de la coopérative Héraclès. Cet équipement, qui fonctionne en continu, permet d’extraire une partie du jus contenu dans les baies de raisins. Photo : S.Favre/ATC/Héraclès

Qui peut le plus peut le moins… d’équipements

La société Cantié Process a été choisie pour installer les équipements de gestion de froid et de chaud. Le maître mot est bien sûr la sobriété énergétique et matérielle. « Pour réguler en température les 230 cuves de la cave, le site compte en tout trois groupes de froid, introduit Cyril Crassous. Chacun d’entre eux est relié à deux surpresseurs qui répartissent l’eau froide dans tout le site. Pour limiter la consommation électrique, une cascade de régulation a été mise en place, contrôlée par un automate placé sur l’un des groupes de froid. Il commande le deuxième en fonction des besoins, avec l’idée d’équilibrer les heures de fonctionnement des compresseurs. Aussi, nous avons mis en place des variateurs de fréquence sur l’ensemble des pompes installées. Ils permettent notamment de réduire la consommation d’énergie. Concernant l’installation hydraulique, nous sommes partis sur un collecteur unique distribuant toutes les cuves réfrigérées. » Sans faire un inventaire à la Prévert, notons aussi la présence de deux sondes thermiques sur l’intégralité des cuves équipées d’une ceinture de froid extérieure. L’une est placée en haut et l’autre en bas du contenant, la régulation des températures se fait en prenant en compte les indications de la sonde basse ou de la moyenne des deux. « C’est intéressant sur les cuves cigares où l’on peut avoir de grandes différences de température ».
À proximité du système de thermovinification, impossible de passer à côté de la tour de refroidissement à air Clauger. « Les raisins rouges sortant de la thermovinification ou les jus blancs ayant été traités par cracking sont refroidis dans la tour, par de l’air circulant à contre-courant. Les produits passent de 65 à 25 °C, si l’air extérieur est à 35 °C. Dans les années froides, de manière totalement passive, nous pourrons même descendre les jus à moins de 20 °C », argumente l’expert de Cantié Process.

Valoriser les mètres cubes

Le nouveau chai de la cave Héraclès est en rupture avec les chais classiques par de nombreux aspects. Le plus visible, pour quiconque entre dans le bâtiment, repose sur l’agencement des 230 cuves de conception française. « Tecinox a livré cent cuves thermorégulables dédiées à la vinification en phase liquide et au stockage. Disposées sur la circonférence d’un demi-cercle et en rayons, toutes les cuves font la même hauteur afin d’accéder aux cheminées par un réseau simplifié de passerelles assurant la sécurité des salariés. Cette hauteur est optimisée par rapport à celle du bâtiment. En travaillant sur cette dimension, conformément à la volonté de la cave, nous avons pu mettre un maximum de volume sur un minimum de mètres carrés, explique Laurent Linossier, directeur commercial de Tecinox. Néanmoins, la cave n’avait pas uniquement besoin de grandes cuves. Pour obtenir des cuves de volumes différents, nous avons joué sur le diamètre des cuves et le compartimentage de celles-ci. »
Concernant celles pour les rouges, vingt-quatre d’entre elles sont équipées de la technologie air mixing proposée par Parsec. Ce système d’injection d’air sous le chapeau de marc permet de remplacer les remontages. « La cave Héraclès avait et a encore des cuves cigares. Le rapport surface de section/volume de ce type de cylindre est faible. Lors des vinifications, cela génère un chapeau de marc très épais. Avec les remontages automatiques, sur ces cuves, nous arrosons mais nous ne décompactons pas. Et finalement, le jus remonté s’écoule toujours par les mêmes chemins. Avec Air Mixing, de l’air filtré sous pression est injecté sous le chapeau via plusieurs injecteurs soudés à l’Inox, dans le tiers bas des cuves. Les jets de gaz libérés par les buses1 sont synchronisés de manière à créer des effets d’ondes pour décompacter, émietter et immerger le chapeau de marc, sans actions mécaniques violentes, détaille Mathieu de Basquiat, directeur commercial de Parsec France. In fine, cette méthode d’extraction douce permet d’extraire davantage de couleur et moins de végétal, de réduire le temps de cuvaison et d’écouler les vins plus rapidement qu’avec un système de remontage classique. »

Sur les trois quais à fosse basculante, une seulement est reliée  à un égrappoir. Près de 70 % de la récolte arrivent éraflés  à la cave. La rémunération est bonifiée pour les vendanges égrenées. Photo : S. Favre/ATC/HéraclÈs

Quelles perspectives pour cette cave évolutive ?

Gestion du froid et du chaud, contrôle de l’air mixing, fonctionnement des pressoirs ou de la thermovinification… Tous les équipements les plus récents sont reliés à des automates, contrôlables à distance pour certains. à l’avenir, les équipementiers devront travailler à l’interopérabilité entre leurs solutions respectives. Les données collectées chez l’un pourront alimenter les logiciels de l’autre.
« L’avenir pour cette cave c’est aussi les expérimentations, dévoile Jean-Fred Coste. Nous permettons aux entreprises de tester de nouvelles technologies dans des conditions réelles. C’est le cas de Bucher Vaslin sur la filtration. Une autre société travaille sur la récupération et la valorisation du CO2 émis pendant les fermentations. Beaucoup d’inconnues subsistent en œnologie. Une cave qui se revendique 4.0 doit aider la recherche et participer à la transition numérique. »

(1) De l’ordre de plusieurs mètres cubes par minute.

Filtration
Un filtre tangentiel Bucher Vaslin est présent dans la cave. « C’est un outil apprécié pour sa polyvalence, explique Jean-Roch Masi, responsable Sud-Est de l’entreprise. Nous filtrons les vins mais aussi les bourbes et les lies. Aussi, même s’il ne garantit pas une filtration stérile, c’est un outil pertinent pour les vinifications sans sulfites ».
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Photo :S. Favre/ATC/Héraclès
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La cave Héraclès est équipée d’automates. Pour le moment chacun fonctionne de manière indépendante. à terme, il s’agira de faire communiquer entre eux les systèmes.

Article paru dans Viti Leaders de novembre-décembre 2018

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