Avez-vous besoin d’une licence de débit de boissons ?

Pour faire déguster des vins, de manière gratuite ou payante, un vigneron peut avoir besoin de demander une licence. Le nombre de licences limité n’est pas sans poser des problèmes avec les cafetiers.

Pour faire déguster du vin au domaine, avez-vous besoin d’une licence de débit de boissons ? Comme souvent avec la loi, la réponse est loin d’être binaire. Les cas particuliers sont nombreux. Pour y voir plus clair, il semble tout d’abord nécessaire de définir un mot essentiel : dégustation. Selon Vin & Société dans son Guide la dégustation, on entend par dégustation : « une opération consistant à juger de la qualité d’un vin à partir des impressions qu’il provoque à l’odorat et au goût ». La « dégustation est une consommation d’alcool » ; les mineurs, même avec l’accord des parents, ne peuvent donc pas déguster.

Une souplesse très contrainte

Il existe désormais deux types de licence de débit de boissons en France : la licence III et la licence IV qui permet de vendre des alcools forts. Le nombre de licences IV est figé en France. Photo : Brad Pict/Fotolia
Dès lors que la dégustation est payante, elle s’apparente à une vente à consommer sur place. Théoriquement, une licence est alors nécessaire. Dans les faits, Vin & Société précise dans son guide que « la vente dans l’exploitation fait l’objet d’un régime de faveur1 », moyennant quelques conditions. Ainsi, les experts de Vin&Société précisent qu’aucune formalité n’est à faire si « dans l’exploitation, l’exploitant vend à emporter ou à consommer sur place les boissons, au détail, provenant de sa récolte ». Tous les mots ont leur importance. Ainsi, le vin issu du négoce n’entre pas dans ce cadre, même si l’entreprise produit en complément du vin issu de ses propres vignes. Aussi, pour bénéficier de ce régime, toujours selon Vin & Société, la vente doit se dérouler dans les locaux référencés comme l’entrepôt fiscal de l’entreprise. Ne seront pas considérés comme faisant partie de l’exploitation :

• les locaux séparés de l’exploitation par une voie publique ;

• le magasin de vente situé dans le village de l’exploitation.

Même dans le cas où aucune démarche n’est à faire, l’exploitation qui vend une dégustation payante d’alcool de sa production se devra de respecter quelques règles, comme l’obligation de vendre et de faire étalage d’au moins dix boissons non alcoolisées.

Quand une licence III est-elle à demander ?

Pour certains, des démarches administratives sont donc à entamer pour proposer des dégustations, qu’elles soient payantes ou gratuites selon la situation.

En France, depuis 2016, il existe deux types de licence pour la vente d’alcool à consommer sur place. La licence III permet de vendre tous les alcools possédant un degré alcoolique inférieur ou égal à 18. Pour vendre les alcools provenant de la distillation des vins par exemple, la licence IV est obligatoire.

Les licences se demandent en mairie (dans la plupart des cas) après avoir acquis un permis d’exploitation. Si la licence est gratuite, la formation dispensée pour obtenir le permis d’exploitation est payante, généralement entre 600 et 800 euros. Le permis d’exploitation s’acquiert par le biais d’un stage de 2-3 jours et il est valable durant 10 ans. C’est munis de ce permis que les exploitants peuvent ensuite effectuer une demande de licence III et IV. Cette demande doit être effectuée au moins 15 jours avant l’ouverture de l’établissement.

Il est bon à savoir aussi que dans un village ou une ville, le nombre de licence III est contingenté. Il y a une licence III par tranche de 450 habitants. Donc sur un village qui compte 280 habitants et trois vignerons ayant besoin d’une licence, seul le premier à faire les démarches peut avoir sa licence. Une souplesse est introduite pour les communes touristiques qui sont au nombre de 1 200 parmi lesquelles on retrouve des communes viticoles comme Épernay (51), Frontignan (34) ou encore Pauillac (33).

Les cafetiers concurrencés sur l’accès aux licences

Pour contourner cette règle promulguée avant que les activités œnotouristiques « modernes » ne se développent, des vignerons achètent des licences IV qui ne sont pas contingentées. Les pouvoirs publics ne créent plus de licences IV mais ils autorisent les transactions, sous conditions, si elles se font à l’échelle de la région administrative. Une licence IV se monnaierait entre 4 000 et 12 000 euros selon les départements.

Une licence IV se monnaierait entre 4 000 et 12 000 euros selon les départements.

Cette situation n’est pas sans poser des problèmes entre les différents corps de métiers liés à la distribution de boissons alcoolisées. Les vignerons qui souhaitent diversifier leurs activités voient dans les dégustations payantes un moyen de professionnaliser et de rentabiliser leurs offres œnotouristiques. Pour se protéger d’un éventuel manquement à la loi, qui est loin d’être clair, même pour les juristes, certains demandent des licences qui ne seraient a priori pas nécessaires. Joël Oudon, président général de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de la Marne (Umih 51), un organisme formateur agréé pour délivrer les permis d’exploitation, détaille : « Le fait que les vignerons demandent des licences ne serait pas un problème si le nombre de licences III et IV n’était pas limité. En achetant une licence IV, un vigneron qui ne vend que du vin prive un cafetier – qui, lui, va vendre des alcools forts – de s’installer. Les activités des vignerons ont évolué mais la loi, qui s’adressait à l’origine aux acteurs des CHR, n’a pas bougé. L’Umih à l’échelle nationale demande sans cesse aux ministères de supprimer les quotas ou d’en sortir les producteurs vignerons. Notre message porterait plus si la filière viticole s’associait à notre combat. » L’appel semble cohérent, mais sera-t-il entendu et suivi ? Entendu certainement, car le flou autour de la loi crée de l’insécurité pour les professionnels voulant développer l’œnotourisme. Suivi ? Pas sûr. Beaucoup craignent qu’à monter au créneau, les législateurs n’aillent vers un durcissement plutôt que vers l’assouplissement espéré.

(1) Ce régime de faveur est apporté par l’article 502 du Code général des impôts. Son alinéa premier énonce que « Toute personne se livrant à la vente au détail de boissons ne provenant pas de sa récolte exerce son activité en qualité de débitant de boissons et est soumise à la législation des contributions indirectes ». Le régime de faveur est l’application a contrario
de cet article.

MIEUX COMPRENDRE
Pour renseigner les vignerons sur leurs droits et leurs devoirs, Vin & Société a développé un support d’informations avec l’aide d’un avocat-conseil. Un arbre de décisions permet de savoir, selon la situation, s’il est nécessaire d’obtenir une licence de débit de boissons. Le lieu, le caractère payant et les vins dégustés sont évoqués afin d’apporter des réponses les plus précises possible.
Ce support est disponible en version PDF sur demande à contact@vinetsociete.fr.
strichfiguren.de
À retenir
Je suis vigneron…

• Une dégustation a lieu sur l’exploitation, c’est-à-dire sur l’entrepôt fiscal : il n’y a pas besoin de licence.
• La dégustation faite sur l’exploitation porte sur les vins issus des raisins de l’exploitation : il n’y a pas besoin de licence.
• La dégustation faite sur l’exploitation porte sur des vins élaborés avec des raisins achetés à mes voisins : il me faut une licence.
• Je réalise une dégustation payante, sur mon exploitation et avec mes vins, la licence est facultative selon Vin & Société. L’avocat-conseil de Vin & Société préconise de se rapprocher de sa mairie pour savoir si le maire estime que vous devez avoir une licence.
Christine Scher Sevillano, Champagne Piot Sevillano (51)
« Nous avons une licence III »

Photo : champagne piot sevillano
Avec le développement des prestations œnotouristiques, dont certaines comprennent des dégustations payantes au domaine, des vignerons ont souhaité se conformer à une réglementation qui semble les concerner. C’est le cas de Christine Scher Sevillano, membre de Vignerons indépendants et propriétaire du domaine Piot Sevillano en Champagne.
« Dans le département de la Marne, les douanes font passer le message selon lequel il faut détenir une licence III pour organiser des dégustations payantes sur le domaine. Je me suis renseignée sur le sujet car nous souhaitions développer ce type de prestations. Contrairement à ce que j’avais compris, il s’avère que la licence III n’était pas nécessaire dans notre cas. Nous voulions vendre des dégustations portant sur nos vins, qui seraient réalisées sur le site de notre entrepôt agréé à des heures « de bureau ».
J’ai néanmoins fait les démarches nécessaires pour avoir une licence III. Avec mon mari, nous avions en tête d’ouvrir un caveau-bar à champagne dans l’ancienne école de notre village Vincelles, fermée depuis 10 ans et que nous avons rachetée. Avec la licence III, nous serons en règle pour vendre au verre et à la bouteille nos champagnes dès que le bar sera opérationnel. Nous aurons aussi droit d’y organiser nos dégustations payantes. Cette licence III nous ouvre aussi la possibilité de faire déguster et de vendre au bar le vin d’un confrère de Tavel.
Le village de Vincelles compte quelque 320 habitants, nous avons désormais la seule licence III autorisée alors que le village compte six entreprises viticoles. Ce contingent bloque le développement de l’œnotourisme dans les communes viticoles. Le constat est le même pour l’ensemble des lois et des obligations régissant le débit de boissons ; elles sont floues, trop nombreuses et elles ne sont pas adaptées au public vigneron. »

Article paru dans Viti Leaders d'octobre 2018

 

 

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