Les semenciers investissent dans les couverts temporaires pour la vigne

Les semences pour les couverts temporaires sont une offre récente des semenciers.  CP : Nungesser

Les semences pour les couverts temporaires sont une offre récente des semenciers.

Crédit photo Nungesser
Depuis peu, des couverts temporaires sont semés dans les vignes pour limiter l’enherbement, enrichir le sol en azote ou améliorer la structure. Cinq semenciers s’expriment sur le potentiel du marché, les objectifs de leur sélection et les expérimentations effectuées en France

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Les couverts végétaux temporaires, mélanges d’espèces et de variétés semées dans les interrangs des vignes, sont des produits très récents en viticulture. La France en serait même l’initiatrice. Qui dit semis, dit semences. Un nouveau marché est-il donc en train d’émerger ?

Les cinq obtenteurs que nous avons interrogés s’accordent à le dire et la réponse de Julie Toussaint, directrice de Semences de Provence, résume bien la vision des semenciers impliqués sur ce marché : « L’augmentation des surfaces semées sera d’autant plus forte que la sélection proposera des espèces et mélanges adaptés et spécifiques. »

Nungesser estime même que la moitié des surfaces enherbées et semées avec des mélanges de graminées à gazon disparaîtra dans les 5-10 ans à venir au profit de mélanges de types cultures intermédiaires ou mélanges pérennes nécessitant beaucoup moins d’eau (et donc plus résistant au changement climatique).

>>> Pour Julie Toussaint, directrice de Semences de Provence :

« Si on compare les engrais verts vigne ou jachères aux intercultures de grandes cultures, les similitudes sont importantes. Ce sont des produits que l’on détruit tôt et pour lesquels on recherche des espèces à pousse rapide, produisant beaucoup de biomasse, avec un système racinaire profond décompactant le sol, détaille Julie Toussaint, directrice de Semences de Provence. Les espèces employées sont souvent les mêmes, à l’exception de quelques spécificités. Par exemple, la phacélie, souvent utilisée en grandes cultures, n’est pas employée en vigne, car elle augmente les populations de nématodes responsables du court-noué. On évite aussi les espèces trop envahissantes qui risquent de s’enrouler autour des ceps comme la vesce. Sinon, au couvert est rajouté un tuteur naturel, comme une céréale. »

De multiples critères de sélection

À quoi vont donc ressembler les mélanges de couverts temporaires dans les vignes lors de ces prochaines années ? La plupart des critères de sélection se focalisent sur l’installation du couvert, son développement, sa vitesse d’installation, sa résistance aux maladies, sa non-concurrence hydrique et alimentaire avec les ceps.

Au vu de ces critères, des espèces spécifiques existent déjà ou sont en cours de sélection. Ainsi, Barenbrug sélectionne des trèfles souterrains (annuels et ressemis naturel), trèfles fragiferum (à forte couverture, piétinable) et trèfles blancs micro-nains.

Barenbrug

Groupe international, le semencier travaille la génétique des graminées et légumineuses, pour les fourragères et les gazons.

Aussi, les données de ces sélections sont utilisées pour la constitution des mélanges de couverts en vigne. Le programme spécifique vigne est étudié à Mas-Grenier (82).

Une centaine d’essais sont réalisés chaque année dans le vignoble français.

En parallèle, Barenbrug utilise des logiciels de simulation de mélanges pour faciliter les tests sur le terrain. Tous les ans, deux nouveaux mélanges en couvert permanent et trois en couvert temporaire sont proposés.

>>> Selon Antoine Bedel, chef produit chez Caussade Semences : 

« D’ici 5 à 10 ans, nous espérons commercialiser des couverts adaptés à la couverture intégrale du sol, entre et sous le rang. »

Des recherches actives

D’autres légumineuses sont identifiées pour leur potentiel, comme la vesce commune Barvicos, qui présente ainsi une bonne résistance au froid et aux maladies et une bonne production de biomasse. Enfin, Barenbrug mise sur l’avoine byzantine « susa », agressive à l’installation et qui donne une biomasse importante.

Semences de Provence travaille particulièrement les trèfles. « Ce sont des légumineuses rasantes, détaille Julie Toussaint, qui ne nécessitent pas ou peu d’entretien. Plantes annuelles, elles ne concurrencent pas la vigne et arrêtent leur croissance en été. Elles se ressèment toutes seules et apportent de l’azote naturellement à la vigne. »

RAGT Semences, semencier spécialiste des variétés agricoles, entreprend tout juste des travaux spécifiques pour les couverts viticoles. « Nos laboratoires, décrit Jean-Michel Bellard, chef des ventes chez RAGT, investissent sur la recherche sur les nématodes. Nous les élevons pour comprendre leur fonctionnement afin de les empêcher de se reproduire. Nous travaillons aussi sur la structuration du sol et la captation des éléments fertilisants. Nos premiers essais dans les vignes viennent de démarrer. » 

Caussade Semences 

Le semencier spécialiste en grandes cultures ne sélectionne pas spécifiquement des espèces pour couverts végétaux. Mais il travaille à créer des mélanges spécifiques en se fournissant sur le marché des semences de couverts.

Caussade Semences s’illustre ainsi par les travaux faits sur les nématodes.

« Notre mélange Nema-Vigne à base de radis fourrager, d’avoine rude, de seigle forestier et de vesce velue, détaille Antoine Bedel, chef produits fourragères et intercultures chez Caussade Semences, est constitué de plantes réputées pour avoir une action négative sur les populations des nématodes responsables du court-noué dans le sol. Aussi, pour développer les surfaces de vignes enherbées, nous espérons commercialiser, d’ici 5 à 10 ans, des couverts adaptés à la couverture intégrale du sol, entre et sous les rangs. »

Depuis deux ans, la firme propose des couverts vigne et le catalogue s’enrichit d’une à deux nouveautés par an. Une vingtaine d’essais est organisée par an.

RAGT sélectionne des espèces de couvert temporaire bénéfiques pour la vigne, comme la moutarde. CP : RAGT
RAGT sélectionne des espèces de couvert temporaire bénéfiques pour la vigne, comme la moutarde.
Crédit photo : RAGT

Vers une sélection de plus en plus précise

Nungesser Semences se distingue en misant sur les plantes sauvages, fleurs et graminées. Elles sont multipliées sans toutefois être sélectionnées. « C’est leur valeur locale et leur rusticité vis-à-vis du stress hydrique qui nous intéresse, spécifie Bernard Heitz, dirigeant de Nungesser Semences. À côté de ces mélanges d’espèces sauvages, nous utilisons également des mélanges classiques de cultures annuelle ou pérenne issues de la sélection variétale agricole. »

Nungesser Semences

Le semencier alsacien a créé une équipe de sélection spécifique vigne. Il sélectionne des espèces sauvages à l’état naturel et sort environ cinq mélanges par an.

Outre la gamme Sédamix, Nungesser propose des mélanges pérennes ou annuels à la demande

Avec le GIEE alsacien Repère, Nungesser travaille à sélectionner et multiplier des semences issues d’un site classé Natura 2000 de la région.

>>> Pour en savoir plus : un projet de semences d’essences autochtones en Alsace.

Un peu à l’image de Nungesser, Semences de Provence regarde du côté de la flore naturelle. « Nous testons de nombreuses espèces, parfois récoltées dans des vignobles, explique Julie Toussaint. Nous les caractérisons, puis, selon leur intérêt, nous les améliorons par croisement pour obtenir des variétés plus adaptées, fixées et que nous inscrivons au catalogue européen avec notre partenaire Fertiprado. »

Semences de Provence

Le semencier est en partenariat avec la société portugaise Fertiprado pour la sélection des légumineuses et avec DLF France pour les graminées.

Cette sélection occupe environ 15 % des activités de sélection de Semences de Provence. Entre 20 et 40 tests sont réalisés avec les distributeurs chaque année.

Tous les ans, de trois à sept nouveaux couverts sont proposés à la vente. En 2018, grâce à la nouvelle gamme Vitimax, engrais verts et jachères vigne, sept nouveaux produits ont été rajoutés au catalogue avec deux nouveaux mélanges d’enherbement permanent développés en réponse à des contraintes spécifiques (pente dans les vignes, sols très alcalins).

Si le marché se développe, des moyens seront octroyés pour développer des marqueurs d’ici 5 ans. Quant à la génomique, très en vogue actuellement, qui consiste à utiliser des modifications ou des facteurs non codés par la séquence d’ADN pour réguler l’activité des gènes en facilitant ou en empêchant leur expression, sur le moyen terme son utilisation relève encore de la science-fiction

Des essais régionaux systématiques

La plupart des semenciers réalisent des essais régionaux en testant les mélanges pour tenir compte des conditions pédo-climatiques (résistance au chaud, au froid, au stress hydrique, concurrence entre espèces, pérennité, précocité, hauteur…), de la spécificité des mélanges (nombre de graines…) et des pratiques viticoles (écartement entre rang, hauteur de premières feuilles...).

Mais, comme le remarque Julie Toussaint : « Nous devons trouver un équilibre entre établir des produits spécifiques et ne pas gérer une épicerie ! »

 


>>> Article paru dans Viti Leaders de septembre 2018 

Viti, n°436, septembre 2018.
Crédit photo : DR

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