Orpheline de la Crimée et de ses célèbres crus, l’Ukraine viticole veut s’organiser et se relancer

Sur les bords de la mer Noire, en Ukraine comme en Russie, en Turquie ou en Géorgie, la vigne est présente depuis des millénaires. Deuxième pays d’Europe par sa superficie, même sans la Crimée, l’Ukraine demeure un très grand producteur agricole et un des greniers du monde, mais face aux céréales, le raisin et le vin y sont toujours restés des productions secondaires.

Le vignoble compterait tout de même 45 000 à 48 000 ha. Soit deux fois moins qu’en 2013 (un an avant le référendum d'autodétermination de la Crimée) et trois fois moins qu’en 1995. Le raisin, issu de cépages autochtones et internationaux, y est produit et vendu à plusieurs fins : la table, la distillation pour produire un brandy type cognac, des effervescents, des vins de dessert, et des vins tranquilles sucrés et secs.

Avec 650-670 000 hl de vin produit par une soixantaine de vinificateurs l’an passé, l’Ukraine aurait vu ses volumes divisés par deux avec la perte du territoire de la Crimée. Les vignobles et les chais sont dispersés sur 15 zones du Sud du pays à proximité immédiate de la Mer Noire, qui leur permet de bénéficier d’un climat méditerranéen ou en Transcarpathie le long de la frontière moldave, avec un climat plus continental.

Vignes en Ukraine (S.Badet)

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Conviés durant des décennies à assouvir la soif du peuple soviétique puis russe en proposant, en quantités très importantes, des vins rouges sucrés, liquoreux dits "de dessert" et effervescents sans grande distinction, la crise diplomatique puis militaire et enfin économique avec son grand voisin, oblige depuis 2014, les viticulteurs à solder ce lourd héritage et à réfléchir leur avenir et leurs vins autrement. Avec le développement rapide des grandes surfaces, des bars à vins et restaurants, la consommation ukrainienne de vin s’urbanise, "s’occidentalise" et incite les producteurs à de profondes mutations, vers des standards plus internationaux et des vins secs plus contemporains.

Les 45 millions d’Ukrainiens sont historiquement de solides consommateurs d’alcools forts, mais ils apparaîssent de plus en plus intéressés par le vin, s’informent et demandent de plus en plus de vins de qualité. Les principaux freins au développement de la consommation de vin restent le pouvoir d’achat malmené par la crise économique de ces dernières années, le prix et la complexité de l’offre de vins à l’achat. Le consommateur local, en particulier urbain, pourrait aussi facilement se prononcer pour des vins étrangers et des produits bio ou "nature" mais ils apparaissent actuellement trop chers, au regard de l’excellent rapport qualité-prix des vins nationaux et bien difficiles à comprendre.

Les pouvoirs publics et la France pour accompagner les mutations en cours

Les pouvoirs publics, conscients du potentiel de la filière, après avoir supprimé la très dissuasive licence de commercialisation (50 000 €/an/exploitation), accompagnent la révolution en cours. Les incitations et réformes invitent aussi bien au respect de la réglementation européenne, à la création d’indications géographiques de type européen, à la simplification des démarches administratives ou à l’ambitieuse création de l’Institut Ukrainien du Vin à Kiev. En effet avec la perte de la Crimée, l’Ukraine a non seulement perdu plus de 30 000 ha de vignoble, l’iconique Massandra et d’autres célèbres crus, mais aussi la base scientifique de la filière vitivinicole. Cet institut a pour objectif principal, dans une approche complète du produit, d'accompagner les opérateurs dans l’augmentation de la qualité globale des vins ukrainiens.

Vins ukrainiens

La formation et l’enseignement constituent également un autre levier important de croissance qualitative. Terre traditionnellement francophone (le français est souvent la première langue étrangère apprise à l’école), s’appuyant sur la traditionnelle amitié franco-ukrainienne, avec le soutien de l’ambassade de France et de la direction générale de l’Enseignement et de la Recherche du ministère de l’Agriculture, de nombreux partenariats et échanges entre les écoles agraires ukrainiennes et plusieurs établissements du supérieur français permettront l’émergence de nouvelles générations de vignerons et vinificateurs et le renforcement de la filière.

L’oenotourisme comme possible levier de développement

Enfin, il apparaît aussi évident que les principales zones viticoles ukrainiennes, présentent un considérable potentiel œnotouristique. La Transcarpathie, en zone montagneuse, constitue déjà une destination touristique réputée pour la pratique du ski et ses stations thermales. La Mer Noire et Odessa (dont le centre ville est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO), grandes destinations estivales pour les Ukrainiens et les pays voisins, depuis la fermeture de la Crimée, devraient aussi permettre aux vignerons de la côte, à l’image des producteurs croates, de profiter d’un débouché touristique considérable à domicile.

Productrice depuis des millénaires, et désormais en quête d’arrimage européen, l’Ukraine a tous les atouts en main et présente toutes les conditions pour devenir un grand producteur de vins du 21e siècle. En Transcarpathie, comme en bordure de mer Noire, compte tenu de la taille du pays, les excellents terroirs existent, l’envie et l’énergie des producteurs permettront très vite de produire des vins aux standards mondiaux pour le grand potentiel de son marché national mais aussi à l’export.

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