Que faire pour limiter l’érosion des sols viticoles ?

Cet article de Viti Leaders de mars 2018 vous est proposé gratuitement et dans son intégralité. Bonne lecture ! Pour vous abonner, RV sur notre e-kiosque.

 

Ceps déchaussés en haut de pente, sols remontés de 20 à 30 cm en contrebas… L’érosion des sols n’est pas rare en viticulture. En Val de Loire, des pertes jusqu’à 45 t/ha/an ont été évaluées sur certaines parcelles ! Diverses pratiques dans les parcelles ainsi qu’une réflexion sur l’implantation des nouvelles vignes permettent de limiter les dégâts.

 

« La perte moyenne de sol est évaluée à plus de 12 t/ha/an à l’échelle européenne », indique Guillaume Delanoue, ingénieur viticulture et œnologie à l’IFV d’Angers. © O.Lévêque/Pixel Image
Alors que le seuil tolérable d’érosion est fixé à environ 1 t/ha/an en Europe, « la perte moyenne de sol est évaluée à plus de 12 t/ha/an à l’échelle européenne », indique Guillaume Delanoue, ingénieur viticulture et œnologie à l’IFV d’Angers, lors de l’édition 2017 de La recherche vous parle organisé par Techniloire le 15 décembre dernier à Angers. « Dans certaines parcelles viticoles où nous avons fait nos suivis, ce niveau atteint 45 t/ha/an ! Il suffit de regarder certains ceps totalement déchaussés, avec des systèmes racinaires mis à nu, ou les affleurements du substrat rocheux, mais aussi la terre remontée de 25 à 30 cm en bas de coteaux, pour se rendre compte de l’importance de la problématique liée à l’érosion dans les vignes ! »

Cette perte rapide et irréversible de la ressource sol est liée à l’érosion hydrique ou au travail du sol. La vigne, culture pérenne souvent plantée en coteaux, avec du travail du sol régulier pour gérer les adventices, fait partie des cultures les plus soumises à une érosion intense, susceptible de modifier plus ou moins rapidement les propriétés des sols, et donc des terroirs et de leur potentialité.

 

26 à 31 t/ha en moyenne

Afin d’évaluer l’impact de l’érosion, un suivi a été mené par l’IFV d’Angers sur deux appellations du Val de Loire : quarts-de-chaume en contexte de socle (Layon), et chinon en contexte sédimentaire. Pour chaque AOC, deux parcelles ont été suivies via trente points de mesure et un dispositif plus léger a été mis en place sur treize parcelles de chaque AOC, avec trois points de mesure.

« La quantification de l’érosion à l’échelle parcellaire donne une moyenne entre 26 et 31 t/ha/an si l’on considère uniquement les zones érodées des parcelles, et 21 à 24 t/ha/an si l’on considère l’ensemble de la parcelle. Les parcelles dans le layon montrent une érosion plus faible que celles du chinonais, malgré une topographie plus marquée », détaille Guillaume Delanoue.

Les ceps déchaussés dans certaines vignes montrent l’importance de la problématique liée à l’érosion. © Marie Bonnisseau

Impact sur la physiologie de la vigne

Pour connaître l’impact de l’érosion sur la physiologie de la vigne, diverses méthodes statistiques ont été utilisées (analyse en composante principale ou ACP, et régression linéaire), afin de relier les variables « vigne » avec les variables « sol ». Résultat : il semble que le paramètre érosion en tant que tel n’influence pas directement les paramètres vigne, même si le bilan sédimentaire semble influer sur certains facteurs. Par exemple, sur 2015 et 2016, de fortes carences azotées étaient observées sur l’ensemble du réseau, aggravées en cas de bilan sédimentaire traduisant une forte érosion. De manière générale, une forte accumulation de sol permettra un rendement plus élevé mais de moindre qualité (moins de sucre et plus d’acide), alors que la zone érodée conduira à des rendements plus faibles, avec une augmentation de qualité via une concentration de sucre dans les baies. « Cependant, des situations extrêmes sont dès aujourd’hui inquiétantes quant à la durabilité des sols viticoles avec un effleurement du substrat rocheux et une mise à nu du système racinaire », insiste Guillaume Delanoue.

 

Ré-envisager les pratiques

« Certaines situations critiques amènent à ré-envisager quelques pratiques de gestion des sols afin de limiter l’érosion », souligne Guillaume Delanoue. Si la présence d’enherbement et de couverts végétaux participent à limiter l’érosion en évitant les sols nus, les bandes enherbées entre les rangs conduisent parfois à renforcer l’érosion. « En effet, les ravines créées entre l’herbe et le cavaillon travaillé mécaniquement accentuent l’apparition de flux d’eau, d’où l’importance d’alterner les modes de culture et d’éviter une délimitation nette entre enherbement et zone travaillée sous le cavaillon », propose l’ingénieur IFV.

Le travail du sol peut aussi se faire uniquement en remontant la pente, afin de ne pas renforcer la descente de terre vers le bas, même si cela prend plus de temps et de coût de carburant. Dans certaines situations très critiques, cette solution est déjà mise en œuvre.

Enfin, il est intéressant de réfléchir à la problématique érosion dès l’implantation de ses vignes, en adaptant le schéma de plantation à la topographie pour créer une rupture de pente.

 

Comprendre les érosions des sols
L’érosion des sols agricoles et viticoles est liée principalement aux processus d’érosion physique responsable du détachement, du transport et de la sédimentation des particules de sol, sous l’action de l’eau (érosion hydrique) et du travail de sol (érosion aratoire). L’érosion hydrique regroupe plusieurs processus :
• L’effet splash qui occasionne une déstructuration des agrégats de sol, liée à l’impact des gouttes de pluie. Ce processus d’érosion est bien connu des viticulteurs via la notion de sols battants et de croûtes. Même si ce processus est souvent sous-considéré, il n’est pour autant pas à négliger dans la lutte contre l’érosion.
• L’érosion diffuse qui correspond au détachement et au transport des particules lors d’un ruissellement en condition de fine lame d’eau (flaques, nappes d’eau à la surface des sols). Ce processus est complémentaire de l’effet splash.
• L’érosion concentrée qui est liée à une concentration des eaux de ruissellement à la faveur des conditions topographiques. Dans ce cas, le ruissellement prend de la vitesse et détache le sol. Les objets qui résultent des incisions sont eux aussi bien connus des viticulteurs : des rigoles (si elles peuvent être effacées par un travail de sol) et des ravines (pour celles de plus grande dimension).
Source : « Limiter l’érosion des sols viticoles en adaptant le parcellaire et les pratiques », Stéphane Follain, Montpellier SupAgro, mars 2016

 

Comment adapter ses pratiques pour limiter l’érosion ?
• Les bandes enherbées peuvent créer l’accélération de l’eau entre la bande enherbée et le cavaillon
- préférer l’alternance du mode de culture,
éviter la délimitation nette entre la bande enherbée et le cavaillon ;
• ne pas aggraver la situation : faire un travail du sol dans le sens de la pente ;
• dès la plantation :
- adapter le schéma de la parcelle à la topographie,
- créer des ruptures de pentes.
Adapter le schéma de la parcelle à la topographie  doit permettre de réduire le risque d’érosion.© O.Lévêque/Pixel Image

 

 

Article paru dans Viti Leaders de mars 2018

 

 

Viticulture

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15