À la (re)découverte des microbes vivant dans les écosystèmes viticoles

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Dans son livre « Jamais seul », Marc-André Selosse, enseignant–chercheur spécialiste des mycorhizes, explique au travers de nombreux exemples comment tous les organismes vivants, végétaux ou animaux, dépendent intimement de microbes. La vigne n’échappe pas à cet état de fait.

« Jamais seul, ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations », voici le titre complet de votre dernier ouvrage. Dans l’imaginaire collectif, le mot microbe a une connotation plutôt négative, de pathogènes destructeurs. Chez vous, ils construisent...

Marc-André Selosse : Les végétaux, les animaux, les écosystèmes sont construits avec et par les microbes - c’est-à-dire avec ce que l’on appelle aussi les micro-organismes. Les bactéries, les champignons, les levures (qui sont des champignons unicellulaires) sont des microbes. Certains ont un effet délétère, mais la plupart, au contraire, contribuent au bon développement de leur hôte. Dans les cas des plantes, pensez aux champignons qui forment des mycorhizes, des organes mixtes formés par les racines et des champignons du sol. Presque toutes les plantes se développent en formant des mycorhizes, même la vigne !

Comment des champignons qui s'insinuent dans les cellules des racines des plantes peuvent-ils être profitables ?

Cycle. Crédit photo : Marc-André Selosse

M-A. S. : C’est ce qu’on appelle une symbiose, une association à bénéfices mutuels. La plante et le champignon mettent en place des échanges qui leurs sont réciproquement utiles.
Ainsi, les champignons facilitent l’absorption des éléments minéraux du sol ; par leur présence, ils stimulent les défenses de la plante pour mieux résister aux maladies, jusque dans les feuilles, mais aussi aux stress comme la sécheresse.
Dans mon dernier livre, je cite aussi des expériences menées sur des souris dites axénique, c’est-à-dire élevées dans un milieu dénué de microbes. Si on compare leur système immunitaire à celui de souris normales, exposées aux microbes, on constate que les souris axéniques ont un système immunitaire qui fonctionne peu et mal, alors que les autres souris ont un système immunitaire plus efficace.
Il a été montré que le contact avec les microbes normaux et inoffensifs est nécessaire au bon développement du système immunitaire, chez les plantes comme les animaux. Ce contact améliore les capacités de défense de la plante de façon systémique. Sans compter les effets protecteurs des milliers de microbes qui peuplent naturellement tiges et feuilles !

Les microbes présents dans le sol sont donc utiles pour cultiver des plantes rustiques. Mais sont-ils indispensables ?

M-A. S. : Dans le cas de la vigne et de nombreuses plantes sélectionnées et cultivées, ils sont moins vitaux.
Une plante qui se développe dans un milieu riche en éléments minéraux n’interagit plus avec les microbes du sol : elle peut se nourrir seule, grâce aux engrais. Mais cela a un effet secondaire phytosanitaire : la plante sans microbes est moins résistante aux maladies. Pour compenser cette faiblesse des défenses, on apporte une protection externe sous forme de produits phytosanitaires. Moins de mycorhizes, plus de pesticides : cela lèse les microbes du sol !
Engrais et produits phytosanitaires génèrent donc un cercle vicieux de dépendance accrue : en diminuant le taux de mycorhization et le pouvoir inoculant du sol, ils accroissent la dépendance aux apports chimiques.

Les microbes n’ont néanmoins pas tous un effet « positif » sur la vigne ?

M-A. S. : La vigne n’est pas seule dans son écosystème, et a bien sûr des pathogènes. On peut penser aux maladies du bois. Ces microbes ne sont pas nouveaux et il faut s’interroger sur ce qui cause leur fréquence actuelle. Au sein de l’association des « Cépages Modestes » dont je suis membre, nous évoquons par exemple, avec des experts invités, les conséquences du greffage, notamment mécanisé, mais aussi du manque de diversité dans les vignobles.
La biodiversité n’est pas un patrimoine figé. Dans le cas de la vigne, les cépages hybrides résistants aux maladies et les cépages patrimoniaux oubliés apportent une diversité qu’il faut considérer, surtout en ces temps de changements climatiques !

Sa bonne nouvelle. « Les vignes enherbées ! Un sol nu est plus fortement soumis à l’érosion, et stresse les microbes bénéfiques qui y vivent. L’enherbement, au contraire, stabilise le sol, favorise la vie microbienne et la formation de mycorhizes entre les racines et les champignons du sol. »
Son coup de cœur. « La promotion de la diversité des cépages. Les cépages modestes, autochtones mais méconnus, sont un véritable patrimoine. De leur conservation naîtront des goûts retrouvés, peut-être de nouvelles variétés demain, mais surtout de forts liens au terroir. »
Son coup de gueule. « A quand un retour de la sélection de la vigne par les pépins ? Face aux maladies et au climat qui évoluent, une sélection moderne doit utiliser la sexualité de la plante ! La situation actuelle (des cépages figés) me fait penser à ce qui se serait passé si, fiers d’avoir bâti Notre-Dame, on avait arrêté d’innover en architecture : adieu, Versailles et la Tour Eiffel ! »
La personne que vous aimeriez voir interrogée dans Viti ?
« Jean-Michel Boursiquot, un enseignant-chercheur à Montpellier SupAgro mais surtout un très grand ampélographe. »
Son chiffre.
« Ce sera plutôt un ratio ! En moyenne, un tiers de la biomasse des plantes est constituée par les racines. Cela mérite de regarder ce qu’il se passe à leur niveau, non ?! »

Article paru dans Viti Leaders de février 2018

Viti leaders 431 février 2018

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