La Russie veut être reconnue pour son vin

Les vins russes étaient proposés à la dégustation à la Cité du vin de Bordeaux .Photo : S.Badet

Dans le cadre des jeudis des vins du monde la Cité du vin de Bordeaux proposait, en partenariat avec l’association auto-régulée des viticulteurs et vinificateurs russes, le 16 février, une dégustation-découverte inédite en France de vins russes. Des produits haut de gamme (jusqu’à 50 € la bouteille, prix en Russie) quasiment introuvables étaient présentés. Succès immédiat de l’événement, puisque les réservations pour les deux sessions ouvertes affichaient très vite complet.

Dégustation de vins russes commentée par Olga Chevé à la Cite du Vin de Bordeaux (S.Badet)

Assemblages internationaux ou cépages locaux, les vins proposés ont globalement fait une très belle impression, originaux, puissants, expressifs, aromatiques avec une belle longueur en bouche. Le public a majoritairement été séduit et surpris par le niveau qualitatif de ces produits et en particulier par le cépage autochtone Krasnostop.

L’exposé d’Olga Chevé, représentant les opérateurs Russes a aussi été l’occasion de faire un état des lieux de la vitiviniculture russe actuelle et passée.


URSS : quand il fallait seulement assouvir la soif du peuple

Au carrefour de l’Orient et de l’Occident, et de nombreuses migrations depuis des millénaires, le vignoble russe, essentiellement localisé à proximité de la mer Noire, est probablement comme ses voisins géorgien ou arménien, un des plus anciens au monde. Il a ensuite été renforcé par les comptoirs grecs, il y a 2 500 ans qui essaimèrent dans toute la région.

Dépassant le million d’hectare, le vignoble soviétique a été aussi un des plus productifs, avec le seul objectif "d’assouvir la soif du peuple" sans véritable préoccupation qualitative. La lutte de Gorbatchev contre l’alcoolisme dans le pays puis l’éclatement de l’URSS eurent raison de cet énorme vignoble, qui fut malmené, arraché, ou orienté vers la production de raisin.

Le vignoble russe est aujourd’hui estimé avec l’annexion de la Crimée (qui compte 37 000 ha) à 100 000 ha, en progression de 5 000 ha par an en moyenne. Localisés majoritairement près de Krasnodar, les conditions de production y semblent très favorables avec des terroirs variés et un climat méditerranéen voire sub-tropical ou aride. Mais les hivers peuvent, a contrario, y être aussi très froids. Et même si le réchauffement planétaire a tempéré les ardeurs sibériennes ces dernières années, un gros coup de froid (- 40 °C) frappe en moyenne tous les dix ans entraînant une forte mortalité des ceps. Le vignoble est donc jeune et en permanence replanté (20 ans d’âge moyen).


La préférence nationale, une volonté politique actuelle

Pointant au 17e rang mondial, la production russe était en 2016, estimée à 3,6 Mhl de vin (55 % rouge/rosé et 45 % blanc) auxquels il convient de rajouter 1,40 Mhl d’effervescents et 0,70 Mhl de brandy type cognac. Elle est très peu exportée (5 % de la production, 1 % vers l’UE) car concentrée sur la satisfaction de la demande domestique, collant ainsi à une volonté politique affirmée du "Produisez russe, buvez russe".

La filière est considérée comme stratégique pour le gouvernement russe et son ministre de l’Agriculture (par ailleurs aussi "en affaires" dans le vin à Krasnodar) en particulier. L’ambition politique affichée est double : assurer l’autosuffisance du marché russe en portant les superficies à 150 000 ha d’ici 2025, mais aussi de faire du vin russe un produit étendard à l’international, en proposant des produits modernes et haut de gamme.
D’importants financements aux investissements (30 à 80 % de subventions sur une plantation) appuient cette volonté politique.


La Russie vise l'autosuffisance... sans renier le vin d'importation

Durement touché par le tryptique crise, dévaluation, inflation le consommateur russe a perdu 70 % de son pouvoir d’achat ses dernières années et souhaite s’alcooliser avec des vins effervescents, sucrés, ou des rouges simples, fruités et monocépages, à bas prix. Il boit en moyenne 7 à 8 l de vin par an dont la moitié est importée en vrac, d’entrée de gamme pour y être assemblé, conditionné voire mis en effervescence en Russie. La concurrence de la vodka et de la bière y est très forte !

Mais, bien consciente également que les débouchés à l’export passeront par des produits qualitatifs, originaux et tracés, la Russie s’est engagée dans un recensement des parcelles, des producteurs, des cépages autochtones mais aussi depuis 2013 dans une démarche d’identification géographique selon une règlementation calquée sur celle de l’UE. Sept IGP garantissant l’origine et le non-mélange avec des vins importés des pays voisins ou d’Espagne, devraient voir le jour et avec l’identification des meilleurs terroirs, on parle même de créer des AOC.

La Russie affiche de belles ambitions stratégiques en matière de production. Et malgré les tensions géopolitiques, la volonté affichée d’autosuffisance, voire d’autarcie économique, et même si y faire des affaires est plus complexe et risqué qu’ailleurs, la Russie reste un marché à gros potentiel. Elle propose du côté agrofournisseurs de belles opportunités pour assurer le développement du vignoble porté et financé par le pouvoir politique et où, quasiment tout doit être importé.

La Russie reste aussi une belle destination pour l’exportation des vins français haut de gamme sans concurrence véritable et toujours aussi attractifs aux yeux des oligarques et des riches urbains de Moscou.

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