Réduction des pesticides : l'Irstea accompagne le changement

Les scientifiques du centre Irstea de Bordeaux cherchent à comprendre les conséquences de l’utilisation des pesticides sur l’environnement et accompagnent le changement de leurs usages en région viticole. Ils ont publié récemment un document intitulé "Pesticides en région viticole : comment accompagner la transition agroécologique ?" qui offre un état des lieu et des démarches potentielles pour aller vers un changement. 

Voici ci-dessous le compte-rendu qu'il est possible de consulter en ligne sur le site internet de l'Irstea via ce lien).
 

Attente citoyenne et biodiversité

La réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques constitue une attente citoyenne forte et une nécessité pour préserver notre santé et la biodiversité. Les scientifiques du centre Irstea de Bordeaux cherchent à comprendre les conséquences de l’utilisation des pesticides sur l’environnement et accompagnent le changement de leurs usages en région viticole. En agriculture, les pesticides permettent d’assurer la récolte d’une année sur l’autre et donc soutenir la rentabilité économique d’une exploitation. Mais leurs effets, même à faibles doses, peuvent être néfastes pour l’environnement. Connaître le devenir de ces substances et leur impact sur les écosystèmes est donc crucial, ainsi que présenter des alternatives viables à la réduction de leur usage tout en prenant en compte les contraintes des acteurs agricoles.

Projet PhytoCOTE

Pour répondre à ces questions, les chercheuses et chercheurs du LabEx COTE1 ont proposé en 2015, dans une démarche « bottom-up », la mise en place du projet PhytoCOTE dans la région viticole du Blayais, au Nord de Bordeaux. Ce projet rassemble une soixantaine de scientifiques réunis dans une approche interdisciplinaire autour de l’agronomie, l’économie, l’écologie, la chimie environnementale, l’écotoxicologie et la sociologie. Il est structuré en deux axes principaux. Un axe concerne la compréhension des processus de transfert, de bioaccumulation et d’impact sur les écosystèmes des pesticides étudiés. Le second axe, agronomique, se concentre sur les systèmes viticoles, leur mode de fonctionnement actuel et leur évolution.

Un terrain d’étude savamment choisi

La zone géographique choisie est celle du Blayais, au Nord de Bordeaux. D’une surface de 830 ha, elle comprend le bassin versant expérimental de Marcillac, et est située en amont d’un cours d’eau qui se jette dans l’estuaire de la Gironde. 75% de la surface du bassin versant est occupée par de la vigne et des prairies le long des cours d’eau. Ce territoire comprend également une station d’épuration de la coopérative viticole des vignerons de Tutiac, partenaire majeur du projet, et celle de la commune, ainsi que des bassins d’aération d’une distillerie de sous-produits de la vinification. Les parcelles viticoles de la zone d’étude sont par ailleurs représentatives de différents modes de cultures de la vigne : viticulture bio, biodynamie, viticulture conventionnelle, viticulture conventionnelle raisonnée, agroécologie, certifications environnementales...

Des impacts réels sur l’environnement

Afin de caractériser le devenir et les impacts des pesticides, des analyses chimiques et écotoxicologiques ont été effectuées dans l’eau, dans les sols, dans l’air, et sur certains êtres vivants comme les coquillages, les larves d’huîtres et le biofilm. Le biofilm est cette communauté multicellulaire de microorganismes adhérant entre eux qui recouvre certaines surfaces dans l’eau et en milieux aqueux, comme les cailloux des rivières.

Sans surprise, ces analyses révèlent la présence de nombreuses molécules phytosanitaires de synthèse – des herbicides dont le glyphosate en grande majorité, divers fongicides et insecticides…-, mais également des métaux (cuivre, aluminium, nickel…), dans tous les systèmes étudiés. Ces molécules ont été observées à des concentrations variables, qui fluctuent en fonction de paramètres tels que la météo ou le débit du cours d’eau. Le biofilm étant une ressource nutritive à la base du réseau trophique (l’ensemble des chaînes alimentaires d’un écosystème) en rivière, toute contamination par les pesticides pourrait avoir des effets importants sur l’écosystème.

Des scenarii réalistes et innovants

Les performances écoenvironnementales d’une quarantaine d’exploitations viticoles ont été évaluées grâce à une méthode multicritère pour l’aide à la décision2. Sept critères de performances ont été retenus par les scientifiques, en concertation avec les professionnels du milieu viticole : rentabilité économique, pression phytosanitaire, risque d’écotoxicité des produits pour les écosystèmes, pratiques agroécologiques, potentiel de dérive lors de la pulvérisation, charge de travail, complexité du système productif, pondérés selon leur importance.

Trois scenarii de changement de pratiques ont ensuite été construits, modélisés et intégrés dans cette analyse : Raisonné Max, Agroécologie, et Agroécologie Bio. Réalistes et innovants, ces scenarii rassemblent certaines bonnes pratiques existant en divers lieu mais qui n’avaient jamais été combinées sur le même système productif.

Les résultats sont sans appel : les exploitations ayant les meilleures performances sont celles modélisées par les deux scenarii en agroécologie, les exploitations labélisées bio et une grande majorité de celles labélisées « haute qualité environnementale ». Les exploitations « conventionnelles » traditionnelles, c’est-à-dire celles qui sont en train de se convertir à des agricultures plus respectueuses de l’environnement, ont des niveaux de performance inférieurs et pour certaines, faibles.

Cette analyse globale des performances écoenvironnementale des systèmes est donc très utile pour construire des scenarii de rupture par rapport à la protection phytosanitaire actuelle et à l’intégration de pratiques agroécologiques. Ces résultats encourageants vont maintenant être discutés avec la profession viticole, sur le terrain, puis ce projet sera élargi aux aspects de santé humaine.


Fiche d’identité du projet PhytoCOTE

  • Coordination : Francis Macary, agronome au sein de l’UR ETBX d’Irstea Bordeaux
  • Financement : Labex COTE, Conseil régional Nouvelle Aquitaine, Université de Nantes et les instituts partenaires
  • Partenaires scientifiques : UMR EPOC (CNRS et Université de Bordeaux), INRA, Bordeaux Sciences Agro, Ifremer
  • Date : 2015-2019

 

1- Financé par l'Initiative d'Excellence de l'université de Bordeaux, le LabExCOTE réunit des chercheurs en biologie, physique, chimie et sciences socio-économiques de l’Université de Bordeaux, Irstea, l’Inra, le CNRS et l’Ifremer, pour comprendre et prévoir les réponses des écosystèmes aux changements induits par l’homme et pour fournir des outils et des méthodes de régulation ou de conduite de leur évolution.

2- En savoir plus sur la méthode Electre Tri-C :
MACARY, F., ALMEIDA-DIAS, J., RUI- FIGUEIRA, J., ROY, B., 2014. "A multiple criteria decision analysis model based on Electre Tri-C for erosion risk assessment in agricultural areas ", Environmental Modelling & Assessment, Vol. 19, 221-242.
MACARY, F., ALMEIDA-DIAS, J., UNY, D., PROBST, A., 2013. "Assessment of the effects of Best Environmental Practices on reducing pesticide contamination in surface water, using multi-criteria modelling combined with a GIS", International Journal of Multi-criteria Decision Making, Vol. 3, n° 2-3, pp. 178-211

 

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