L’accaparement des terres agricole : problème et solution européenne

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L’accaparement des terres par des investisseurs, qu’ils soient étrangers, sociétés financières, fonds d’investissement, qui n’ont strictement aucune vocation agricole, préoccupent. Malgré une volonté politique, les lois nationales se trouvent contraintes par le droit européen.

La presse s’est dernièrement émue qu’une société financière d’origine chinoise ait pu finaliser une acquisition de plus de 1 500 ha en Indre. En Gironde, près de 125 propriétés viticoles sont passées entre les mains de groupes chinois et depuis plusieurs années, de nombreuses autres entre les mains d’institutionnels, compagnies d’assurances, groupes bancaires, etc.

Les spécialistes s’accordent pour dire que la Safer et le contrôle des structures n’auraient pas suffisamment de pouvoirs pour maîtriser ces acquisitions dans la mesure où la Safer ne bénéficie d’un droit de préemption dans le cadre d’acquisitions viticoles, que si la cession de la propriété se fait dans sa totalité des parts cédées.

La libre circulation des capitaux prime en Europe

Une loi du 20 mars 2017 est intervenue afin de lutter contre l’accaparement des terres. La Safer se voyait notamment attribuer le droit de faire préemption aux cessions partielles de parts ou actions de sociétés. Mais après examen de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré une partie importante du projet.

Sur le plan du droit de l’Union européenne, il peut être affirmé qu’il n’y a pas de protection à l’accaparement des terres agricoles. En effet, le droit de l’UE consacre, dans sa plénitude le droit de propriété. L’article 345 du traité de l’Union européenne dispose que les traités de l’UE ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres, les laissant ainsi libres de régler ces questions d’accaparement. Mais si l’UE renvoie les États membres à leurs propres responsabilités afin de tenter de réglementer ces accaparements des terres agricoles, c’est aussi avec beaucoup de mesures.

En effet, l’article 63 du traité de l’Union européenne dispose que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers sont interdites. C’est le principe européen de libre circulation des capitaux.

Une réglementation nationale encadrée par Bruxelles

Ce principe étant rappelé par la Cour de Justice de la Communauté européenne selon laquelle les investissements qui sont faits dans le cadre d’acquisition de foncier agricole correspondent à des mouvements de capitaux, lesquels relèvent donc du principe européen de la libre circulation des capitaux qu’il n’est pas possible de limiter.

Le droit européen du marché foncier agricole ne permet, en réalité, aux États membres que de réglementer ledit marché par des mesures qui soient strictement justifiées et proportionnées mais aussi en corrélation avec les objectifs poursuivis par le législateur en matière agricole, telle que la préservation de l’exploitation des terres agricoles en faire-valoir direct, le maintien d’une population permanente en milieu rural ou bien encore le fait de favoriser un usage raisonnable des terres disponibles en agissant contre la pression foncière : ces objectifs correspondent à ceux de la Pac.

Ainsi, afin de préserver le droit de propriété et notamment le droit pour chaque propriétaire de vendre son exploitation, le droit européen du foncier agricole n’est pas en mesure d’intervenir et renvoie cette responsabilité aux États membres, mais avec beaucoup de restrictions, de telle sorte que les inquiétudes d’accaparement des terres ne vont pas se dissiper avant longtemps.

Alexis Gaucher-Piola

Avocat au Barreau de Libourne et de Bordeaux

 

Article paru dans Viti hors-série Les Enjeux de décembre 2017

Viti les Enjeux décembre 2017

 

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