La filière vin en Ukraine affiche son unité et la volonté de se développer

Le 4e forum annuel national du vin, organisé le 31 octobre dernier à Kiev par la Chambre de commerce et d’industrie d’Ukraine avec l’appui de l’Ambassade de France, constitue, pour tous les acteurs de cette filière et les institutions, une plateforme unique au cours de laquelle sont discutés les enjeux et les orientations possibles pour son développement.

Ce rendez-vous unique prend une dimension majeure car il regroupe plus de 220 professionnels, motivant ainsi la présence de la vice-ministre de la Politique agraire et de l’Alimentation, Olga Trofimtseva, et du vice-ministre du Développement économique et du Commerce, Mikhail Titarchuk, et des députés.

Le forum s’organise selon une succession de tables rondes avec des débats souvent passionnés, et de dégustations, qui sont l'occasion de faire le point sur la production et les orientations de ce grand pays agricole mais dont la production viti-vinicole commence tout juste à s’organiser. Avec 44000 ha de vignoble et 70 producteurs, les vins ukrainiens restent encore confidentiels, mal connus et orphelins des célèbres locomotives de Crimée, comme Massandra.
 

Les vins ukrainiens à la conquête de leur propre marché domestique

Même si l’export génère déjà 42 millions de dollars de devises, les vins ukrainiens sont actuellement pénalisés par une mauvaise image en particulier sur le marché domestique.
Exister à domicile, gagner le cœur des Ukrainiens, est un des principaux défis de la filière. Cela passe par la mise sur le marché de vins plus qualitatifs et plus en correspondance avec la demande exprimée par la nouvelle génération de consommateurs locaux de plus en plus occidentale dans ses comportements d’achat.

Des vins sont produits en Ukraine

Les vins étrangers apparaissent, à leurs yeux, plus séduisants, plus en phase avec les tendances, de meilleure qualité pour un prix équivalent.
La consommation de vins a toujours été historiquement faible en Ukraine car largement devancée par les spiritueux comme la vodka et brandies, ou par la bière. L’offre se caractérise essentiellement par des rouges, blancs ou sparkling riches en alcool, en sucre et très peu chers. La diffusion de la culture du vin, la hausse du pouvoir d’achat, la multiplication des bars à vins, restaurants branchés, cavistes et boutiques contribuent à changer la donne en faisant évoluer les vins vers des caractéristiques plus habituelles sur les marchés occidentaux, et accélérant le phénomène de mutation de la consommation de vin.
 

Un déficit d’image à domicile

En 10 ans déjà, beaucoup de progrès qualitatifs ont été accomplis dans les profils aromatiques des vins, mais on trouve encore trop peu de vins locaux sur ces nouveaux lieux de consommation. Trop souvent considérés comme des vins sucrés, alcoolisés, bas de gamme, ne reflétant pas leur terroir, sans identité propre, des professionnels commencent à s’engager pour faire émerger des indications géographiques, selon le modèle européen, tout en travaillant sur une meilleure connaissance des sols et des cépages, la qualité du matériel végétal, du raisin et la constance des rendements.

L’Ukraine est pénalisée dans ce domaine par l’absence de filière pépinière organisée ni même de producteurs de plants suffisamment solides. Il en est de même pour tous les intrants et toutes les agrofournitures qui doivent souvent être importés de l’Union européenne à prix inaccessible pour les petits producteurs.

Le constat d’un manque global de formation et d’information est également fait à tous les stades de la filière, aussi bien au niveau de la connaissance des terroirs, des sols, ou des cépages locaux que de la formation des viticulteurs, des œnologues, des sommeliers et des cavistes en charge de promouvoir les vins locaux.
 

L’État ukrainien en soutien

L’État ukrainien, conscient des difficultés mais aussi du potentiel que représente la filière, s’est déjà engagé en faveur des petits vignerons à travers la simplification des procédures administratives et commerciales, et la suppression de taxes prohibitives pour obtenir la licence de commercialisation de leurs vins. Des aides pour la plantation de vignobles font partie aussi des moyens d’intervention du ministère de l’Agriculture à travers un budget annuel de quelques centaines de milliers d’euros. L’émergence de centaines de nouveaux petits producteurs semble maintenant possible.

Pour organiser le marché intérieur et développer l’offre nationale, les professionnels attendent encore de nouvelles mesures comme la possibilité d’acheter des terres agricoles, et des aides pour structurer la filière et investir dans l’amélioration qualitative. La Chambre de commerce et d’industrie fait beaucoup pour rendre possible la création d’une marque et d’une promotion collectives. L’œnotourisme fait aussi partie des pistes de développement économique de même que l’export dans les pays de proximité et en particulier vers l’Union européenne. L’Allemagne n’est, par exemple, déjà pas insensible aux nouveaux vins ukrainiens.

À l’export, cela suppose aussi que le pays adhère à l’Organisation internationale de la vigne et du vin. Les institutions doivent aussi s’organiser pour respecter les conditions de l’accord signé avec l’UE sur la protection des indications géographiques, comme par exemple «cognac» et «champagne», au plus tard en 2026. Un programme d’assistance technique a été mis en place par la Commission européenne pour améliorer la réglementation nationale à cet égard et pour accompagner la filière dans la mise en place de ses propres appellations.

Ce contexte peut générer de nombreuses possibilités pour les experts et les équipementiers français spécialisés. Les entreprises de l’Association pour le développement des exportations des produits et technologies agroalimentaires, Adepta, ont eu la possibilité lors du Forum d’entrer en contact avec des clients potentiels, à la suite de quoi, des producteurs ukrainiens ont prévu de se rendre au Salon Vinitech fin novembre pour prendre connaissance des solutions techniques. L’Ambassade de France à Kiev est, dans ce contexte, mobilisée pour stimuler ces contacts et les coopérations possibles dans cette filière notamment, ainsi que Business France qui organisera courant 2019 une mission de prospection régionale collective pour les entreprises françaises exportatrices attirées par le vignoble ukrainien.
 

Un ambassadeur du vin ukrainien issu du show-business

Les vins ukrainiens souhaitent se faire une place sur le marché local et trouver une niche de marché à l’export. Exister sur la carte mondiale passera par beaucoup d’actions collectives et de communication.
Mais aussi par des ambassadeurs de marque, créateurs de buzz comme l’un des chanteurs de rock les plus populaires d’Ukraine, Oleg Skrypka, qui vient d’investir, en partenariat avec le domaine Chizay, dans un domaine viticole de quelques hectares dans l’Ouest de l’Ukraine. Passionné des vins qu’il a découverts en France, il croit en l’avenir de la filière ukrainienne viticole, et résume parfaitement la situation : « Le vin c’est comme un groupe de rock, il faut d’abord qu’il soit connu chez soi avant d’essayer d’être connu ailleurs ».

Article co-écrit par Stephane Badet et Nicolas Perrin, conseiller agricole Ambassade de France en Ukraine

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