Au Chili, les vignerons se distinguent par l’usage de techniques ancestrales

Tout un monde s’articule autour de la terre et du vin, des vies passionnantes et multiples, des systèmes vitivinicoles différents qui me passionnent. Pour satisfaire cette curiosité, j’ai décidé de partir à la découverte des vignerons outre-Atlantique, de leurs vins, leurs envies, leurs attentes et leurs convictions. Sur le continent américain, je vais me promener, travailler et vous faire part de mes découvertes pendant un an.

Les vendanges en Argentine sont désormais derrière moi. J’ai pris mon sac à dos et je traverse la Cordillère des Andes, direction les vignobles chiliens. Sur la route du Chili, les paysages défilent et présentent des vignes à perte de vue où des bâtiments aussi impressionnants que majestueux trônent au bout d’allées bordées d’immenses palmiers. Sans aucun doute, me voici dans un pays où le vin est roi. J’emprunte alors un chemin de terre qui me mène à un domaine, à première vue sans prétention. Le bâtiment se fond dans son environnement, je n’aperçois aucune cuve dominant le paysage, les vignes sont à peine visibles, cachées par des haies denses et nombreuses. Bienvenue au domaine RE, tellement original, passionnant et inattendu dans cette région, qu’il mériterait bien plus d’un article à lui tout seul.

« Bodegas RE », voici un nom qui interpelle. « Le nom RE renvoie à un concept qui nous est propre : REcréer, REinventer, RÉvéler », expliquent les propriétaires. Trois mots qui annoncent la philosophie du domaine.

Une symbiose réfléchie entre techniques ancestrales et modernité

L’objectif affiché de cet ambitieux domaine familial est de prouver qu’il est possible d’atteindre l’excellence dans les vins en utilisant des procédés d’élaboration ancestrale avec les connaissances actuelles. Bannies les cuves en Inox, les systèmes de froid ou de chaud : « Nous avons donc réfléchi à chaque détail pour être capable de faire du vin excellent sans ces technologies. » La visite privée devient alors passionnante.  Pour entretenir une température constante et idéale, la cave est construite semi-enterrée et on y accède par un petit escalier caché dans le noir. « Nous ne voulons pas d’éclairage dans la cave pour ne pas altérer les vins. Quant aux murs, ils sont construits en adobe, un mélange de terre malaxé avec de l’argile et de la paille. » En effet, alors que l’été est encore brûlant dehors, j’apprécie autant que les vins la fraîcheur parfaite du lieu.

Les cuves en Inox sont remplacées par des vieilles amphores en terre cuite, de différentes tailles, dans lesquelles les raisins fermentent tranquillement. À leurs côtés, pointe de modernité, des amphores géantes en forme d’œufs en béton, surplombent cette petite cave.  « La forme en œuf permet des remontages naturels tout en douceur, et ne nécessite aucune intervention de notre part », explique-t-on dans la cave. Les raisins de carignan, marselan, mourvèdre côtoient les plus célèbres pinot, syrah ou chardonnay, et tous sont ensuite élevés dans des barriques d’au moins six vins, installées dans le centre de la cave.

REvéler la typicité

Les vignerons du domaine RE travaillent sur des fermentations longues de plusieurs mois avec des baies entières. Je déguste un carignan de 2015 pour me faire mon propre avis : le vin est d’une fraîcheur absolue, avec une trame acide incroyable, une intensité fruitée surprenante, des arômes de cerises fraîches sur une matière douce sans aucune astringence et une longueur sensationnelle. La porosité de la terre cuite permet une micro-oxygénation lente et régulière du vin permettant d’assouplir les tanins sans apporter les arômes du bois. « Nous pouvons ainsi élaborer des vins très fruités tout en gardant une capacité de vieillissement élevé. » L’extraction en amphore est très douce − les vignerons du domaine RE parlent d’ailleurs plutôt d’infusion − ce qui explique qu’un cépage tannique comme le carignan paraisse finalement aussi soyeux et doux à la dégustation. « Il faut des raisins dans un état sanitaire parfait pour pouvoir laisser macérer durant un an les baies entières dans une amphore, sans ajout œnologique, avec une décantation naturelle qui tient lieu de filtration. » Définitivement, je suis convaincue par le concept RE.

Azote et gravité pour un pressurage naturel
Les pratiques dites « naturelles » sont de plus en plus utilisées pour les grands vins chiliens. Au domaine Errazuriz, dans la vallée de l’Aconcagua, quelques kilomètres au nord de Santiago du Chili, les baies de raisin sont encuvées entières. Pendant plusieurs semaines, la fermentation se déroule lentement et sans aucune intervention extérieure. Le vin s’écoule naturellement, petit à petit, par gravité, dans une cuve en dessous.
« Le poids des raisins permet l’écoulement naturel du jus, et nous utilisons l’azote pour augmenter la pression en haut des cuves. Grâce à cette technique, les baies de raisins ne sont ni foulées ni pressurées et le vin n’est pas pompé. Il garde un fruité et une minéralité la plus pure qu’il soit. » Une technique réservée aux vins les plus hauts de gamme de ce grand domaine chilien.

 

 

Article paru dans Viti Leaders de septembre 2018

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