Toxicité au cuivre  : phytoextraction, la bonne solution ?

Fleurs de souci, semées avant plantation de la vigne pour  la phytoextraction du cuivre du sol. Vignoble William Fèvre, Chablis, juillet  2019. Photo : F. Ménin/William Fèvre ou F. Bussy/Chambre d’agriculture 89

La préoccupation des vignerons au sujet de la qualité de leurs sols est de plus en plus forte, et la question du cuivre y est liée. Pour éviter les risques de toxicité, certains préconisent la phytoextraction, c’est-à-dire l’absorption du cuivre par certaines plantes, qui pourra ensuite être extrait.

Florian Bussy, conseiller viticulture à la chambre de l’Yonne : «Oui, mais les études doivent se poursuivre »

Le souci et sa racine pivotante : un outil naturel de structuration du sol avant plantation de la vigne. Vignoble William Fèvre, Chablis, juillet  2019. Photo : F. Bussy/Chambre d’agriculture 89
En 2018, la société lyonnaise Biomede cherche à tester ses associations de plantes couvre-sol en viticulture. Elle prend contact avec la chambre d’agriculture de l’Yonne, qui s’intéresse, elle aussi, à la phytoextraction du cuivre – c’est-à-dire sa captation par les racines des végétaux à des fins de dépollution. Au printemps 2018, un mélange de plusieurs variétés de souci est implanté sur 0,3  ha de vignoble du négociant William Fèvre, à Chablis. La vigne a été arrachée six mois auparavant. Le couvert est tondu en août 2018, un échantillon est analysé grâce à la méthode de la spectrométrie de fluorescence des rayons X. Résultat  : la biomasse contient plusieurs centaines de mg de cuivre par kg. L’expérimentation a été renouvelée cette année. « À nous de creuser l’aspect extraction du cuivre pour avoir davantage de données à moyen et à long terme, et pour savoir si cela fonctionne aussi dans les interrangs », indique Florian Bussy, conseiller viticulture à la chambre. Reste également à travailler sur la valorisation de la biomasse obtenue, « par exemple en alimentation porcine, car les animaux sont souvent carencés en cuivre, ou dans l’industrie métallurgique ». Autre enseignement sur le plan agronomique : « La végétation a bien poussé malgré la sécheresse, les fleurs sont même ressorties en octobre  : on aurait pu tondre une seconde fois. » François Ménin, chef de culture chez William Fèvre, note, de son côté, « un excellent départ des plantes en pivot vertical, elles sont parvenues à fissurer le sol sans problème ».
De bon augure pour l’enracinement de la vigne.

Thibaut Déplanche, conseiller au laboratoire Celesta-lab, Montpellier : «Non, d’autres pratiques sont à privilégier »

Photo : Celesta-Lab
« Dans les analyses de sols, les vignerons demandent presque systématiquement le dosage du cuivre depuis trois ou quatre ans », observe Thibaut Déplanche, conseiller au laboratoire Celesta-lab de Montpellier. L’excès de cuivre EDTA, c’est-à-dire le cuivre disponible et non le cuivre total, entraîne des problèmes de toxicité. L’analyse de cent échantillons pris dans des vergers de PomEvasion révèle que la teneur en cuivre EDTA dans les sols peut être corrélée avec la baisse de la biomasse microbienne. « Mais, implanter des végétaux pour extraire du cuivre n’a jamais permis de réduire la teneur en cuivre disponible au sol, nuance le conseiller. Il faut observer les ordres de grandeur. Avec un engrais vert qui enlèverait plusieurs centaines de mg de cuivre par kg, par exemple 400  mg, soit 0,4  kg par tonne, et qui produirait 4 tonnes de matière sèche dans une vigne, on supprimerait 1,6  kg de cuivre par hectare, ce qui ne compense même pas les entrées annuelles dues au traitement. Dans les sols qui commencent à présenter des problèmes dus au cuivre, nous sommes autour de 50 mg/kg de Cu EDTA (parfois même 80 ou 100  mg/kg). Ce qui équivaut à 175  kg de cuivre EDTA par hectare à “extraire”, sur 3 500  tonnes de terre (1  ha sur 30  cm d’épaisseur). Une part beaucoup plus faible que le cuivre total… Il semble donc plus intéressant de rendre le cuivre moins disponible par le biais de différents leviers, plutôt que de chercher à l’exporter, avec la question finale de sa valorisation. »

D’après Thibaut Déplanche, la solution la plus simple est de ne pas laisser un sol s’acidifier, car les pH basiques limitent la biodisponibilité du cuivre. Deuxième option  : apporter de la matière organique, car le cuivre a une forte affinité avec la matière organique qui le complexe et le rend indisponible. Le cuivre restant davantage dans l’horizon de surface, l’enjeu est de réussir l’implantation. « Une vigne bien établie, avec un enracinement pas uniquement superficiel, a rarement des problèmes de toxicité au cuivre. Un apport important de matière organique à la plantation de 50  t/ha peut limiter les risques de toxicité », indique Thibaut Déplanche.

Article paru dans Viti 448 de janvier 2020

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