Ravageurs vs parasites et prédateurs : qui gagnera le match ?

Eudémis pourrait profiter de l’augmentation des températures pour développer ses populations… © R Coutin - N Hawlitzky /Inra

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Le changement climatique va-t-il favoriser une extension des aires géographiques des ravageurs ? Au contraire, la compétition ou le parasitisme seront-ils accrus entre diverses populations ? Bien malin qui pourra le prédire. La balance semble tout de même pencher du côté d’une augmentation des risques liés aux insectes.

 

Parmi les paramètres du changement climatique, la température est le facteur prépondérant sur les insectes : elle peut modifier les durées des cycles reproducteurs (avec une augmentation du nombre de générations dans l’année), mais aussi le niveau des populations et leurs aires géographiques d’activité. Est-ce pour autant une catastrophe annoncée ? Pas nécessairement. Car ces changements peuvent aussi favoriser l’activité des parasites et des prédateurs de ces nuisibles. L’inconnue ? C’est la manière dont les équilibres biologiques vont être affectés, et ce qui va en résulter.

En viticulture, « le réchauffement climatique entraîne un risque entomologique accru », estime pourtant Denis Thiery, entomologiste à l’Inra de Bordeaux et auteur de plusieurs articles sur la question. Pour lui, la viticulture risque de se compliquer, avec, par exemple, la nécessité d’une surveillance accrue des populations en dehors des périodes habituelles, à cause d’années plus atypiques. 

Eudemis grand vainqueur ?

Si on examine les principaux ravageurs actuels de la vigne, l’eudémis va sans doute supplanter la cochylis, qui a besoin du froid l’hiver et supporte moins la chaleur, comme l’année 2003 l’avait confirmé : les températures supérieures à 38 °C avaient séché les pontes. Mais cette espèce a été moins étudiée et peut réserver des surprises. Bien qu’il y ait d’ores et déjà quatre générations d’eudémis par an en Bordelais, une augmentation est encore possible. En Israël, par exemple, cinq générations se succèdent. Actuellement, la quatrième génération peut s’étaler jusqu’en novembre, à une période où il n’y a plus de lutte insecticide. Elle peut ainsi préparer une future G1 très abondante. Mais des hivers doux et humides peuvent aussi signifier de grosses mortalités pour les larves, car ces conditions favorisent les entomopathogènes. Un printemps avec des pointes de températures très élevées pourrait aussi décimer les larves, qui ne pourraient pas se protéger de la chaleur dans des baies pas encore suffisamment grosses. Enfin, une désynchronisation entre l’éclosion des larves et l’apparition des bourgeons de la vigne serait très préjudiciable, à cause du manque de nourriture. 

Bref, les scientifiques ont bien du mal à prédire de quel côté va pencher la balance. Tout comme la manière dont va évoluer la cicadelle de la flavescence dorée. Cet insecte, dont l’aire ne cesse de s’étendre vers le nord, préfère les hivers froids. Mais le phytoplasme qu’elle transmet est favorisé par l’augmentation de la température. Que va-t-il en découler ? La question reste ouverte.

La cicadelle de la flavescence dorée, qui vient de la région  des grands lacs américains, préfère les hivers froids. © AS Walker/Inra
Remontée vers le Nord

Enfin, de nouvelles espèces pourraient arriver. Parmi les candidates : la cicadelle africaine de la vigne, Jacobiasca lybica, qui pourrait remonter d’Espagne et d’Italie. Mais aussi, un parasite très efficace des larves d’eudémis et de cocylis. Sa présence est d’ores et déjà avérée dans le vignoble de Fronton. Ces nouveaux parasites vont-ils pouvoir réguler les populations ? Sans doute par endroits, mais peut-être pas partout, car ils devront trouver dans ces nouveaux environnements les conditions nécessaires à leur survie.

La situation est donc très complexe. D’autant que le réchauffement climatique n’est pas le seul élément à prendre en considération : la mondialisation des échanges est aussi responsable de l’arrivée de nouvelles espèces, et à un rythme beaucoup plus soutenu. Depuis 2000, on compte sept nouvelles espèces dommageables pour l’agriculture par an. Les insectes, comme les humains, vont plus vite par bateau ou par avion ! Dans ce contexte, la vigilance reste la meilleure alliée du vigneron.

 

 

Article paru dans Viti 443 de mai-juin 2019 

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