Les dessous d'une condamnation

Bis repetita... Le 4 septembre dernier, la France a été à nouveau condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne. Le motif? "Manquement aux obligations qui lui incombent", en vertu de la directive communautaire "nitrates". Sont relevées en particulier les insuffisances ou non-conformités concernant: la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, les périodes d’épandage, la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage, la limitation quantitative de l'épandage, l'interdiction d’épandage sur les sols gelés ou couverts de neige.

Cette décision fait suite à la condamnation du printemps 2013, prononcée pour les mêmes raisons. À l'époque, le gouvernement français avait répondu par une redélimitation des "zones vulnérables" du territoire national, où sont imposées des pratiques agricoles spécifiques visant à réduire les risques de pollution azotée. En complément était envisagée l'interdiction totale des fumures organiques sur les parcelles en pente (déclivité supérieure à 15%). Au sein de la filière viticole, la mesure avait suscité un tollé, et les frondeurs menés par le SGV Champagne avaient obtenu sa modification. En conséquence, les apports de compost, mulch d'écorces, amendements "bouchons" sont autorisés dans les vignobles de coteaux, dans la limite de 50kg d'azote efficace par hectare et par an.

Une sanction qui vient de loin

Aujourd'hui confronté à une nouvelle sanction (sans conséquences financières), le ministère de l'Écologie fait valoir pour sa défense que celle-ci porte sur une ancienne génération de programmes d'action, antérieure à 2011, et que, depuis, la plupart des sujets soulevés dans le jugement de la Cour de justice ont été corrigés. Pourtant, le compte n'y est toujours pas. Sinon, pourquoi Ségolène Royal aurait-elle annoncé dès le mois de juillet 2014 – avec un sens de l'à-propos assez remarquable – une nouvelle extension du zonage? En effet, une liste de 3800 communes a d'ores et déjà été constituée, s'ajoutant aux 19200 déjà classées. La nouvelle carte des zones vulnérables devrait être publiée à la fin de l'année.

Selon Nathalie Pinon-Guérin, chargée des dossiers environnement et développement durable au SGV Champagne:

 L'extension des zones vulnérables est sans doute une réaction trop "mécanique" à une situation agrogéologique complexe. En 1993, afin de se conformer à la directive nitrates adoptée deux ans plus tôt par le Conseil des ministres européen, l'État français avait déployé un programme d'actions, décliné en volets régionaux et départementaux en vue de tenir compte de l'hétérogénéité assez exceptionnelle du sous-sol hexagonal. Résultat, la Cour de justice européenne n'a de cesse de pointer "l'incohérence" des actions correctives et du zonage français, jusque dans sa condamnation du 4 septembre. Autrement dit, il y aura d'autres jugements défavorables, voire des amendes. À cet égard, il n'est pas surprenant que des organisations syndicales telles que la FNSEA ou JA réclament la remise à plat complète de la directive.

Agronomiquement marginale, administrativement contraignante

Dès 1996, ses instances dirigeantes avaient choisi d'intégrer le vignoble champenois dans les "zones vulnérables" à la pollution des milieux aquatiques, en vertu des teneurs en nitrates de ses nappes phréatiques – notamment la fameuse "nappe de la craie", l'une des plus grandes en Europe, qui alimente aussi une bonne partie de l'Île-de-France. Cependant, d'autres régions viticoles pourraient être concernées par l'extension future du zonage, à l'instar de l'Alsace et d'une partie de la Bourgogne. Ce qui fait dire à Laurent Brault, chargé des questions juridiques aux Vignerons indépendants de France:

 Même si la viticulture est globalement peu consommatrice d'engrais azotés (20 à 30kg par hectare et par an) relativement aux autres filières agricoles françaises, les producteurs situés en zone vulnérable doivent impérativement fournir à l'administration un plan prévisionnel de fumure. C'est ainsi, les services de l'État sont plus concentrés sur la bonne tenue des registres que sur la réduction effective des pollutions...

En savoir plus:
► La France respecte-t-elle les obligations européennes en matière de limitation de l’apport de nitrates par l’activité agricole? Pourquoi?
 

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