La modulation de dose pour homogénéiser les parcelles

« Lors de nos essais, nous avons estimé des gains allant de 4 à 80  euros par hectare », explique Christophe Gaviglio. C.Gaviglio / IFV

Bien connue en grandes cultures, la modulation de dose intraparcellaire au moment de l’apport d’engrais reste encore peu courante en viticulture. Pourtant, depuis 2017, Pascal Pelissou, viticulteur près de Gaillac, réalise de la modulation de dose depuis deux campagnes sur son vignoble, et les résultats semblent prometteurs !

«Avec deux ans de recul, je ne reviendrais pas en arrière : même à l’œil nu, nous pouvons constater les effets bénéfiques de la modulation de dose sur nos vignes », constate Pascal Pelissou, gérant d’un domaine de 65  ha à Brens, à la porte de Gaillac. Pour parvenir à un tel résultat, différentes étapes ont été franchies. La première s’est faite collectivement.

Créer une carte de préconisation

« Tout est parti d’un programme régional autour de la valorisation des nouvelles technologies, se souvient Christophe Gaviglio, ingénieur à l’IFV. Le souhait des viticulteurs était notamment de valoriser les cartographies disponibles. En effet, nous avions de nombreuses informations à disposition concernant l’hétérogénéité des parcelles, grâce à des cartes de vigueur ou de type de sol par exemple, mais nous n’utilisions pas ou peu ces données. Et rapidement, moduler la dose de fertilisation semblait une idée prometteuse et facile à mettre en œuvre dans des essais. »

Point de départ de toute modulation, la cartographie est un élément fondamental : « C’est peut-être ce qui manque actuellement pour que cette solution se développe, constate Christophe Gaviglio. Souvent, le maillon manquant est le conseiller, la coopérative ou n’importe quelle structure capable de transformer une carte de constatation en une carte de préconisation. Des prestataires capables de faire des cartes, il y en a énormément. Malheureusement, en viticulture, il manque l’expertise terrain pour transformer ces supports en cartes de préconisation, qui sont la base essentielle de la modulation de dose. »

Pour obtenir cette carte, Pascal Pelissou a pu compter sur l’expertise de sa coopérative Vinovalie. « Mon conseiller s’est servi d’une carte de vigueur, prise par un satellite au mois d’août, qui sert habituellement à faire de la sélection parcellaire. À partir de cette base, nous avons défini trois à quatre zones dans chaque parcelle. L’idée était de limiter le nombre de zones pour ne pas trop complexifier la modulation. Pour chacune d’entre elles, je détermine la quantité d’engrais à apporter. Ainsi, ma carte de préconisation est prête. À noter que chaque année, je m’appuie sur la même carte initiale, puisque je corrige les différences de vigueur au sein de mes vignes. Si je reprenais une image chaque année au mois d’août, j’aurais beaucoup moins de zones hétérogènes, ce qui fausserait ma modulation pour l’année suivante. »

Actuellement, trois viticulteurs utilisent l’épandeur Kuhn  et la console Trimble pour moduler l’azote sur environ 100 ha.  Un quatrième adhérent devrait permettre d’atteindre 140  ha en 2020 .T. Massol/Chambre d’agriculture du Tarn
Un équipement spécifique ?

La deuxième barrière pour faire de la modulation vient du matériel. « C’est sans doute ce qui freine actuellement le plus le développement de cette pratique, confirme Christophe Gaviglio. Il faut compter entre 10 000 et 15 000  euros pour s’équiper d’une console de guidage et d’un épandeur d’engrais capable de faire de la modulation. Et le retour sur investissement n’est pas garanti sur toutes les parcelles, notamment sur les plus homogènes. Lors de nos essais, nous avons estimé des gains allant de 4 à 80  euros par hectare. Avec une moyenne basse de l’ordre de 20  €/ha, il faut une centaine d’hectares pour amortir l’équipement en cinq à sept ans. Pour parvenir à ce résultat, un achat en commun est donc le plus logique. »

C’est justement cette solution qu’a privilégiée Pascal Pelissou, qui a décidé d’investir en Cuma, pour rendre possible la modulation de dose sur son domaine. « Au départ du projet, nous étions six ou sept. Finalement, nous ne sommes que trois actuellement à utiliser l’ensemble composé d’une barre de guidage Trimble GFX 750 et d’un épandeur Kuhn, équipé pour faire de l’apport en localisé sous le rang. Cela représente environ 100 ha par an. Mais dès cette année, un voisin devrait nous rejoindre, pour porter cette surface à près de 150  hectares. »

La modulation peut se faire manuellement
Si l’investissement matériel peut faire peur à certains, Christophe Gaviglio, ingénieur à l’IFV, se veut rassurant : « Pour tester, il est possible de faire de la modulation manuellement sur certains appareils, en faisant varier la vitesse d’avancement sur la base d’une localisation cartographique en cabine, avec une console ou simplement avec un Smartphone. Encore une fois, je précise qu’il n’est pas nécessaire de découper sa parcelle en 25 zones qui recevront 25 doses différentes. Deux à quatre zones sont déjà bien suffisantes. »
C’est d’ailleurs ce type de modulation manuelle qu’utilise Pascal Pelissou pour la pulvérisation : « J’ai enregistré quatre programmes dans ma console, et, selon la parcelle où je suis, je ne mets pas la même dose. Tout cela reste manuel, mais permet une première approche, sans technologie ! »

Une prise en main rapide

Concernant la prise en main, cela reste assez simple : « Je continue d’apporter le même engrais qu’avant, à savoir un complet de type 15-5-22, avec un effet retardateur pour la libération de l’azote, afin qu’il se libère sur trois mois. Je continue de l’apporter assez tard dans la saison, à savoir fin avril/début mai. La seule chose qui change, c’est la dose, qui varie désormais entre 100 et 300  kg/ha selon les zones ! Pour cela, avant de partir dans les vignes, je rentre la carte dans la console Trimble et je précise la dose qu’il faut apporter pour chaque couleur. Une fois dans les rangs, tout se fait de façon automatique. L’ouverture et la fermeture des doseurs se font toutes seules, et la dose varie selon la zone où je suis dans la vigne. Le seul bémol concerne les zones où je dois apporter peu d’engrais. En localisé sous le rang, le débit est très faible, proche des limites techniques de l’appareil. Pour y parvenir, je suis obligé d’augmenter la vitesse, souvent entre 15 et 20  km/h. Autre point de vigilance, comme nous utilisons le signal gratuit Egnos, la dérive est importante et, par moments, il se peut que l’épandeur ait tendance à s’ouvrir alors que je suis encore dans la fourrière, il faut rester vigilant. »

Concernant des économies d’engrais, Pascal Pelissou se veut plus prudent : « C’est assez difficile à dire, mais globalement, je pense que  je tends vers une diminution. Il faut plutôt parler d’optimisation : je mets la bonne dose au bon endroit. » T. Mass
Pour autant, le viticulteur n’imagine pas un retour en arrière : « C’est vrai que cela peut sembler complexe lorsque l’on manipule la console la première fois. Pourtant, la technologie reste simple à utiliser. Au contraire, tout se fait automatiquement une fois que nous sommes dans la parcelle. Et les résultats parlent d’eux-mêmes. Avant, les différences de vigueur pouvaient être impressionnantes dans certaines parcelles. Depuis que je fais de la modulation, deux ans, nous constatons une certaine homogénéité sur l’ensemble des parcelles. Au moment de la taille, c’est flagrant pour tout le monde : c’est beaucoup plus régulier dans les vignes. Le sol a moins d’incidence qu’avant sur la vigueur de la vigne. »

La fertilisation localisée sous le rang
T. Massol/Chambre d’agriculture du Tarn
Les adhérents de la Cuma de Brens ont décidé d’équiper l’épandeur Kuhn MDS de localisateurs capables d’apporter l’engrais uniquement sous le rang. « Je fais des couverts végétaux et je ne vois pas l’intérêt d’apporter de la fertilisation dans l’interrang, car je vais devoir gérer la pousse par la suite, précise Pascal Pelissou. Mon ancien appareil était déjà équipé de localisateurs. » Ces derniers peuvent s’escamoter pour faire de l’épandage en plein, en cas d’apports organiques en bouchons par exemple. D’ailleurs, ce dernier type d’apport peut également être modulé, mais Pascal Pelissou ne le fait pas actuellement.

Des économies d’engrais ?

Concernant des économies d’engrais, Pascal Pelissou se veut plus prudent : « C’est assez difficile à dire, mais globalement, je pense que je tends vers une diminution. Il faut plutôt parler d’optimisation : je mets la bonne dose au bon endroit. Et dans certains cas, je peux même faire l’impasse. Mais à vrai dire, économiser de l’engrais n’est pas mon objectif prioritaire. Lorsque je suis dans des parcelles en AOP ou en IGP qualité, la modulation de dose me permet d’augmenter la qualité en ayant une parcelle homogène. Je peux ainsi avoir un fruité plus régulier, ce qui aaccroît la qualité sans pour autant augmenter le rendement ni diminuer les intrants. Sur mes autres parcelles en IGP, où je recherche avant tout du rendement, je vise la quantité, et la modulation de dose me permet de consolider le potentiel de rendement. Là encore, je ne compte pas sur une économie d’engrais pour me payer l’intervention. »

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Article paru dans Viti 451 d'avril 2020

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