« La conduite de la vigne doit à nouveau évoluer »

Konrad Schreiber :  « Un sol fertile est la garantie d’une meilleure autonomie, de moins d’apports  d’intrants et de plantes  en meilleure santé. » Photo : D. Lefèbvre

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Agronome et formateur, Konrad Schreiber coconstruit avec des groupes d’agriculteurs des modèles de production agricole durable. L’idée fondatrice : copier la nature.

Pouvez-vous présenter les grands principes de la méthode de culture que vous testez actuellement dans votre réseau ?
Konrad Schreiber :
La base de l’agronomie et des sols fertiles est simple selon moi : les sols doivent être toujours couverts et jamais travaillés. De plus, ils doivent manger une « ration » conséquente. Plus ils ingèrent du carbone, plus ils produisent de l’azote. C’est la plante qui fournit la terre fertile sur laquelle elle prolifère, pour pousser toute seule. Bref, l’agriculture doit copier le fonctionnement de la nature pour réussir le développement durable. Ce qui est vrai pour les céréales ou pour les élevages l’est également pour les autres cultures, notamment la vigne.
La conduite de la vigne doit à nouveau évoluer. Les gestions actuelles sont calamiteuses et les solutions en agriculture biologique sont aussi catastrophiques que celles de la chimie conventionnelle. Il s’agit, dès lors, de reconstruire la démarche agronomique conduisant vers des sols fertiles. En effet, un sol fertile est la garantie d’une meilleure autonomie, de moins d’apports d’intrants et de plantes en meilleure santé. Pour les vignerons, il s’agit de supprimer les engazonnements, technique qui conduit à compacter les sols, et de couvrir les cavaillons avec des plantes adaptées. La mise en place des couverts végétaux est particulièrement intéressante, puisqu’ils initient de nouvelles techniques de gestion du végétal. Ils développent également la production de biomasse et la biodiversité.

Cette méthode est-elle compatible avec la recherche de raisins de qualité ?
K. S. :
C’est toujours la même histoire stupide qui veut qu’une bonne vigne pousse sur une terre dégradée où il ne reste que les roches et les cailloux. La terre fertile, c’est plus d’humus, pas d’érosion, pas de lessivage, une garantie de rendement même en cas de sécheresse (meilleure gestion de l’eau et bonne réserve utile), pas d’intrants (fertilisation). Si elle est bien gérée, la terre fertile donne la possibilité de faire de la lutte « Bio-Logique », c’est-à-dire de suivre la Logique de la Biologie pour réussir la lutte contre les maladies. Nous ne luttons plus contre les plantes, nous travaillons avec les plantes.
Pour ce qui est des rendements, les vignerons sont libres de récolter ce qu’ils veulent. De nombreuses techniques existent pour limiter les rendements. L’inverse n’est pas vrai, car, avec une terre stérile, si la récolte n’est pas là, il est impossible de fabriquer du raisin. De plus, les vignerons qui ont de l’expérience disent que l’humus permet d’élaborer des arômes bien plus subtils et complexes que les cailloux. À suivre donc.

Vous suivez une expérience de conduite en verger depuis cinq ans. Pouvez-vous nous en parler ?
K. S. :
Dans ces nouveaux vergers, nous avons réduit l’irrigation, supprimé les OAD et mis en place une nouvelle gestion de l’eau, avec une méthode simple de mesure de l’état de dessiccation des sols adaptée aux arbres. La fumure s’est orientée avec succès vers les oligoéléments et les couverts végétaux ont remplacé l’engazonnement traditionnel. Actuellement, deux couverts par an ponctuent la gestion des vergers dans lesquels nous installons la lutte biologique et intégrée : perturbateurs, phéromones, nichoirs à mésanges, fleurs dans les couverts, vers de terre.

Je suis viticulteur, je veux faire évoluer mes pratiques. Par où puis-je commencer ?
K. S. :
Je commence par semer un couvert végétal, en automne, avec des plantes faciles à cultiver. Je remplace l’enherbement par des couverts sur plusieurs rangs. Le plus simple est de commencer par des céréales (seigle, triticale, avoine, féverole, vesce, pois fourrager…) et de semer quelques rangs (tous) avec un outil traditionnel, sans jamais travailler le sol profondément. Une fertilisation est nécessaire pour commencer. La taille sera possible tout l’hiver. Puis, le couvert peut se détruire par simple roulage lorsqu’il est en épiaison. Cela se passe plus ou moins tôt en saison, suivant le type de plantes et de climat que vous avez.

Comment contourner le risque d’envahissement par les vivaces ?
K. S. :
L’envahissement par les vivaces est contrôlé par les couverts. La réussite d’une très forte biomasse au printemps est synonyme de paillage important, qui contrôle à son tour les adventices. Et puis, les adventices doivent être tolérées, elles nous indiquent ce qui ne va pas dans le vignoble. Les chardons poussent car le sol est compacté et le phosphore bloqué, et ainsi de suite, chaque plante ayant son domaine de prédilection pour pousser. En gros, ce sont les pratiques agricoles qui créent les conditions de levée de dormance des adventices. Si elles sont bonnes, il y aura peu d’adventices problématiques ; et si elles sont mauvaises, vous en aurez beaucoup.

Semer des couverts ne va-t-il pas augmenter le risque de gel ?
K. S. :
Le risque de gel est généralement issu d’une erreur de gestion des couverts. Le gel qui vient en avril et début mai est un gel de différence de température de l’air au niveau des plantes. Ce sont des gelées blanches. En créant un couvert plus grand que la vigne, la gelée blanche se bloque sur le couvert et épargne la vigne qui est dessous. Il est donc important que les couverts soient présents dans tous les rangs. L’erreur généralement commise consiste à semer un rang sur deux, ce qui accentue le risque de gel entre le couvert développé, qui capte le froid en hauteur, et le couvert détruit ou fauché au ras du sol, qui capte le gel très bas. Ainsi, entre ces deux gestions côte à côte, il s’installe un gradient de température entre le haut et le bas des plantes, et le rang de vigne qui est entre les deux va subir le gel, inévitablement. Les viticulteurs doivent tester sur quelques rangs, ou demi-rangs, et se faire la main dans une phase d’apprentissage.

Pour aller plus loin :
Le principe des sols fertiles : https://www.youtube.com/watch?v=X-umPbPSmvg (1h44)
Fertilité des sols en viticulture : https://www.youtube.com/watch?v=k8-zx2uKRS4 (6h33), captée lors d’une formation d’un groupe de viticulteurs en Champagne.
De nombreuses autres vidéos sont disponibles sur la chaîne Ver de Terre production.
Konrad Schreiber sera présent à Paysages in Marciac, du 30 juillet au 8 août 2019.

Article paru dans Viti 443 de mai-juin 2019 

 

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