Irriguer les vignes avec les eaux recyclées issues des stations d’épuration

L’irrigation des parcelles a été assurée par un système d’irrigation aérien par goutte-à-goutte. Les diffuseurs, positionnés au niveau de chaque cep au niveau du sol pour le carignan, et à 30 cm du sol pour le viognier. Photo : Flor Etchebarne

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Dans le sud de la France, l’eau devient rare. L’irrigation des vignes est une solution pour lutter contre le stress hydrique, mais les ressources en eau sont limitées. Les eaux recyclées, issues des stations d’épuration, peuvent constituer une ressource alternative.

Le projet Irri-Alt’eau a pour objectif d’étudier la faisabilité de l’utilisation des eaux recyclées issues des stations d’épuration. Cette pratique est déjà mise en œuvre dans d’autres pays viticoles comme l’Espagne, les États-Unis (Californie notamment) et l’Australie. En France, la réglementation actuelle permet l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation des cultures. Tout en respectant les niveaux sanitaires requis pour la culture à irriguer. Cependant, les viticulteurs sont en partie réticents, selon une enquête menée dans le cadre du projet. D’où l’intérêt d’une étude poussée pour établir l’inocuité de cette utilisation à la fois sur les sols, la vigne, le raisin et, bien sûr, sur le vin.

Ce projet collaboratif associe six partenaires : Véolia, coordinateur et concepteur d’un prototype de traitement des eaux, Aquadoc, (fabricant de système d’irrigation), la cave coopérative de Gruissan, le Grand Narbonne et deux laboratoires de l’Inra1. Il a démarré en 2013 pour trois campagnes d’irrigation : 2013, 2014 et 2015. Les expérimentations ont été menées à l’Inra de Pech Rouge sur deux parcelles aux sols différents de respectivement 1 ha et 0,5 ha.

« Une parcelle de viognier (conduite en espalier) située sur sols argilo-sableux, et une parcelle de carignan, implantée sur sols calcaires et conduite en gobelet », précise Flor Etchebarne, en charge du projet à l’Inra.

L’irrigation des parcelles a été assurée par un système d’irrigation aérien par goutte-à-goutte. Les diffuseurs, positionnés au niveau de chaque cep au niveau du sol pour le carignan, et à 30 cm du sol pour le viognier.

Pas d’impact sanitaire

Dans les conditions de l’étude, la qualité et la quantité d’eau apportée aux vignes étaient maîtrisées.
Quatre modalités ont été comparées : apport d’eau potable, d’eau usée traitée de qualité B, d’eau usée de qualité C et d’eau brute « agricole », pompée dans le canal Sainte-Marthe (Narbonne).

« Les eaux usées recyclées provenaient de la station d’épuration de Narbonne-Plage. L’eau de qualité B a subi, en plus des traitements classiques en station d’épuration, une préfiltration, une désinfection par passage aux UV et une chloration. L’eau de qualité C, uniquement une préfiltration et une désinfection au chlore », explique-t-elle.

L’irrigation a été apportée en même temps et en quantité équivalente sur les différentes modalités, pendant la période de déficit hydrique, de mai-juin à la récolte, selon les résultats des modèles de prévision (mesure des potentiels hydriques).

En moyenne, 500 m3/ha d’eau ont été apportés par campagne, en dix apports.
Les scientifiques ont analysé à la fois la qualité des différentes « eaux » apportées aux ceps, mais aussi l’impact sur le sol, sur la nappe phréatique, sur la vigne et dans le raisin. Des vinifications ont également été effectuées.

« La qualité des eaux a été étudiée au niveau sanitaire (microbiologique), mais aussi vis-à-vis des résidus de pesticides, des résidus de médicaments, et de la présence éventuelle de métaux lourds. Les résultats confirment leur utilisation possible pour irriguer la vigne, y compris pour les eaux usées de qualité C. »

Des eaux plus chargées en nutriments

Comparée à l’eau potable et à l’eau agricole, l’eau recyclée a une teneur en sels et une charge nutritive plus élevées. Les premiers résultats montrent qu’il n’y pas de différence dans le sol, la nappe phréatique, la plante et dans la composition de la récolte et du vin entre vignes irriguées avec des eaux recyclées ou eau agricole ou eau potable. Ces résultats démontrent que la qualité du fruit et du vin est plus sensible aux effets millésimes qu’au type d’eau d’irrigation.

Les eaux issues de la station d’épuration sont plus riches en nutriments (azote, phosphore, potassium), mais aussi plus chargées en sels (chlorure, sodium). Les expérimentations visaient donc également à voir l’effet de cette « fertirrigation ».

« Nous n’avons pas constaté d’effet de l’irrigation avec les eaux issues de la station d’épuration sur la nutrition de la vigne. Mais ces résultats ne proviennent que de deux années d’expérimentations – les résultats des analyses pétiolaires de 2015 ne sont pas encore connus – et les effets attendus sont plutôt des effets à long terme. Les apports sont en effet réalisés en très petites quantités et dans le temps (50 m3/ha à chaque irrigation). » Ce point nécessitera d’être creusé. Le projet Irri-Alt’eau s’est achevé en 2016, mais les expérimentations devraient être poursuivies sur cette thématique à la station Inra de Pech Rouge. Le site pourrait servir « d’observatoire » et de démonstration sur le terrain à long terme.

(1) Laboratoire de biotechnologie de l’environnement de Narbonne (LBE) et l’unité expérimentale Pech Rouge.

Article paru dans Viti n°417 de mai/juin 2016

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