Il implante des couverts végétaux variés en climat méditerranéen 

Depuis vingt ans, Michel Bataille, viticulteur dans l’Hérault, pratique l’enherbement. Sur ses vignes, il teste plusieurs modalités de couverture de sol par des espèces annuelles, à ressemis, ou permanentes. Pour viser une bonne adaptation au climat méditerranéen et au phénomène de remontée saline, il utilise et recherche des variétés bien précises.

C’est à proximité de Béziers, au bord de la Méditerranée, que Michel Bataille a entrepris de mettre en place des couverts végétaux dans ses vignes : « J’ai commencé par des engrais verts semés tous les rangs afin de limiter le ravinement de la terre lors de gros orages que l’on a dans la région. Ils sont de moins en moins fréquents, mais la couverture du sol a bien autres atouts ! Notamment sur les parcelles inondables et inondées de mon exploitation. »

Les 32 ha de vignes de Michel Bataille sont en partie situés entre les embouchures de deux fleuves : l’Orb et l’Aude. Inexorablement, le sel remonte dans le sol. Pour éviter le dépérissement de la vigne, une méthode traditionnelle consiste à inonder les parcelles en hiver avec une lame d’eau douce de 30 à 40 cm. D’autres parcelles connaissent ponctuellement, selon la pluviométrie de l’année, des problèmes de ressuyage de novembre à mai. « Améliorer la structure du sol et sa portance est indispensable pour réussir à mener les travaux de la vigne. La couverture du sol est le meilleur moyen d’y parvenir. Aujourd’hui sur ce type de parcelles, j’implante des couverts permanents et des engrais verts un rang sur deux. »

Pour la première modalité, un mélange de ray-grass anglais gazonnant, de fétuque rouge et de trèfle fraise donne de bons résultats. « Le couvert tient sans trop se salir, résiste à l’eau et sèche en été. La concurrence azotée est faible. Les plus vieux couverts ont six ans et j’espère pouvoir les maintenir dix ans. Il m’a fallu de longues recherches bibliographiques, notamment sur des sites Internet australiens et néo-zélandais consacrés au pâturage, pour identifier des variétés de légumineuses rustiques, adaptées à mon terroir, indique Michel Bataille. Il s’avère que certaines sont originaires de l’arc méditerranéen ! » C’est le cas du trèfle fraise, un trèfle très portant grâce à son racinaire très dense. « J’utilise en particulier la variété Palestine vendue ici par le semencier Barenbrug, ajoute-t-il. Progressivement, le trèfle prend le dessus sur les autres espèces, même si l'on en met peu dans le mélange initial. Côté entretien, pour faciliter les travaux de palissage sans trop stimuler la repousse, je me limite à une ou deux tontes. Plus on tond, plus les couverts consomment de l’eau et des nutriments pour relancer la repousse en vue de faire des graines. C’est un compromis à trouver. Dommage qu’aucune variété ne soit sélectionnée spécifiquement pour répondre aux contraintes viticoles. Elles seraient plus rasantes. »

Pour les engrais verts sur ces zones hydromorphes, le viticulteur apprécie le trèfle de perse et l’avoine noire en mélange avec du ray-grass d’Italie précoce, comme la variété Jolly. Ces espèces semblent bien supporter les conditions temporairement asphyxiantes.

De plus en plus de couverts qui se ressèment tous les ans

La trentaine d’hectares de l’exploitation compte aussi  des parcelles « sèches ». De plus en plus, Michel Bataille y implante des variétés annuelles qui se ressèment d’une année à l’autre.

Le trèfle souterrain fait alors partie du mélange. Sur les sols calcaires du vigneron, la sous-espèce brachycalycinum se comporte bien. « J’en teste deux variétés : Clare et Antas », précise Michel Bataille. La luzerne méditerranéenne polymorphe, la luzerne lupuline, la luzerne tronquée (variété Paragio), la luzerne orbiculaire entrent dans le mélange. « Certaines espèces sont très agressives et semblent prendre le dessus, comme la luzerne lupuline. J’ajoute aussi des graminées comme la fétuque ovine ou rouge pour conserver une portance plus longue dans la saison. Car, courant juin, ces légumineuses sèchent et leur système racinaire n’est pas très important. »

Les rangées implantées avec des couverts à ressemis sont alternées avec des engrais verts, notamment sur les vignes en conversion bio. Là encore, le viticulteur pratique des mélanges variés avec des espèces plus classiques : féverole, vesce, moutarde brune, avoine noire, orge… « Il y a une forte variabilité interannuelle dans la levée. Cette année, par exemple, la féverole est très mal née. Avec les mélanges, il y a toujours des espèces qui vont se développer et faire de la biomasse. »

Des engrais verts couchés ou broyés

Sur les parcelles 100 % engrais verts, Michel Bataille tend aussi à faire évoluer ses pratiques. « Avant, je détruisais tout en broyant courant avril, se souvient le viticulteur. Désormais, j’alterne. Un rang est broyé avec les résidus enfouis au débourrement quand l’autre est roulé, généralement durant la deuxième quinzaine d’avril pour laisser les pailles au sol, en mulch. La dégradation de la paille produit des composés aux vertus allélopathiques qui empêchent le salissement. Les pailles limitent aussi la température du sol en été. La modalité broyée enfouie a quant à elle d’autres avantages : la libération des éléments minéraux et des glucides est rapide. La restitution à la vigne se fait dans un délai plus court, en espérant que cela tombe à la nouaison. C’est à ce stade que se déterminent le nombre de cellules des baies, et donc la taille maximale des grains à maturité. »

Tous les cinq ans, les rangs broyés deviennent des rangs roulés et inversement. « Sur cette période, le mulch a le temps de s’accumuler et d’assurer une fonction qui me tient à cœur : la portance. Je veux pouvoir rentrer dans mes parcelles pour traiter, sur celles en conventionnel et encore plus sur celles en bio. »

Pour mettre en place ses couverts, Michel Bataille utilise un semoir à semis direct. Seul le trèfle permanent est semé sur un lit de semence fin. « Le semis direct donne de bons résultats de levée, sans bouleverser le sol. Mais il faut préciser que, désormais, je n’hésite pas à surdoser de 20-30 % les références par hectare d’Arvalis. Avant d’avoir appliqué mes coefficients de mélange, la féverole par exemple est à 160 kg/ha sur la surface semée. »

Pour s’approvisionner, le viticulteur a plusieurs fournisseurs. La féverole est cultivée par un céréalier voisin et vendue à 0,50 €/kg. L’avoine provient d’aliments pour volaille. La vesce ou encore les radis fourragers sont commandés en ligne sur Agriconomie, et les graines très spécifiques sont sourcées chez des semenciers comme Barenbrug ou Phytosem. « J’aimerais me fournir davantage auprès de producteurs locaux. C’est un chantier à mener pour les campagnes à venir. Il y a toujours à faire et à découvrir avec les couverts végétaux. Faut-il des féveroles d’hiver comme la variété Irena, qui donne de bons résultats de biomasse sur mon exploitation, ou des féveroles de printemps comme Isabelle ou Vesuvio qui ont l’avantage de n’avoir qu’une tige haute facile à coucher ? Le semis de printemps est-il pertinent ? Le niger est-il adapté pour des couverts annuels ? Tant que j’aurais la forme pour entretenir mes vignes, j’expérimenterai ! », conclut le viticulteur de 63 ans.

 

INFO PLUS. Vous pouvez relire l'article "Comment calculer les doses de semis pour implanter son engrais vert au vignoble ?" en accès libre sur www.mon-viti.com

 

DE BONS CONSEILS

  • Pour réaliser ses mélanges, Michel Bataille utilise une bétonnière.

  • Si vous n’avez pas de Rolofaca, il est possible de coucher des espèces à tiges creuses, comme la moutarde ou la féverole, en utilisant un rotavator sans enclencher la prise de force et en roulant vite (8 km/h).

  • Semer au plus tôt après les vendanges.

  • Pour éviter de manipuler les graines de féverole avec un PMG conséquent, Michel Bataille sème d'abord les féveroles à 6 cm de profondeur, puis le jour suivant les autres graines du mélange des engrais verts à 2 cm.

  • Pour bien broyer les couverts, le viticulteur a acheté un broyeur Lagarde assez lourd attelé à l’avant du tracteur. Les roues ne couchent ainsi aucune plante avant le passage du broyeur.

  • Augmenter les doses de référence en plein que l’on peut trouver dans la littérature céréalière.

  • Pour les semis de petites graines (trèfles et luzernes) semer en surface sans poser le semoir à semis direct et rouler pour optimiser la levée.

  • Pour ce type d’espèces, ne pas abandonner si la première année la levée n’est pas bonne. Des graines dites « dures » ne germeront que l’année suivante.

 

FERTILISATION. Avec les couverts, Michel Bataille n’apporte pratiquement plus d’engrais minéral. Les apports d’azote des légumineuses et la remobilisation des éléments par les autres espèces couvrent les besoins des vignes menées en IGP. « Il n’y a que sur quelques parcelles maigres très caillouteuses que j’apporte ponctuellement, par la fertirrigation, 20 unités d’urée à la floraison. Au global, je fais les rendements autorisés, autour de 90 hl/ha. Les couverts ne m’empêchent pas de viser la rentabilité économique. »

 

Il change de pratiques face au changement climatique
« Le changement climatique est bien perceptible sur l’arc méditerranéen. Le régime de pluies a changé. Les étés sont globalement plus chauds et secs. Alors je tente d’adapter mon vignoble », indique le viticulteur. 
Sur les nouvelles plantations, Michel Bataille monte son fil porteur à 90 cm au lieu de 70 auparavant : « J’opte pour un palissage haut sur les rangs orientés nord-sud pour maximiser l’ombre portée. Malgré le goutte-à-goutte enterré à 40 cm entre les rangées, je diminue la densité de plantation. Je garde un interrang de 2,50 m, mais je passe à 1,20 m entre les pieds. En IGP, ce n’est pas un problème. Je vais planter des cépages étrangers comme le moschofilero. Et ce sera sans prime, alors que l’on devrait au contraire soutenir ceux qui cherchent des solutions face au changement climatique. Enfin, je mets en place des couverts végétaux. Cette pratique augmente la part de matières organiques dans les sols, et donc la réserve utile… mobilisable s’il pleut. Sur une parcelle suivie par la chambre d’agriculture de l’Hérault, les techniciens ont mesuré une hausse de 0,5 point en dix ans, soit  2 % de MO. »

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