« Il est temps de passer à l’ère de la commercialisation des robots »

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Il n’y a plus un Salon où les robots ne sont pas les vedettes. Les expérimentations se multiplient à une vitesse folle. Pour certains, la phase d’industrialisation et de commercialisation a même débuté depuis peu. Vont-ils envahir nos vignes dans la décennie à venir ? Pour essayer d’y voir plus clair, nous avons interrogé Mathieu Liebart, chef de projet à l’interprofession des vins de Champagne.

 

Un unique tracteur-robot polyvalent ? Plusieurs robots spécialisés pour une tâche bien précise ? À quoi va ressembler l’avenir ?

Mathieu Liebart : Les deux pistes sont explorées, en effet. Le robot enjambeur autonome semble plutôt adapté dans les grandes parcelles, même si son utilisation dans les petites n’est pas exclue non plus. Il faut juste calculer le temps de transfert d’une parcelle à l’autre. En parallèle, des petites machines autonomes peuvent très bien se développer. Elles viendraient faire une opération bien spécifique, en complément du parc matériel existant, ou bien d’un robot enjambeur autonome ! Désormais, il est temps d’entrer dans une phase d’industrialisation et de commercialisation des robots qui sont en développement depuis trois à cinq ans. Chaque stratégie d’équipement sera différente d’une exploitation à une autre. Il faut donc que les viticulteurs s’approprient les robots, pour que les constructeurs fassent évoluer leurs machines en fonction des retours terrain.

Quelles sont les tâches facilement « robotisables » ?

M. L. : En travail du sol par exemple, qui est sans doute le domaine qui sera robotisé en premier, nous pouvons très bien imaginer un opérateur qui effectue le premier passage, le plus compliqué. Les robots arriveraient alors dans un second temps, lorsque la demande de puissance sera moindre. La pulvérisation devrait également être un secteur où des solutions devraient arriver rapidement sur le marché. Le troisième axe de développement des robots portera certainement sur les opérateurs. Lors des opérations de remplacement de piquets, ou toute autre opération nécessitant de porter des charges, un robot suiveur d’homme sera bien pratique pour soulager les opérateurs et augmenter le débit de chantier. En revanche, pour la taille, qui reste très complexe dans notre vignoble, je suis plus sceptique. Il est déjà difficile de former une personne à la taille champenoise, car pour chaque plant, il faut penser « Je taille de cette façon pour pouvoir tailler comme ça dans 3 ans ». C’est quasiment impossible à coder pour un robot.

Quelle sera alors la place de l’homme dans tout ça ? Les domaines vont-ils économiser de la main-d’œuvre ?

M. L. : Je ne pense pas non. Le travail des salariés viticoles risque d’évoluer, c’est une certitude. Mais l’homme aura toujours une place déterminante dans le travail de la vigne. Derrière un robot, il y aura toujours une personne qui sera là pour programmer la machine, pour intervenir en cas d’obstacles, pour transporter le robot d’une parcelle à l’autre, mais également pour surveiller la machine, soit de manière continue, soit de manière ponctuelle lorsqu’il recevra une alerte venant du robot. La physionomie des postes va changer. L’homme sera alors un superviseur, plutôt qu’un opérateur. Mais il sera toujours présent pour déclencher et pour programmer les interventions.

Et niveau réglementaire, où en sommes-nous ? Est-il facile d’assurer un robot dès maintenant ?

M. L. : Les choses évoluent. Aujourd’hui, il n’y a pas de problèmes pour utiliser un robot dans un terrain privé. En revanche, les choses sont assez complexes en agriculture, dès lors que le robot sera amené à faire demi-tour sur une voie ouverte, comme un chemin en bout de vigne. Même si le chemin est privé. Là, la réglementation est plus complexe. Mais un gros travail de normalisation est en train d’être effectué dans le cadre du projet RobAgri. Dans tous les cas, tout doit être bien défini avant l’achat. Par exemple, si le robot vient percuter un promeneur : qui sera responsable ? L’utilisateur ? Le fabricant du robot ? Le fabricant du capteur qui n’a pas vu le danger ? Bref, de nouvelles questions vont se poser au moment de l’achat. Cela pourrait freiner certains producteurs. Mais je reste convaincu que, comme lors de l’arrivée des tracteurs enjambeurs en 1947, certains vont se dire : « Ce n’est vraiment pas pour moi ce genre d’engins ! » Puis, après un temps d’observation plus ou moins long, tout le monde finira par déléguer certaines tâches à des robots !

 

Comité Champagne : un concours pour développer la robotique
En 2018, le Comité Champagne, avec le soutien de l’association RobAgri, a lancé le concours robotique. Celui-ci vise à disposer d’ici trois ans d’engins autonomes performants pour l’entretien des sols et pour la protection du vignoble, adaptés aux spécificités champenoises. « L’idée est de créer un cahier des charges spécifique à notre vignoble, explique Mathieu Liebart. Afin que les industriels développent des solutions pensées et conçues pour notre vignoble, plutôt que d’essayer d’adapter à nos spécificités des robots venant d’autres domaines. »
Parmi les six dossiers de candidature, le Comité Champagne en a retenu deux :
• eBot-MVC porté par Pellenc-Agreenculture ;
• Bakus Écosystème porté par Vitibot.
Pendant trois ans, les programmes de recherche vont bénéficier de l’accompagnement des techniciens et des équipements du pôle technique et environnement du Comité Champagne et d’un financement global de 300 000 euros minimum sur trois ans. 

 

 

Article paru dans Viti 444 de juillet-août 2019

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