Des brebis entre les rangs de vigne

Depuis deux ans, Jean-François Agut, installé dans le Gers, a mis de côté son broyeur. Il fait dorénavant paître 70 brebis solognotes dans ses vignes. Ce petit troupeau lui a couté 10 000 € sur deux ans mais apporte une cohérence sur l’exploitation et un revenu supplémentaire.

« Un jour, j’ai vu les blondes d’Aquitaine de mes parents pâturer dans mes vignes, se souvient Jean-François Agut, viticulteur dans le Gers. Elles avaient été attirées par les couverts que j’avais semés. » C’est alors que lui vient l’idée de tenter l’expérience avec des brebis, « plus délicates que les vaches avec les piquets ». En 2015, le projet se concrétise avec l’arrivée de 50 brebis solognotes. Le choix d’une race rustique s’est imposé. En effet, Jean-François Agut dispose de peu de temps : il a repris seul la ferme de ses parents, composée de 16,5 ha de vigne et 146 ha de céréales. La solognote est peu sensible aux maladies, apte à rester dehors toute l’année et s’accommode de toute végétation… vigne comprise !

Par conséquent, les brebis ne circulent qu’à l’automne au milieu des vignes, dès que les feuilles sont au sol. Les couverts sont à ce moment-là bien développés. Une fois ces derniers coupés courts, elles quittent la vigne et occupent 17 ha de prairies et quelques cultures dérobées avoisinantes. Le vigneron en profite alors pour ressemer en direct les mélanges annuels et les laisse se développer.

Les brebis ne reviennent dans les parcelles viticoles que quelques jours en janvier-février, lorsqu’il y a de nouveau de la biomasse, mais avant que les bourgeons ne débourrent. Et les risques de tassement par le piétinement ? Jean-François Agut est confiant : « L’enherbement est bien développé et le chargement est faible sur un temps réduit. »

Un couvert de cinq ans, un autre d’un an

Notons que les ovins ne pâturent que 6,5 ha de vignes, facilement accessibles. Jean-François a dû modifier, sur cette surface, le choix des espèces présentes dans ses couverts. Les brebis sont des ruminants très sensibles à certaines légumineuses. Pour éviter tous risques de météorisation, il a retenu deux mélanges qui alternent un rang sur deux. L’un reste en place cinq ans. Il se compose, par ha, de 3 kg de lotier, 3 kg de trèfle blanc nain, 1 kg de trèfle souterrain, 1 kg de trèfle blanc et 10 kg de fétuque rouge traçante.

Les couverts se transforment soit en fertilisants rapidement assimilables, soit en agneaux commercialisables !

Ces rangs reçoivent les sarments de taille permettant ainsi d’équilibrer les apports de carbone. L’autre couvert est ressemé chaque année, en septembre, à raison de 200 kg/ha d’un mélange de féverole, pois, vesce, seigle, avoine brésilienne, radis, navette et phacélie. Ce couvert est très productif : il génère 6 à 7 tonnes/ha de matière sèche équivalent en plein. Les crucifères le rendent aussi très appétant.La conduite de la fertilisation, quant à elle, n’a pas changé. Elle s’ajuste en fonction du comportement de la végétation. En moyenne, 50 unités d’azote/ha/an sont apportées, pour un objectif de 120 hl/ha en appellation côtes de Gascogne.

Avec le pâturage, le viticulteur a gagné du temps sur le désherbage, mais ce temps est désormais réattribué au troupeau. En effet, outre une surveillance quotidienne, les brebis nécessitent une présence ponctuellement lors des agnelages, pour la tonte, la prophylaxie ou encore l’entretien des pieds. « Les brebis m’apportent une certaine sérénité, c’est avec plaisir que je vais les voir », reconnaît ce viticulteur, soucieux avant tout de la cohérence de son système.

Des brebis dehors toute l’année

Cette charge de travail aurait été plus conséquente si une bergerie avait été indispensable pour l’hiver. Ce qui n’est pas le cas ici : les brebis restent dehors toute l’année, chaque parcelle disposant de bosquets pour qu’elles puissent s’abriter. Le choix de la solognote permet, a priori, cette économie : les résultats techniques sont bons sur ces deux premières années, avec un taux de mortalité très faible. Seuls trois agneaux sont morts sur deux ans, alors que les références techniques nationales indiquent une médiane à 14 % de pertes (source : Institut de l’élevage).

Côté économique, en 2016, les mâles ont été commercialisés pour leur viande à hauteur de 6 €/kg de poids de carcasse. Quant aux femelles, la majorité a été conservée pour augmenter le cheptel, mais il existe un débouché pour de futures reproductrices à 150 € par animal. à savoir, la solognote est une race menacée, un plan de sauvegarde encadre les pratiques de reproduction et de commercialisation.

Au final, c’est un atelier qui sera rapidement amorti. Seuls 10 000 € ont été investis sur deux ans. Ils comprennent l’achat des reproducteurs, 50 agnelles et deux béliers, les clôtures électrifiées pour 23 ha de vignes et quelques dérobées, et les clôtures grillagées de type Ursus® pour 2 ha de prairies. Un parc de contention a également été créé et des abreuvoirs ont été ajoutés sur les parcelles de vigne. Et maintenant ? Parmi ses projets, Jean-François souhaite développer le troupeau. Objectif : créer un revenu supplémentaire pour installer un nouvel associé.

Retrouvez l’intervention de Jean-François Agut au colloque Agr’eau 2017 en cliquant ici.

Pour aller plus loin : Une convention avec la LPO pour l’écopâturage dans les vignes

Article paru dans Viti Leaders n° 429 de novembre/décembre 2017

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