Comment limiter les baisses de rendement lors du passage au désherbage mécanique du cavaillon ?

Photos : Emmanuelle Thomas/Adobe Stock

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Passer au désherbage mécanique du cavaillon peut engendrer une baisse de rendement, mais ce n’est pas une fatalité. Créer une zone de travail permet notamment d’éviter les perturbations au niveau du système racinaire de la vigne.

Lors du passage en viticulture biologique, l’une des étapes les plus délicates qui freine certains producteurs est la gestion de l’herbe, et plus spécifiquement le passage au désherbage mécanique du cavaillon.

Une baisse de rendement est souvent notée lors du passage à l’entretien mécanique du rang, mais elle n’est pas systématique.

Passer du désherbage chimique du rang au désherbage mécanique peut entraîner une baisse de rendement les premières années, mais ce n’est pas systématique. Photo : Emmanuelle Thomas/Pixel6TM
« Ce n’est pas une fatalité », rappelle Christophe Gaviglio de l’IFV. Les causes de ces diminutions sont multiples : « Le premier facteur est l’agressivité des outils sur le réseau racinaire et les souches des vignes. L’outil n’est pas agressif par nature, sauf si on l’utilise profondément. Et comme le désherbage mécanique, même très bien réussi, n’a pas la même durée dans le temps qu’un désherbage chimique, les repousses d’adventices exercent une certaine concurrence pour l’eau et les nutriments. C’est encore plus vrai pour la zone située entre les pieds, plus difficile d’accès où le désherbage mécanique est souvent imparfait. D’où l’intérêt d’une conversion progressive du vignoble en commençant par les parcelles "faciles" pour se faire la main sur l’utilisation et les réglages des outils. Il est préférable de démarrer sur de petites surfaces et surtout de bien anticiper la pousse de l’herbe. Les outils ne sont pas là pour débroussailler… Le désherbage mécanique s’effectue idéalement sur le stade plantule des adventices. Il faut se rappeler que plus il y a de feuilles, plus il y a de racines en dessous. Plus on anticipe, moins il y a d’herbe, plus l’émottage est facile et moins on a besoin de puissance donc les réglages sont plus aisés. C’est un cercle vertueux », assure-t-il.

Constituer une zone de travail au-dessus de la ligne du sol

Pour éviter de trop couper les racines de la vigne, l’idéal est de constituer une petite zone de travail au-dessus de la ligne du sol : une petite butte. « Elle peut être formée avec une charrue à vigne ou simplement par le passage de disques crénelés ou émotteurs qui projettent la terre, idéalement en combiné pour effectuer en seul passage : désherbage mécanique et reformation de la butte », indique Arnaud Furet, conseiller viticole d’Adabio. « Si on utilise une décavaillonneuse sur un sol à plat, on cherche la profondeur, si on l’emploie sur une butte, on ne travaille que la butte. Mais ce n’est possible que si le viticulteur ne se fait pas déborder par les adventices et effectue bien les passages au stade plantule. Dans ces conditions, l’impact sur les racines de la vigne est limité et les pertes de rendement ne sont pas automatiques », estime Christophe Gaviglio.

Interceps : les conseils pour bien commencer
Pour éviter la baisse de rendement lors du passage au désherbage mécanique du cavaillon, quelques précautions sont à prendre : tout d’abord, il est préférable de ne pas travailler trop profondément et donc de régler son outil en conséquence (2 à 4  cm de profondeur suffisent) pour ne pas abîmer les racines superficielles. Il est recommandé de ne pas passer l’interceps simultanément des deux côtés des rangs de vignes. L’idéal est de pratiquer, pendant un ou deux ans, un désherbage mixte, mécanique/chimique pour une transition en douceur : sur un demi-rang on travaille le sol et désherbage chimique/tonte sur l’autre demi-rang. Ensuite, pour la troisième année, il est possible de commencer le travail mécanique sur le demi-rang jusque-là désherbé. Cette introduction progressive du travail du sol sous le rang génère ainsi moins de stress, avec moins de racines coupées d’un seul coup, et la vigne a ainsi le temps de s’adapter, « d’encaisser ».

Selon le type de parcelle (historique des vignes, âges, type de sol, sol bien ressuyé ou non) et les outils utilisés, le passage au désherbage mécanique peut être effectué plus ou moins rapidement.

« Sur des vignes désherbées depuis plusieurs années chimiquement avec des résiduaires, il n’y aura pas beaucoup d’évolution de flore pendant trois ans. Si les racines ne sont pas très superficielles, le passage au désherbage mécanique peut être fait immédiatement en totalité. Sur des vignes sur sols superficiels, avec beaucoup de racines de vigne en surface, le risque est évidemment plus élevé. D’où l’intérêt de constituer une petite butte au-dessus de la ligne de sol », précise Christophe Gaviglio.

« Tout dépend du point de départ », confirme Arnaud Furet. L’âge des vignes, souvent considéré comme un frein sur les vignes les plus anciennes, n’est pas forcément un problème. Sur des vignes âgées, il est conseillé de réaliser au préalable une petite fosse pour observer le système racinaire. Il faut également être progressif dans l’utilisation des outils : venir directement avec des outils rotatifs entre les ceps, c’est agressif, alors que travailler une petite butte juste avec des doigts Kress ou des disques n’a pas cet inconvénient. Il ne faut pas hésiter à combiner les outils dans la saison. »

Projet Entretien du sol en viticulture alsacienne : des baisses de rendement variables selon les millésimes
Les baisses de rendement notées sur les premières années (- 9  % en 2014, - 46  % en 2015) dans la modalité pied à pied (photo) ont été en majorité imputées à l’alimentation azotée de la vign. Photo : DR
Dans le cadre du projet Entretien du sol en viticulture alsacienne, mené sur le site du lycée viticole de Rouffach, en Alsace, une comparaison de deux modes de gestion de l’herbe sous le cavaillon (modalité « pied-à-pied » et modalité « classique », correspondant au mode de gestion habituel en Alsace) a notamment été effectuée. La modalité de conduite classique correspond à un travail du sol un rang sur deux, avec application herbicide systématique au niveau du cavaillon. La modalité pied à pied en AB constitue en un travail mécanique de désherbage un interrang sur deux en intégrant le cavaillon. Il n’y a donc pas d’application herbicide au niveau des pieds de vigne.
Le projet, commencé en 2014 et conduit sur plusieurs années, a montré une perte de rendement variable selon les millésimes, entre la modalité de désherbage mécanique du cavaillon et le désherbage chimique du cavaillon (conduite classique). Les baisses de productivité de la vigne notées sur les premières années (- 9  % en 2014, - 46  % en 2015) ont été en majorité imputées à l’alimentation azotée de la vigne. En mai  2016, une fertilisation (farine de soie de porc à 14  % d’azote) a été réalisée sur la modalité pied à pied, ainsi qu’en janvier  2017 (compost, avec rapport C/N intermédiaire). Les rendements ont baissé de 32  % en 2016, mais ont augmenté de 2  % en 2017.

Article paru dans Viti 448 de janvier 2020

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