Comment favoriser la biodiversité dans les vignes ?

Huppe fasciée, oiseau emblématique de la côte viticole. © Marc Solari

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Le domaine bourguignon Jean-Marc Roulot a initié un diagnostic biodiversité avec la LPO. Objectif : conserver les éléments de paysage et les pratiques favorables à la biodiversité, et améliorer les points qui peuvent l’être.

Le domaine Jean-Marc Roulot, situé à Meursault en Côte-d’Or, comprend 16 hectares en chardonnay (85 %), en aligoté (7 %) et en pinot noir (8 %). Il produit en appellations meursault, auxey-duresses, monthélie, bourgogne. Les vignes sont conduites en bio depuis 2000, et la production est certifiée depuis 2013. « En Côte-d’Or, avec le prix du foncier qui augmente, tout le monde cherche à gagner quelques mètres carrés pour planter. Un peu partout, les tournières, les arbres isolés, les murs sont peu à peu grignotés. Le résultat, on le voit bien. Le paysage viticole évolue et pas dans le bon sens : il devient une mer de vignes, une monoculture », regrette Jean-Marc Roulot. En 2011, le domaine reprend 3 ha de vignes en deux parcelles. « J’ai toujours essayé de faire attention, mais quand on a un clos avec des murs et des arbres, on a envie de bien faire », précise-t-il. Il prend contact avec la LPO1, qui vient réaliser un diagnostic biodiversité personnalisé et gratuit (dans le cadre du programme national Agriculture & biodiversité, devenu depuis Des terres et des ailes).

Jean-Marc Roulot (à gauche) et Simon-Pierre Babski, LPO Côte-d’Or et Saône-et-Loire. © E. Thomas/Pixel6TM

« Le but du diagnostic biodiversité est de mettre en évidence, sur une parcelle, les éléments de paysage et les pratiques favorables et défavorables à la biodiversité avec nos yeux de naturalistes. De façon à les conserver, voire à apporter des améliorations, selon les possibilités du viticulteur. Il n’y a pas de contraintes, ni d’engagement pour l’exploitant : l’objectif est d’apporter de l’information, des conseils. Nous utilisons les oiseaux comme exemple, car ils sont plus faciles à observer pour les producteurs. Mais, de manière générale, les actions proposées sont favorables à l’ensemble de la biodiversité », explique Simon-Pierre Babski, LPO Côte-d’Or et Saône-et-Loire.

Identifier les bonnes pratiques existantes

Cap sur le clos des bouchères, parcelle de 1,37 ha ceinte d’un muret, pour mieux se rendre compte.

« La première des choses est d’identifier ce qui se fait de bien, et ensuite d’expliquer pourquoi. Les viticulteurs n’en sont pas toujours conscients. Un arbre, ce n’est pas juste un arbre, il fournit des cavités permettant aux oiseaux de nicher. Le lierre, par exemple, est une plante très intéressante, car elle fleurit tardivement (en septembre-octobre) à une période où les ressources pour les insectes pollinisateurs se font rares. De même, ses fruits sont disponibles au printemps, lors des retours de migration des oiseaux, etc., indique Simon-Pierre Babski. 

« Nous apportons également des conseils pour améliorer les pratiques. Par exemple, pour la taille des haies, certaines périodes sont défavorables, certains outils de tailles sont mieux adaptés que d’autres. Lorsqu’il faut refaire une portion de muret qui s’écroule, il est préférable de conserver la pratique traditionnelle de construction en pierres sèches plutôt que de maçonner. En effet, les pierres sèches sont riches en cavités et en abris pour la faune, et en supports pour la flore. Concernant l’entretien de la végétation en bas de muret, opter pour un broyage en fin de saison plutôt qu’un passage herbicide permet d’éviter de favoriser les annuelles qui peuvent ensuite poser souci à la vigne, etc. Le but est d’intégrer la biodiversité dans la conduite de l’exploitation, sans que ce soit une contrainte. »

Sur la parcelle du clos des bouchères, plusieurs éléments favorables ont été identifiés : divers grands arbres (noyers, tilleuls), des buissons, de larges murets en pierres sèches (plus de 2 m), une tournière enherbée et la proximité avec une zone non cultivée.

19 espèces d’oiseaux ont été identifiées sur la parcelle. L’occasion de présenter les espèces les plus courantes liées au vignoble, comme la linotte mélodieuse ou l’alouette lulu. Le guide De la biodiversité dans mes vignes est également remis à l’issue du diagnostic.

Un nichoir à huppe fasciée. © E. Thomas/Pixel 6TM
Pose de nichoirs

En 2017, neuf nichoirs ont été posés sur la parcelle. Les emplacements ont été choisis en concertation avec Jean-Marc Roulot. « Essentiellement des nichoirs à passereau, type mésanges (espèces considérées comme de potentiels auxiliaires vis-à-vis des insectes ravageurs, selon les travaux de l’IFV), mais aussi un nichoir à huppe fasciée, oiseau emblématique de la côte viticole bourguignonne. En 2018, une visite des nichoirs a permis de constater un bon taux d’occupation des nichoirs : sur neuf nichoirs posés, un seul était vide, sept ont été occupés pendant la période de reproduction, et un autre comprenait des traces de visites (présence de matériaux). À noter qu’un des nichoirs a également servi à un micromammifère de type loir gris ou lérot pendant la période hivernale. Je trouve intéressant de montrer que produire du bon vin et préserver la biodiversité ne sont pas incompatibles », explique Jean-Marc Roulot.

Il souhaiterait mener un projet similaire sur une autre parcelle du domaine : le clos des tessons. Cette parcelle est petite, mais elle présente du bâti ancien encore en état, à conserver. « Le bâti non habité est très intéressant, par exemple pour les chauves-souris », précise Simon-Pierre Babski. « Je dois arracher une partie de la vigne, donc je suis en réflexion, pour voir s’il ne serait pas possible de caser un arbre en bas de parcelle. J’aimerais également impliquer mes voisins dans la démarche, car on se rend bien compte que l’effet est d’autant plus intéressant lorsque les efforts sont faits à plus grande échelle », conclut Jean-Marc Roulot.(1) LPO : Ligue pour la protection des oiseaux.

Les murets en pierres sèches, avec leurs interstices naturels, constituent par eux-mêmes un petit écosystème.  © E. Thomas/Pixel 6TM

 

Viti 447 novembre-décembre 2019

Article paru dans Viti 447 de novembre-décembre 2019

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